Beaucoup d’attentes pèsent sur les voitures électriques. En plus d’une mobilité plus vertueuse, l’Europe, les gouvernements de nombreux pays, les énergéticiens et d’autres professionnels les imaginent dans une dynamique de développement des énergies renouvelables et d’équilibrage des réseaux de distribution de l’électricité. C’est le principe des réseaux intelligents associés aux architectures V2G et leurs dérivés limités à un logement (V2H) ou un bâtiment (V2B).

Enjeu

Avec un réseau électrique qui, pendant des dizaines d’années, mettait simplement en relation des consommateurs avec les moyens de production nationaux composés de grosses centrales à côté desquelles des unités plus petites assuraient l’ajustement de l’offre à la demande, la gestion du système était relativement légère. Mais le développement des énergies renouvelables, dont le volume provient en partie d’une multitude de particuliers et de petites structures, a changé la donne.

Désormais, il faut composer avec des sources dont le flot de production varie en fonction de la journée (photovoltaïque) et de la météo (éolien). La gestion de tout cet ensemble demande une finesse et une grande réactivité qui passe par le stockage de l’électricité. Différents moyens existent pour cela, dont l’exploitation de batteries tampons. Elles sont chargées de récupérer l’énergie produite en surplus par rapport à la demande électrique, pour la restituer à la demande et selon les besoins de consommation dans les plus brefs délais.

Définitions

Cette architecture qui prévoit le stockage tampon dans des batteries pour aligner la production sur la consommation au niveau du réseau électrique national, c’est le Battery-to-Grid (B2G). Elle constitue une brique des réseaux intelligents qui s’appuient aussi sur des compteurs individuels capables de transmettre en temps réels des informations sur la consommation des ménages et des entreprises.

Ce stockage par des batteries, on l’imagine dans des unités stationnaires réparties à travers le pays. Mais avec le développement des véhicules branchés, – électriques ou hybrides rechargeables -, notamment au sein des flottes professionnelles, les énergéticiens espèrent pouvoir désormais disposer des batteries de traction en complément. C’est le Vehicle-to-Grid (V2G), dont le principe peut-être adopté à l’échelle d’un bâtiment (V2B = Vehicle-to-Building) ou d’un logement (V2H = Vehicle-to-Home). Dans ces deux derniers cas, il peut s’agir de simplement stocker l’énergie quand elle coûte le moins cher pour en disposer lorsque les tarifs sont au maximum. Mais l’architecture la plus complète exploite aussi les sources renouvelables d’énergie via de relativement modestes installations éoliennes ou photovoltaïques. En outre les systèmes V2H et V2B assurent une alimentation de secours en électricité en cas de panne sur le réseau habituel.

Conditions pour un bon fonctionnement

Pour un bon fonctionnement des architectures V2G, techniquement, il faut une installation (chargeur)  bidirectionnelle capable d’alimenter les batteries se traction des voitures électriques, mais aussi d’en recevoir l’énergie au besoin.

Les utilisateurs et propriétaires des véhicules branchés  exploités ne doivent pas être lésés. Il est ainsi important de leur permettre d’indiquer des projets d’utilisation des engins afin qu’ils disposent de suffisamment d’autonomie pour réaliser les déplacements prévus. Plus les packs auront une capacité énergétique importante, – en mesure, par exemple, de couvrir les besoins journaliers de déplacement tout en réservant un volume de stockage tampon suffisamment volumineux -, moins les utilisateurs des VE concernés auront à gérer une éventuelle inquiétude pour de potentiels trajets de dernière minute.

Autre moyen de motiver les propriétaires de véhicules branchés : les faire bénéficier d’une rémunération qui devra au moins couvrir la potentielle usure prématurée de la batterie de traction qui accompagnerait un flot bidirectionnel quotidien. Si les constructeurs de véhicules électriques se montrent rassurants en prétendant que l’impact sur le vieillissement des packs serait minime, la prudence est de mise, car en 2018 nous n’avons pas suffisamment de recul sur ce point précis.

Constructeurs engagés

Particulièrement dynamique et pionnier dans l’expérimentation des architectures V2G et assimilés, Nissan enchaîne la réalisation de démonstrateurs depuis des années, et communique abondamment sur le sujet, notamment au niveau institutionnel. Ainsi lors de la COP21, en 2015, où le constructeur a annoncé la signature d’un partenariat avec le fournisseur d’énergie italien Enel afin de développer la technologie V2G au niveau européen. A travers le projet Future of Mobility Concept, imaginé en collaboration avec le cabinet d’architecture Foster + Partners, Nissan a imaginé le principe du V2G comme une évolution majeure de la mobilité qui redessine complètement l’idée que l’on se fait aujourd’hui d’une station-service.

Autre constructeur engagé qui aligne les projets : Mitsubishi Motors. Là, ce sont principalement des modèles hybrides rechargeables qui sont exploités. Au Japon, le groupe s’est associé à Tepco et Hitachi dans le cadre du projet Aggregator. Le constructeur assiste différents gouvernements de pays d’Asie dans leur recherche pour développer la mobilité électrique en association avec des unités V2G. Ainsi, par exemple, au Vietnam et en Indonésie.

Côté tricolore, PSA est engagé dans le projet GridMotion. Associé au fournisseur d’énergie Empresa de Electricidade da Madeira, Renault a aidé à la réalisation d’un démonstrateur V2G, sur l’île portugaise de Porto Santo, dans l’archipel de Madeire.

34 millions pour 21 projets

Début 2018, une enveloppe d’un équivalent d’environ 34 millions d’euros a été débloquée pour soutenir la technologie V2G au Royaume-Uni à travers 21 nouveaux projets. « Au fur et à mesure que le nombre de véhicules électriques augmente et que la capacité de leurs batteries est améliorée, ils constituent une énorme opportunité de contribuer de manière significative à un réseau intelligent. Ces projets sont à la pointe de leur domaine.

Tout comme les conceptions visionnaires de Brunel et Stephenson dans les transports, ils pourraient révolutionner la façon dont nous stockons et gérons l’électricité, aujourd’hui et dans le futur », a assuré le ministre des Transports outre-Manche, Jesse Norman, lors de la médiatisation de l’opération de financement.

En France, l’ADEME suit de près l’évolution des programmes V2G à travers le monde, en communiquant sur le sujet chaque fois qu’il s’agit d’envisager les différents bénéfices du développement des véhicules électriques.