Skoda Enyaq de Gilles

Sur l’île de La Réunion, rouler en Renault, Hyundai ou MG électrique semble assez simple. C’est beaucoup plus compliqué si vous avez envie d’un modèle branché du groupe Volkswagen, en particulier d’un Skoda Enyaq. C’est ce que nous explique Gilles qui a besoin de sa voiture pour prodiguer des soins médicaux.

Une hybride qui donne envie de passer à l’électrique

Avant de vouloir passer à l’électrique, Gilles roulait avec une Hyundai Ioniq hybride simple : « Ce qui me plaisait avec cette voiture, c’est quand le moteur thermique était à l’arrêt alors que je roulais. Je trouvais ça génial. Ça m’a donné envie de passer à l’électrique. J’espérais également réaliser des économies en carburant, et c’est bien le cas ».

N’ayant jusqu’à présent eu que des berlines, notre lecteur a pourtant eu envie d’un SUV Ford Mustang Mach-E : « Je voulais absolument passer par la concession locale pour faire fonctionner le commerce sur l’île. Mais elle me reprenait ma Hyundai Ioniq seulement 7 000 euros, alors que je l’avais achetée neuve 31 000 euros 2 ans en arrière. Son compteur affichait 30 000 km ».

Dans ces conditions, le professionnel de la santé est allé voir ailleurs, chez Hyundai justement : « Là, on me reprenait ma berline hybride 12 000 euros, pour une Ioniq 5 à tout pile 50 000 euros. C’était au-delà de ce que je pouvais mettre ».

Une offre alléchante

Quand les besoins et l’envie de passer à l’électrique sont là, mais que les solutions classiques pour acheter le nouveau véhicule font défaut, il faut donc chercher d’autres pistes. C’est ce qu’a fait Gilles : « Je suis passé par un courtier automobile sur place. Avec lui, je pouvais avoir un Skoda Enyaq neuf à 34 000 euros en comprenant sa commission et le transport depuis une concession en métropole ».

En revanche, pas le choix au niveau de la configuration : « Il s’agissait d’une version avec la batterie de 60 kWh. Avec son autonomie de 320 km, elle me permet de faire presque une fois et demie le tour de l’île ».

Notre lecteur a pu essayer au préalable l’exemplaire d’un automobiliste particulier : « À ce moment-là, cette personne était la seule à avoir un Skoda Enyaq sur l’île. La voiture, c’est une institution à La Réunion. Il s’est formé une petite communauté des utilisateurs de VE. Ils sont très ouverts et adorent se faire essayer leurs modèles ».

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Coup de cœur très vite refroidi

Gilles a ressenti un vrai coup de cœur pour le Skoda Enyaq : « On fait tout un pataquès de la voiture électrique qui serait capable d’accélérations incroyables. J’ai voulu le vérifier, parce que j’aime quand ça part bien. Et là, waouh, c’était génial ! L’Enyaq m’a convaincu. J’avais aussi besoin d’espace à bord et d’une garde au sol relativement élevée. En plus, je trouve la bouille de cette voiture vraiment très sympa ».

Avec une livraison par bateau, l’exemplaire acheté par notre lecteur sort du conteneur au bout d’un mois et demi, avec 42 km au compteur : « En voulant me livrer le véhicule, le courtier s’aperçoit que le système se met en mode tortue quasiment de suite. Il fait remorquer mon Skoda Enyaq chez le concessionnaire à Saint-Pierre. L’accueil a été glacial. Il nous a dit : ‘On ne vend pas ce modèle, débrouillez-vous ! ».

Des mois de bataille

Le courtier n’a pas baissé les bras : « Il a appelé le concessionnaire pour débloquer la situation en lui rappelant son devoir de représentation de la marque et de prise en charge du problème. Il a été identifié un souci sur un module de batterie. J’ai été en contact avec un co-directeur de Skoda France qui m’avait promis de revenir vers moi avec une solution. Il a fini par me dire que La Réunion ne fait pas partie de leur marché ».

Il a donc fallu se retourner contre Skoda World, en République tchèque, en communiquant en anglais : « Des mois de bataille et tant de temps perdu pour rien. Il nous a par exemple été indiqué que le module de traction ne pourrait pas être expédié par avion, mais par bateau. Ce que j’ai très bien compris. Sauf que ça a traîné et qu’il a finalement quand même voyagé en avion ».

Qui a fourni un véhicule de remplacement pour vos visites médicales ? « Personne, et certainement pas la concession à la Réunion qui est restée sur son ‘Elle n’a pas été achetée chez nous, alors débrouillez-vous !’. C’est bien d’avoir le monopole sur un territoire, mais il ne faudrait pas oublier que, derrière, il y a des clients ! ».

8 mois et demi d’attente pour 2-3 jours de pose

Pendant 8 mois et demi, Gilles a dû continuer à rouler avec sa Hyundai Ioniq : « Heureusement que je n’avais pas encore trouvé à la vendre ». Puisqu’on parle de cette voiture, et par curiosité, elle a finalement été achetée depuis cette berline hybride ? « Oui, en janvier 2023, par un particulier, quand j’ai pu enfin rouler avec l’Enyaq. Avec presque 15 000 km et un an de plus, elle est finalement partie à 15 000 euros ».

Le temps d’attente pour recevoir le module n’a pas été totalement perdu, mais là encore, il y a des choses à redire : « Le concessionnaire a formé un technicien pour pouvoir remplacer le module. C’était plutôt une bonne chose. Mais, comme par hasard, une fois que la livraison a été effectuée, cet agent est parti 6 semaines en vacances. Je ne savais pas qu’il y avait des congés aussi généreux pour les techniciens autos à la Réunion ».

Le remplacement en lui-même a-t-il été long au final ? « Non, pas du tout, 2 ou 3 jours ont suffi ! ».

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Une polémique qui enfle à La Réunion

Dans la communauté réunionnaise des utilisateurs de véhicules électriques, le cas de Gilles a beaucoup fait parler : « La personne qui m’a permis d’essayer son Skoda Enyaq était étonnée, car elle n’avait jamais rencontré de problème avec sa voiture. Jusqu’à la première mise à jour. Et là, son SUV électrique a été bloqué deux mois. Le concessionnaire ne voulait pas s’en occuper, prétextant qu’il n’avait pas les autorisations ».

Ça coince bien quelque part, mais où ? « Au final, on ne sait pas si c’est le concessionnaire local qui nous crée volontairement des problèmes, ou si c’est Skoda République tchèque qui se désintéresse de La Réunion. La marque ne veut peut-être pas dépenser d’argent pour nous ».

Gilles a cependant une intime conviction : « À La Réunion, on ne voit pas rouler d’Audi e-tron. Il n’y a qu’une seule Volkswagen ID.3, et c’est un exemplaire importé. Toutes ces marques du groupe Volkswagen dépendent d’un même concessionnaire sur l’île : Cotrans Automobiles. Je pense que c’est ce dernier qui ne veut tout simplement pas vendre d’électriques ».

Gardera ou ne gardera pas son Skoda Enyaq ?

Devant les difficultés rencontrées auprès du concessionnaire, on peut se demander si Gilles conservera ou pas son Skoda Enyaq : « En fait, c’est terrible, car je suis très mitigé. Concernant le SAV, j’appréhende vraiment la révision des deux ans que j’aurai à faire effectuer ici. À ce niveau, je n’ai actuellement plus du tout confiance dans les marques du groupe Volkswagen ».

Skoda Enyaq de Gilles

Cette situation a un impact qui le dépasse : « Ma femme prend l’Enyaq de temps en temps, qu’elle trouve maniable, souple et facile à prendre en main. Mais elle est désormais frileuse pour passer à l’électrique pour elle-même. On compte maintenant sur l’île 4 ou 5 exemplaires de ce SUV Skoda électrique : à quoi doivent-ils s’attendre ? ».

Notre lecteur espère pourtant : « J’aimerais bien que le concessionnaire se montre plus ouvert et accueillant, car j’ai vraiment envie de conserver mon Skoda Enyaq plusieurs années. Sa puissance, son châssis, son confort me conviennent tout à fait. Cette voiture me plaît énormément. Et, même si j’ai eu un peu peur au départ du fait de ses dimensions, l’Enyaq est très bien aussi pour la ville. Grâce à un excellent rayon de braquage, il fait mieux que mes précédentes berlines ».

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Quelles marques favorisent l’électrique à La Réunion ?

Est-ce que le problème rencontré avec le Skoda Enyaq montre que l’électrique est indésirable à La Réunion ? « Non, pas du tout. Le réseau de recharge se développe, en particulier avec Run Charge qui exploite pour cela l’énergie solaire. Moi, j’ai une borne 7 kW à la maison, et quasiment toutes mes recharges passent par elles. Il y avait 6 chargeurs DC 50 kW dans l’île. On commence à voir arriver le 150 kW. On a pas mal de bornes 22 kW AC ».

Et bien sûr la Renault Zoé en pionnière ? « Oui, et elle se fond dans le paysage au point que l’on ne la remarque plus. Toutefois, son image reste un peu ternie par l’autonomie limitée des premiers modèles. On commence à croiser des Megane E-Tech. On voyait aussi des Volkswagen e-Up! au début ».

Gilles a toutefois remarqué que deux marques se distinguent pour leur dynamisme en matière de modèles électriques : « On peut dire que Hyundai, avec son Kona, bénéficie quasiment d’une image de pionnier de l’électrique sur l’île. D’où le succès du Ioniq 5 qui fait un carton monumental ici désormais malgré son prix élevé. Le MG ZS EV est aussi très répandu, du fait de tarifs bien plus abordables et similaires à ceux de la métropole ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Gilles pour le temps pris à nous répondre et à nous transmettre de magnifiques photos de son véhicule.

Avis de l'auteur

Le témoignage de Gilles m’apparaît quasiment surréaliste alors que tout un écosystème massif se bouge pour promouvoir la mobilité électrique en France et, plus largement, en Europe. La Réunion, c’est bien en France, même si l’île se situe dans l’Océan Indien.

Différentes questions se posent. Selon leurs compétences et zones d’influence, la concession locale, Skoda France, Skoda World, et même le groupe Volkswagen dont dépend la marque, devraient peut-être y apporter des réponses susceptibles de rassurer les automobilistes intéressés par leurs gammes électriques.

1 – Est-il autorisé ou interdit de rouler avec un Skoda Enyaq à La Réunion ? Ou, de façon plus soft, le constructeur déconseille-t-il ce véhicule à La Réunion ?

2 – L’attitude du concessionnaire qui se justifie par « Nous, on n’en vend pas, débrouillez-vous ! » est-elle correcte et acceptable de son propre point de vue et du point de vue du constructeur ?

3 – Peut-on espérer une amélioration de l’accueil à l’avenir pour les automobilistes réunionnais qui veulent rouler en Skoda Enyaq ou en Volkswagen ID.3 ? En clair, à quel traitement doivent-ils s’attendre pour les révisions et réparations ?

4 – Et enfin, que pensent nos lecteurs de cette affaire ?