Au salon Mobizi

Ces 4 et 5 avril 2024 était programmée à La Gacilly la première édition du salon de la mobilité décarbonée organisé pour les entreprises et les collectivités. Le contenu des tables rondes et de certains ateliers aurait tout autant pu intéresser les automobilistes.

Un plateau riche et cohérent

Dans une ville fortement teintée de la présence de la société de cosmétique Yves Rocher et du festival annuel de photos d’art et/ou engagées, proposer le salon de la mobilité décarbonée Mobizi permettait de toucher en particulier les entreprises et collectivités des départements du Morbihan, d’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique.

Certains étaient venus de bien plus loin, notamment parmi les intervenants. Le plateau réuni par l’organisateur Ekinox était riche et varié, avec des acteurs pouvant sainement se compléter ou s’opposer, à l’image de la complexité de la mobilité durable. Difficile avec cette sélection de qualité d’imaginer être à l’édition inaugurale d’un événement que l’on espère voir s’inscrire dans la durée.

Au côté des élus locaux et des professionnels qui chiffraient déjà leurs réductions d’émissions de CO2 à la suite des actions déjà engagées, l’on pouvait entendre et rencontrer des responsables de Transport & Environment, The Shift Project, le Cerema, l’Avere Ouest, Enedis, EDF, la SNCF, etc.

Au programme, des conférences, tables rondes et ateliers répondant au thème principal de la décarbonation de la mobilité, avec pour axes l’électrification, la sobriété, le report modal, l’exploitation des ressources locales, etc.

Voitures électriques exposées et sur le parking des visiteurs

En arrivant sur le parking des visiteurs, on ne pouvait pas louper une représentation inhabituellement élevée de voitures électriques, depuis la doyenne Renault Zoé jusqu’à la BYD Seal qui est arrivée en France l’année dernière. L’on trouvait aussi ces valeurs sûres que nos lecteurs aiment : Peugeot e-208, Kia e-Niro, Tesla Model 3, Fiat 500e, Volkswagen e-Up!, etc.

Moins de diversité dans l’espace d’exposition. En revanche, les concessions et assimilées avaient souvent fait un certain effort. Déjà Tesla était là, avec un Model Y. La marque américaine brille d’habitude plutôt par son absence dans ce type d’événement. Serait-ce de façon réactionnelle à la présence de BYD qui vend principalement en France sa Seal en concurrence avec la Tesla Model 3 ?

Également du groupe chinois, l’utilitaire ETP3. Face à lui, les Renault Kangoo et Megane E-Tech proposés à la location par la filiale Mobilize du Losange. Le représentant de Kia avait fait le choix d’exposer deux modèles d’occasion : EV6 et Kia Niro EV. Bien vu, car totalement en adéquation avec le cadre du salon Mobizi.

La curiosité, il fallait aussi la chercher chez Hyundai, avec le Nexo à pile hydrogène. Les amateurs du coréen pouvaient aussi découvrir la Ioniq 6 et le nouveau Kona.

Petite mobilité

Au sein de la cinquantaine d’exposants, l’électrification était aussi représentée par la recharge des véhicules. A ce sujet, l’entreprise Drop’n Plug, contactée par l’organisation des Jeux olympique de Paris, présentait sa nouvelle station mobile compacte équipée de 6 bornes pouvant délivrer chacune jusqu’à 11 kW AC en simultanée, selon puissance disponible en entrée.

Pas mal de stands aussi du côté des deux-roues et assimilés, depuis les vélos jusqu’aux scooters électriques, en passant par les remorques et divers services que les collectivités peuvent mettre en place. Là, l’originalité venait du Woodybus, un cyclobus de ramassage scolaire à assistance électrique fabriqué à Nantes par Humbird.

Pour Cleanrider, j’avais eu l’occasion de rendre visite à l’étonnante équipe derrière ce concept déjà adopté par plusieurs écoles. Cet engin représente à lui seul très bien la notion de sobriété véhiculée par Mobizi. Elle fera l’objet du second volet de notre reportage publié à la suite.

Une question de rendement énergétique

Diane Strauss est la directrice du bureau français de Transport & Environment (T&E) dont nous relayons régulièrement les études. C’est elle qui a rappelé dès la conférence d’ouverture de Mobizi que la route pèse environ 70 % des émissions de CO2 du secteur des transports en Europe. Si une légère baisse a été observée l’année dernière, l’inversion de la courbe reste encore à confirmer pour les années à venir.

L’ONG milite clairement pour la décarbonation de la mobilité par l’électrification. Pourquoi ? Principalement pour une question de rendement énergétique. Les carburants synthétiques sont d’emblée écartés. Obtenus d’une combinaison d’hydrogène par électrolyse et de CO2 capturé, la quantité d’énergie n’est que de 44 % à la production, tombant à un petit 13 % lors de l’alimentation du moteur thermique.

Au salon Mobizi

C’est mieux, mais pas vraiment satisfaisant avec l’hydrogène : 61 % d’énergie après le cycle de production qui comprend aussi le transport, le stockage et la distribution. Le pourcentage se réduit encore à seulement 30 %, après les pertes qui s’ajoutent une fois la molécule H2 dans le réservoir : – 46 % du fait de la conversion dans la pile à combustible, – 5 % pour l’inversion DC/AC, -5 % dans le moteur électrique.

Pour comparaison, l’efficacité énergétique des véhicules à batterie (BEV) est de 77 %. Les pertes se situent lors du transport de l’électricité (5 %), au moment de la recharge au niveau de la borne et de la batterie (5 + 5 %), de la conversion DC/AC (5 %) et au fonctionnement de la machine (5 %).

Biocarburants écartés

Selon les travaux de T&E présentés à Mobizi, entre une voiture de taille moyenne diesel et son équivalent BEV, la réduction des émissions de CO2 à l’usage est de l’ordre de 81 % en France. Supérieure, l’empreinte carbone de la production du véhicule et de la batterie est amortie au bout de 18 000 km, soit 18 mois environ pour un automobiliste français moyen. Il y a toutefois une condition à ce scénario très encourageant : la voiture et sa batterie doivent être d’origine européenne.

L’ONG ne compte pas sur la méthanisation, et donc sur le bioGNV, en raison d’une affectation de l’énergie de la biomasse en priorité à « la chaleur industrielle qui n’a pas d’alternative ». Ni sur les agro-carburants dont fait partie le superéthanol E85 : « Les terres arables pourraient plutôt abriter des puits de carbone ».

En outre, l’espace d’un terrain de football en culture vivrière ne permettrait d’obtenir l’énergie que pour faire avancer 2,4 voitures, contre 260 VE en couvrant cette surface de panneaux photovoltaïques. Ce que préconise T&E, c’est d’électrifier la mobilité avant de considérer la bioénergie pour laquelle existe un sérieux risque de fraude, en particulier avec l’huile de palme.

À noter que la Bretagne et les Pays de la Loire étant très actifs en matière de bioGNV et d’hydrogène vert, la mobilité permise par ces deux sources était au programme du lendemain vendredi 5 avril, avec en particulier le point de vue de la coopérative agricole Cooperl.

Exemples de flottes

Comme exemples de flottes professionnelles électriques, les cas de plusieurs grandes sociétés françaises étaient présentés. Ainsi EDF qui, à travers son programme EV100, prévoit d’avoir converti intégralement son parc de véhicules légers pour 2030. La part atteint actuellement 30 %.

Toutefois, aujourd’hui en France, les entreprises qui disposent du plus grand nombre de VE sont la Poste et Enedis. « Rien qu’en Bretagne nous disposons de 250 véhicules électriques, principalement des Renault Zoé, Kangoo et Master ainsi que des Peugeot 208. Nous n’avons pas encore commencé avec les poids lourds, en attente de davantage de maturité. Pour les recharger, nous comptons 170 bornes de recharge », a chiffré Erwan Guilbert, chargé de projets en mobilité électrique pour le gestionnaire de réseau public.

Il a connu l’époque du déploiement des Kangoo électriques de première génération, offrant 90 km d’autonomie avec leurs batteries nickel-cadmium. Des modèles dont l’attribution était parfois vécue comme une punition : « Ils couvraient très bien les besoins dans l’urbain, mais c’était plus compliqué en milieu rural. Des utilisateurs les ont laissés de côté. De ce fait, dans notre déploiement actuel, nous nous intéressons en amont aux usages, aux besoins et aux possibilités individuelles de recharge ».

Retrouvailles autour du rétrofit chez Transdev

« Aujourd’hui, dans le monde, Transdev opère 3 000 poids lourds électriques », a lancé quand son tour est venu Gilles Lefebvre, directeur sur le secteur Centre-Val de Loire pour l’opérateur. Ce sont essentiellement des autobus, car en matière d’autocars, l’offre est quasiment inexistante : « Nous avons quelques modèles chinois Yutong pour les grandes lignes grâce à son autonomie de 350 km ».

Mais rien d’européen ni de vraiment adapté pour le ramassage scolaire. D’où l’idée du rétrofit. L’intervenant n’a pas cité la jeune entreprise avec laquelle l’opérateur a travaillé et réussi à homologuer un autocar dont le modèle n’a pas été précisé non plus.

Nous avions publié un article en juin 2023 au sujet de cette première européenne, lorsque l’Iveco Crossway Euro 6 dont il s’agit, transformé par Rétrofleet, a reçu la précieuse autorisation. Nous sommes heureux d’en obtenir des nouvelles : « Nous l’avions inauguré à la maison de Léonard de Vinci. Il parcourt 70 km tous les matins et autant tous les soirs. Nous n’avons même pas besoin de le recharger chaque jour ».

Idéal pour le ramassage scolaire

La législation française prévoit que l’homologation est accordée pour un type précis de véhicule avec un kit défini : « C’est la croix et la bannière pour l’obtenir. Ça nous a pris neuf mois. Certaines entreprises doivent parfois attendre le double. Nous avons actuellement commandé 20 exemplaires de cet autocar rétrofité. Fin 2024, nous devrions donc en avoir 25 en service », a indiqué Gilles Lefebvre.

Selon lui, le rétrofit est parfaitement adapté au ramassage scolaire. D’où un marché potentiellement très important : « Il y a en France 30 000 autocars pour cela, dont 80 % pouvant être rétrofités. C’est stupide de jeter un tel véhicule scolaire au bout de 15 ans. Il n’a souvent alors pas plus de 300 000 km. Autant dire qu’il sort à peine du rodage ».

Le directeur régional de Transdev ne voit cependant pas le rétrofit s’accommoder à toutes les sauces : « Cette opération peut être intéressante pour les artisans qui se rendent chaque jour sur un chantier, mais pas pour un commercial qui accumule 60 000 km par an ».

À suivre…

Est-il cependant envisageable de passer tout le parc roulant français à l’électrique à relativement brève échéance ? Non, de l’avis des représentants de The Shift Project et de T&E. D’où un appel à la sobriété et au report modal qui seront traités dans un second volet.