Marc Areny et son conteneur de stockage d'énergie avec des batteries de Volkswagen ID.3 et ID.4

Originaire de Perpignan, Marc Areny est un pionnier du rétrofit et du réemploi des batteries de véhicules électriques. Après celles de Tesla Model S, il vient de s’attaquer aux packs des Volkswagen ID.3 et ID.4 pour ajouter au catalogue de son entreprise Marny Energy des unités de stockage d’une capacité de 60 à 640 kWh.

Toujours quelque chose de nouveau

Chez Automobile Propre, on aime bien les aventures qui réussissent et les belles histoires. C’est pourquoi nous consacrons une nouvelle interview à Marc Areny, ce Perpignanais qui en 2013 avait déjà rétrofité à l’électrique une Porsche 944 de 1985. Il est ensuite parti monter sa première boîte en Roumanie où il a converti des Dacia.

Il livre professionnels et particuliers. En exemple, cet autocar devenu électrique avec un moteur de Tesla Model S et des batteries de Model 3 qu’il a fournis à la famille Guillemonde.

Marc Areny s’est diversifié dans les systèmes de production et de stockage de l’énergie. La Roumanie est limitrophe de l’Ukraine où il a mis à disposition par solidarité une remorque photovoltaïque comprenant des cellules de Model S pour le stockage de l’énergie produite. Installée à Odessa, elle a servi à alimenter en électricité des logements et des locaux professionnels.

Sa startup française Marny Energy s’apprête à présenter son nouveau conteneur de stockage d’énergie. Ce sera les 23 et 24 janvier prochains, stand 7D60, dans le cadre du nouveau rendez-vous Open Energies de Lyon Eurexpo.

Allonger la durée de vie des batteries

Chaque fois que Marc Areny imagine un nouveau système avec des éléments récupérés sur des voitures électriques, il a plein de choses en tête : « J’entends bien tous ceux qui doutent des vertus de ces véhicules, en particulier au sujet des matériaux critiques employés, de la durée et du recyclage des batteries, etc. Je pense aujourd’hui que la solution VE, si elle s’arrête à la fin de vie de l’engin, n’est pas forcément géniale. Elle devient vraiment intéressante si les packs lithium connaissent une vraie seconde vie et qu’ils ne sont pas tout simplement broyés trop hâtivement ».

Avec le développement des véhicules électriques, il imagine déjà les volumes de cellules à réemployer : « Combien de voitures électriques déjà en circulation en Europe et dans le monde ? Combien à venir dans les prochaines années ? Combien vont finir accidentées avec des batteries encore en état. Parmi celles que j’ai déjà récupérées, certaines n’avaient pas servi plus de cent kilomètres. Pour le stockage de l’énergie, les cellules peuvent durer encore 15 à 20 ans ».

Les constructeurs craignent plusieurs phénomènes : « Tout d’abord que les batteries de leurs anciennes voitures électriques se retrouvent dans la nature. En outre, aujourd’hui, de plus en plus de personnes sans réelles connaissances font parfois n’importe quoi avec d’anciens packs. Mal utilisés, le risque d’incendie est réel, et la haute tension est mortelle ».

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Un gisement disponible qui va en s’accroissant

Nombreux sont les constructeurs de véhicules électriques qui ont déjà communiqué sur des accords avec la filière du recyclage, laissant entendre que les anciennes batteries seront automatiquement récupérées. On imagine donc que ça doit être difficile de s’en procurer : « Pas du tout. Il y a bien Alfen qui reprend toutes les anciennes batteries de BMW. Mais encore trop de packs montés sur d’autres marques de VE sont directement broyés. J’obtiens les miens sans difficulté de différents sites en Europe et en dehors ».

Le rachat des batteries par l’entreprise de Marc Areny arrange finalement un peu tout le monde : « Les grands casseurs sont intéressés par des entreprises comme la mienne qui sont prêtes à récupérer ces packs qui vont devenir de plus en plus nombreux. Ils ont besoin que la seconde vie des batteries soit industrialisée. Aujourd’hui, les voitures électriques françaises accidentées sont massivement rachetées par des entreprises polonaises qui les réparent et les remettent sur la route ».

Dans quel état sont les batteries qui arrivent chez Marny Energy ? « Environ 95 % de celles que je récupère sur des voitures accidentées sont en bon état et exploitables pour le stockage de l’énergie. Nous leur faisons subir un checkup complet à l’issu duquel nous avons pu vérifier la capacité énergétique disponible et le bon comportement à la recharge comme à la décharge ».

Unités de stockage à la carte

Un seul format de conteneur, mais une plage étendue de capacités énergétiques : « Les batteries des Volkswagen ID.3 et ID.4, avec des capacités respectives de 60 et 80 kWh, sont d’une même largeur. Elles sont juste un peu plus longues sur le SUV. Nous employons un container maritime classique, simple et compact de dix pieds produit par le spécialiste Containex. Un peu modifié pour être adapté à l’usage, il mesure 3,5 m de long pour 2,5 de large et autant de haut ».

Avec une grande modularité, une structure à l’intérieur permet de superposer plusieurs batteries : « Jusqu’à huit. La configuration minimale est donc une batterie 60 kWh d’ID.3. Au maximum, on peut avoir huit packs 80 kWh d’ID.4. Soit 640 kWh au total pour une puissance de 200 kW. Les utilisateurs n’ont pas accès à cette partie réservée à la maintenance, mais à l’armoire électronique qui se trouve sur le côté et leur permet de brancher leurs câbles ».

Ses nouveaux projets amènent de plus en plus souvent en France Marc Areny : « Marny Energy est une startup labellisée French Tech. Notre site Internet va bientôt ouvrir. Nous travaillons déjà avec les organismes de certification pour nos containers de stockage énergétique. Grâce à la nouvelle directive européenne de juillet 2023 sur les batteries, la seconde vie est entrée dans les mœurs ».

Usages

Les usages possibles de ces unités de stockage sont multiples : « C’est une solution que j’ai au départ développée et utilisée pour moi. Je ne sais d’ailleurs pas dire aujourd’hui où elle sera la plus utile tellement nous avons de profils différents de professionnels intéressés. Déjà deux unités vendues, une en Hongrie et une en France. Les containers peuvent être utilisés sur des sites isolés du réseau. Mais aussi en backup pour des entreprises qui ne doivent pas être privées d’électricités. Ainsi pour des chambres froides, des serveurs informatiques, le secteur médical, etc. ».

Dans le photovoltaïque également : « Là, c’est en raison des prix d’achat du kilowattheure qui peuvent fluctuer de 1 à 10. Avec le container, l’énergie peut être stockée dans les batteries quand les prix d’achat sont au plus bas, puis envoyée sur le réseau lors des pics de consommation où ils sont beaucoup plus élevés ».

Les besoins peuvent être saisonniers : « En France, des entreprises qui se trouvent en bout de réseau connaissent des fluctuations de puissance et de fréquence électriques. Pas au point de connaître des coupures, mais de façon suffisamment perturbante pour les systèmes ».

Deux cas concrets

Deux cas concrets montrent comment l’unité de stockage pourrait résoudre des problèmes précis : « En Afrique, un fabricant de pneus qui est venu nous voir rencontre des problèmes en raison d’une puissance de seulement 100 kW fournie par le réseau électrique. Il lui manque 150 kW pour faire tourner l’usine. Avec ses 200 kW, le container formerait un bout de solution. Il pourrait être couplé avec le réseau et une production photovoltaïque. Un cumul peut être obtenu en fonction des inverters de l’architecture ».

Deuxième cas concret, une entreprise de travaux publics qui souhaite utiliser des camions électriques : « On peut la citer, je pense, c’est Caminal à Perpignan, dirigée par mon copilote du 4L Trophy il y a une dizaine d’années. Il est devenu un entrepreneur innovant. Il souhaite utiliser un camion tracteur électrique Mercedes. La puissance disponible sur son site n’est pas suffisante pour la recharge. Ça irait avec les 200 kW du container. En association par exemple avec du photovoltaïque, la solution conviendrait à tous les professionnels qui veulent convertir leur flotte à l’électrique, ainsi qu’aux hôtels, par exemple ».

La dimension soutien du réseau n’est pas la seule recherchée par la solution de Marny Energy : « Il y a aussi la dimension écolo qui est importante. Bénéficier d’une énergie verte, mais aussi allonger la durée de vie des batteries qui est véritablement profitable au bilan carbone des véhicules électriques ».

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À Open Energies pour rechercher des partenaires

Marc Areny ne compte pas s’arrêter aux batteries des Volkswagen ID.3 et ID.4 : « On a déjà un modèle avec des packs de Tesla Model S et on travaille sur une déclinaison avec ceux des Model 3 et Model Y qui sont de plus en plus nombreuses sur les routes et dans les casses. L’idée est de le faire avec plein d’autres véhicules électriques. Les containers sont exploitables dans le résidentiel et le semi-industriel ».

Qu’en est-il des tarifs ? « Actuellement, pour notre solution plus éthique, nous sommes environ 30 % moins chers que sur le neuf chinois. Nous espérons faire mieux encore, notamment en passant à une dimension industrielle. J’y crois et j’espère que ça va marcher ».

En venant à Open Energies, il compte rencontrer ses futurs partenaires investisseurs : « J’ai déjà fait 90 % du boulot, en comprenant l’intégration complète de la gestion des batteries. J’espère qu’un partenaire sera intéressé pour accélérer l’industrialisation. Ainsi allégé, je pourrais mieux avancer sur mes autres projets ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Marc Areny pour sa sympathie, son accueil et sa confiance. J’en profite pour saluer aussi à l’occasion de cette interview un autre Perpignanais également pionnier du VE, Robert Morandeira alias Bob66, qui m’avait mis en relation avec Marc.