Fiat 500 de 1965 rétrofitée

Pilote de ligne, David a l’intuition depuis des années que le rétrofit est important pour lutter contre la pollution et le dérèglement climatique. Sa Fiat 500 de 1965 roule désormais à l’électricité. Pugnace, il n’a pas abandonné quand l’administration lui a dit « non ! » aussi bien pour effacer la mention « Collection » de la carte crise que pour homologuer sa transformation. Aujourd’hui, il s’attaque au verrou constitué par le nouvel arrêté du 4 août 2023 qui contredit le gouvernement au sujet de la mobilité durable.

En électrique depuis 2014

Rouler électrique, David et son épouse le font déjà depuis 2014 avec une succession de deux Kia Soul EV, d’abord 27 puis 30 kWh. Ils totalisent ensemble 180 000 km : « Habitant dans le Val-de-Marne, nous en avons un usage périurbain. Au début des années 1990, je n’avais que deux ou trois ans de permis quand j’ai pu essayer à Paris une Peugeot 106 électrique. Pour moi, c’était hallucinant, c’était la révolution. Je savais qu’un jour j’y passerais ».

Il a attendu le bon moment : « J’allais aux salons de l’auto, m’intéressant même à l’électrique à pile hydrogène. Avec l’arrivée de notre deuxième enfant, mon épouse s’est mise en congé parental. Sa Renault Modus ne servait plus que pour de petits trajets. Au point que sa voiture était recalée au contrôle technique si un additif décrassant pour moteur n’était pas employé au préalable. Nous marchions sur la tête en faisant ça ».

Avec une offre encore limitée, le choix a vite été réalisé : « Le Kia Soul EV nous est apparu comme plus pratique et mieux fini que la Renault Zoé. Nous avons alors opté pour une LLD. Pour nos besoins, il y avait aussi la Nissan Leaf éventuellement ».

Le rétrofit déjà à l’esprit

L’idée de convertir une voiture thermique à l’électrique n’est pas toute neuve dans l’esprit de David : « J’y pense depuis 2013 ou 2014. Beaucoup de vieux modèles servent de véhicule d’appoint, pour des trajets courts. Ce n’est pas cohérent avec des moteurs essence ou diesel qui ont besoin de monter en température pour ensuite avaler la route. Sans parler de la pollution et des émissions de CO2 ».

Avec son métier, il a regard assez particulier sur la question : « Environ 50 % du personnel navigant des aéroports de Paris ne vivent pas en région parisienne. Mais ils sont beaucoup à avoir dans le coin une vieille bagnole dans un garage pour se déplacer régulièrement. Les gens n’ont pas forcément envie de changer. Dans ce cas, le rétrofit est tout à fait adapté, en se débarrassant d’un moteur essence ou diesel fatigué ».

Le modèle à convertir s’est en quelque sorte imposé : « En première voiture, avec un copain, on s’était achetés une Fiat 500 de 1971. C’est bien connu : les grands aiment les petites voitures. Ma mère en avait une aussi, et les parents de cet ami roulaient en Fiat 126. J’ai d’abord pensé à transformer notre 500 qui pourrissait dans un coin ».

Une Fiat 500 rétrofitée déjà prête à prendre la route

Obligé de choisir un autre exemplaire : « Je ne pouvais vraiment rien faire de mon ancienne Fiat 500. En 2018, je suis passé par un importateur spécialisé qui en fait venir d’Italie. C’est cet exemplaire de 1965 que j’ai transformé. Je savais dès le départ que l’homologation serait un problème. J’avais anticipé en prenant contact dès l’année précédente avec l’administration française. A l’étranger, cette dernière est reconnue comme épouvantable sur ce sujet ».

David est resté prudent à sa manière : « Dans le doute, j’ai mené la transformation pour qu’elle soit à tout moment réversible. Même si ça m’a posé des problèmes de logeabilité, je n’ai rien coupé ni enlevé. Pas même le gros manchon métallique qui permet le refroidissement par air du bloc essence ».

Fiat 500 de 1965 rétrofitée

Notre lecteur souhaitait un rayon d’action minimal de 80 kilomètres : « Je voulais privilégier la solution technique à l’autonomie. Elle est finalement supérieure à 100 km, obtenue sur des trajets urbains associés à des tronçons à 80 et 90 km/h. La vitesse maximale atteinte est de 95 km/h. La prise de poids par rapport au modèle original est inférieure à 15 kg. Je tenais à ce que la voiture ne soit pas trop alourdie, qu’elle conserve ses performances, et que l’on ne remarque pas de l’extérieur qu’elle est devenue électrique ».

Autoformation

Le groupe motopropulseur fonctionne sous 60 V : « J’ai un moteur extra qui ne pèse quasiment rien et présente énormément d’options et de plages d’utilisation. Il est alimenté par une batterie 11 kWh provenant d’un Chrysler Pacifica hybride rechargeable. Ce pack lithium-ion est composé des mêmes cellules LG Chem que l’on trouve sur les voitures électriques coréennes et japonaises ».

C’est aussi en se tournant vers les Etats-Unis qu’il a acquis des connaissances de base pour effectuer la transformation : « Les Américains pratiquent le rétrofit électrique depuis les années 1970. L’un d’eux, vivant à San Francisco, fait de la formation sur le sujet. Avec mon métier, j’ai imaginé un moment pouvoir m’y rendre. Finalement j’ai acheté ses vidéos. J’ai mis un an et demi avant de commander les premières pièces, après avoir regardé ce que je pouvais trouver sur le marché. Puis je me suis construit un banc d’essai, et j’ai dessiné le nouveau circuit électrique ».

Dans sa phase théorique, il a lu beaucoup de docs : « En revanche je ne suis pas allé tout de suite lire les textes officiels sur le rétrofit. Comme des industriels se sont réunis dans l’association l’AIRe pour faire modifier la législation à ce sujet, je me suis dit que les choses allaient évoluer et que je pouvais commencer à bosser sur le véhicule ».

Impossible de tout dire

David rédige actuellement un document très dense qui compte déjà plus de 7 000 mots. Il explique les problèmes qu’il a rencontrés dans ses démarches, comment il a pu en solutionner certains, et comment il se bat pour obtenir au final l’homologation de sa voiture.

Il souhaite aussi que la conversion à l’électrique devienne aussi simple en France et financièrement abordable dans la partie homologation que le sont les modifications d’alimentation des moteurs pour fonctionner au GPL ou au GNV.

Impossible de tout reproduire dans un seul article de 2 000 mots. Nous irons donc à l’essentiel, en espérant que notre lecteur pourra obtenir satisfaction. A ce moment-là, nous pourrons lui consacrer un nouvel article, avec sans doute la possibilité de publier son document toujours en cours de rédaction.

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Carte grise collection

L’épineuse question du rétrofit et de la carte grise collection, je l’avais posé en février 2020 à Laurent Heriou, directeur général de la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE). Il m’avait répondu : « Le rétrofit, c’est très bien. Mais s’il s’agit d’un véhicule avec carte grise de collection, dans l’état actuel des textes, il devrait repasser en carte grise normale ».

Avant même de prendre les outils de mécano, ce point a constitué à lui seul un parcours du combattant pour David et lui a permis de découvrir un certain mode de fonctionnement dans l’administration : « Si une demande ne leur plaît pas, ils vous répondent que ce n’est pas possible ». La préfecture avait pourtant bien indiqué à notre lecteur que de retirer la mention « Collection » d’une carte grise est bien une opération possible.

Pour justifier son refus, la DRIEE (Direction régionale et interdépartementale de l’Environnement et de l’Energie) a invoqué un arrêté ministériel du 9 février 2009. C’est là que le pilote de ligne a commencé à éplucher les textes officiels, en s’entourant par la suite d’une juriste. Il s’est rendu compte que pour passer en carte grise collection comme pour revenir à un certificat normal, il y a une condition, la même : « Que le véhicule soit conforme à son type d’origine. C’est aussi simple que pour un engin transformé à l’usage d’une personne handicapée ».

D’insistances en refus parfois appuyés d’un « Il ne sera accordé aucune dérogation », la mention « Collection » a bien été supprimée, au bout de cinq mois de démarches : « Lors de la réception à titre isolé, le contrôleur a juste vérifié l’allumage des phares et la pression des pneus ».

L’autorisation du constructeur, vraiment ?

Ceux qui s’intéressent au rétrofit électrique depuis des années savent très bien quel a été le point bloquant que l’on espérait voir clairement disparaître pour pouvoir effectuer soi-même l’opération. C’est la fameuse autorisation incontournable à demander au constructeur : « C’est faux, c’est une erreur, voire un mensonge. Ca dépend du type d’homologation. Mais avant de le savoir, j’ai insisté auprès de Fiat pour obtenir cette autorisation. Je suis même allé pour cela jusqu’en Italie, au siège. C’était non ».

Fiat 500 de 1965 rétrofitée

Pourtant David a continué son projet, réalisant en 2020 son premier banc d’essai, la même année que la publication de l’arrêté visant à autoriser le rétrofit en France : « Pour les véhicules de plus de cinq ans, l’accord du constructeur n’était plus nécessaire. Mais l’arrêté publié le 13 mars 2020, c’est une vraie usine à gaz, avec des dispositions qui rendaient bien minces mes chances d’obtenir l’homologation. Sauf pour les grosses structures industrielles. Comme particulier, je ne me sentais pas concerné par le texte ».

Notre lecteur a suivi un webinaire sur le sujet, donnant la parole à des parties prenantes du rétrofit, dont les membres de l’AIRe : « Le coût d’homologation est alors monstrueux, de 100 000 euros. La transformation de ma Fiat 500 m’a demandé environ 15 000 euros, dont 5 000 pour le moteur. Il faudrait que l’homologation à titre isolé ne dépasse pas le millier d’euros ».

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Un boulot énorme

A partir de là, David a effectué un travail considérable pour décortiquer les textes : « Je me suis rendu compte que la base de tout, c’est l’arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles. Il est bien question d’une autorisation à obtenir du constructeur. Mais pas dans tous les cas. Ca dépend du type d’homologation. Pour de la série, oui elle était obligatoire avant 2020 ».

Pas pour une transformation isolée ? « Les textes prévoient une réception à titre isolé de véhicules usagers. Si je veux mettre un bloc 4 cylindres au lieu de 2 dans une ancienne Fiat 500, à la limite je pourrais. Ici, l’accord du constructeur n’est obligatoire que si on touche au poids total en charge. Ce qui n’est pas mon cas. Mais l’administration évoquait toujours cette autorisation à obtenir, et les projets s’arrêtaient là ».

Aujourd’hui, elle reconnaît à David la possibilité d’effectuer lui-même le rétrofit électrique. Il a dû batailler et doit encore le faire, parfois sur des termes et points particuliers dans lesquels les mots « prototype », « pièces fabriquées en série », « sécurité des batteries – R100 », « compatibilité électromagnétique – R10 », « Utac », « Dreal » se battent ensemble.

Il espère s’affranchir des tests exigés par les règlements R10 et R100 qui alourdiraient de 14 000 euros son budget : « Cela enterrerait économiquement la possibilité de valider la transformation à l’issue d’une RTI ». Concernant la batterie, il a déjà reçu une bonne nouvelle.

Contestation autour d’un nouvel arrêté

La combativité du pilote de ligne a démontré que : « le rétrofit électrique a toujours été légalement possible ; il y a une volonté de l’administration à un échelon intermédiaire pour ne pas le permettre ; un changement de texte intervenu cet été pourrait compromettre le rétrofit dans le cas d’une réception à titre isolé ».

Le dernier point qu’il mentionne concerne l’arrêté du 4 août 2023 modifiant celui du 19 juillet 1954 concernant la réception des véhicules automobiles. Avec ce nouveau texte, l’ouverture mise au jour par David disparaîtrait : « Je trouve que cette modification est contestable, car elle empêche désormais par exemple des artisans d’effectuer du rétrofit sans avoir de gros moyens ».

Ayant contacté directement les rédacteurs des arrêtés, les relançant sans cesse en cas d’absence de réponse, il souhaite que d’autres, en particulier des professionnels, se joignent à lui pour aller au bout de la contestation qu’il a engagée contre le texte publié en août : « Il fallait le dénoncer dans les 2 mois. Je me suis entouré d’un cabinet d’avocats pour aller au bout de cette démarche. Etre à plusieurs permettra d’amortir les frais et d’être plus forts ».

Depuis 2021, la Fiat 500 électrique est régulièrement présentée aux stagiaires du CNVA (Conservatoire national des véhicules anciens) installé à Antony (92). Ainsi le 16 octobre prochain.

Automobile Propre et moi-même remercions vivement David pour son témoignage et son action en faveur du rétrofit électrique.

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