Opel Mokka-e et Corsa-e

Avec le litre d’essence et de gazole au-dessus des 2 euros, les concessionnaires qui disposent d’une offre en voitures électriques ont dû faire face à un phénomène qu’ils n’avaient pas anticipé : une véritable vague de demandes pour ces modèles.

Un contexte particulièrement tendu

Pandémie de la Covid-19, crise des semi-conducteurs, flambée du prix du nickel, invasion par la Russie de l’Ukraine qui abrite nombre d’équipementiers : nous avions conseillé nos lecteurs prêts à passer à la voiture électrique de ne pas tarder à concrétiser leur acte d’achat.

Pourquoi ? Car les tensions qu’essuient les constructeurs sont telles que les prix du neuf, mais aussi de l’occasion par effet de bord, ne peuvent qu’augmenter.

Selon les concessionnaires que nous avons visités début avril, c’est cependant le passage des prix du litre des carburants au-dessus des 2 euros qui a décidé de nombreux automobilistes à vouloir acheter immédiatement un véhicule branché.

Ruée sur l’occasion et le neuf

« Le mois de mars a été incroyable ! », nous dit ce concessionnaire Kia dont le hall et la surface extérieure dédiés aux modèles à vendre sont inhabituellement clairsemés. « Nous avons écoulé nos occasions en très peu de temps. Et avons assisté à une véritable ruée dans l’établissement le samedi pour l’achat de modèles neufs lorsque le prix du gazole est passé au-dessus des 2 euros », rapporte-t-il.

« Nous ne sommes que 3 conseillers commerciaux à recevoir les visiteurs. C’est suffisant pour accueillir une quinzaine de clients. Mais pas les quarante et plus de personnes que nous avons pourtant dû prendre en charge au mieux. Certaines, arrivées vers 14 h 30, n’ont été reçues qu’après 18 h », complète-t-il.

2 euros : un seuil

« Nous avons observé des comportements peu courants. Ainsi des clients n’ont pas hésité à acheter sans discuter les modèles premium disponibles sur place parce que ceux d’entrée de gamme avaient déjà été vendus. Même notre Kia EV6 d’expo dans le hall est vendu, mais ne sera livré qu’en septembre », illustre le représentant de la marque coréenne.

« Jusque-là, nous recevions régulièrement et relativement facilement de nouveaux exemplaires de voitures électriques, contrairement à nos homologues du même groupe et en charge d’autres marques. Mais maintenant, nous allons devoir faire face à des délais d’attente conséquents », estime-t-il.

« Depuis que les prix du litre des carburants sont redescendus en dessous des 2 euros, l’inhabituelle affluence s’est estompée. Ce seuil est celui qui semble décider les automobilistes à passer à l’électrique. Nous devons demander à nos clients de conserver un peu les véhicules qu’ils utilisent actuellement », assure-t-il.

Les difficultés d’approvisionnement se multiplient

Opel, Mercedes, Peugeot, Tesla, etc. : quelles marques ne sont pas touchées par des stocks qui faiblissent ? Ce phénomène amorcé pour différentes raisons s’est accentué par l’envolée du prix du baril de pétrole. « Si vous voulez une Dacia Spring, je peux encore vous la fournir. Mais une Twingo électrique, ça va être plus compliqué », nous confie un concessionnaire du groupe Renault.

« En ce moment, je n’en ai pas. Mais je dois rentrer prochainement un exemplaire de la citadine électrique. Nous nous mobilisons actuellement pour la future présentation de la Mégane E-Tech qui sera révélée aux clients du réseau en soirée du mardi 19 avril prochain. Dans un premier temps, nous n’en aurons qu’un seul exemplaire. Ce qui ne permettra pas d’envisager facilement des prêts du véhicule », reconnaît-il.

Mieux que le bonus gouvernemental

Le gouvernement cherche différents moyens pour inciter les automobilistes à passer à la voiture électrique. Le bonus environnemental ainsi que la prime à la conversion, qui concerne cependant bien moins de monde, constituent dans le domaine des leviers incontournables. Mais ce sont des incitations que nous pourrions presque qualifier de confort.

La raison ? Ce sont surtout les personnes déjà ouvertes à l’électromobilité qui ont souhaité en bénéficier. La grande majorité des Français qui utilisent une voiture dans leurs déplacements plus ou moins quotidiens estiment encore qu’ils ont le temps pour cela. Ce qui n’est qu’un leurre.

Les crises à répétition, de diverses natures, s’installent durablement. De brusques flambées des prix sur les énergies seront très certainement notre lot quotidien sur des sources que nous ne maîtrisons pas. Comme le pétrole en particulier. Les craintes sont telles, quand elles surviennent, qu’elles mobilisent les automobilistes bien plus efficacement que le bonus gouvernemental.

Aurait-il fallu laisser le prix des carburants s’envoler ?

Devant les situations sociales critiques que l’inaction aurait générées, faire baisser les prix des carburants se présente comme une véritable bouée de sauvetage. Mais cette action du gouvernement ne doit pas effacer le fait qu’ils restent élevés aux volucompteurs des pompes. Ils ne reviendront sans doute jamais, sauf événements ponctuels, à des niveaux supportables durablement par les ménages.

En plus de modifications dans les habitudes de déplacement (marche, vélo, covoiturage, transports en commun), le passage à l’électrique apparaît comme une solution quasi incontournable aujourd’hui.

L’actuel épuisement des stocks chez les concessionnaires est cependant à voir comme un avertissement. Il n’y aura pas de voitures électriques pour tout le monde dans les prochaines années, en particulier si les automobilistes attendent pour la plupart le dernier moment. Ceux qui ont déjà effectué le saut électromobile se sont mis à l’écart de difficultés majeures de plus en plus palpables.