En charge

Le prix de l’énergie cause bien des soucis aux particuliers et professionnels. Dans l’ouest de la France, abonné ou non, le prix au kilowattheure en courant alternatif va passer de 0,22 à 0,49 euro. De quoi décourager les automobilistes les plus difficiles à convaincre de passer à l’électrique : ceux qui n’ont pas la possibilité de recharger depuis leur domicile ou leur lieu de travail. Et ils sont nombreux.

Ouest Charge

Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Vendée, Côtes-d’Armor, Finistère et Ille-et-Vilaine : tel est le territoire couvert par le réseau Ouest Charge pour le ravitaillement en énergie des véhicules électriques. Les abonnés viennent de recevoir un message les informant de la révision des tarifs au 20 janvier 2023.

Pour la recharge en courant alternatif sur les nombreuses bornes 22 kW, le kilowattheure va passer de 0,22 à 0,49 euro TTC. Soit une augmentation de 122,7 %. Ce n’est pas vraiment mieux en courant continu : +109 %, avec une hausse de 0,33 à 0,69 euro l’unité pour la recharge rapide jusqu’à 50 kW, contre 0,49 euro chez Ionity sur les bornes tri-standards équivalentes, par exemple. Au-dessus, le kilowattheure sera facturé 0,79 euro, à comparer cette fois à Fastned (0,59 euro).

Les non-abonnés règlent 1 euro supplémentaire par opération. Ce qui paraît acceptable. Afin d’éviter de bloquer l’accès aux bornes DC, Ouest Charge va en outre appliquer une pénalité au-delà d’une heure de connexion, recharge terminée ou non. Elle sera d’un euro toutes les 5 minutes. Ce point précis est plutôt une bonne nouvelle.

Tout le réseau ou seulement 2 départements ?

« Compte tenu de l’évolution du prix de l’électricité qui touchent certains syndicats départementaux d’énergies pour l’année à venir, le prix de la recharge évolue sur les bornes Ouest Charge portées par le syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère et le syndicat départemental d’énergie d’Ille-et-Vilaine », peut-on lire dans le message reçu.

On croit donc comprendre dans un premier temps que ce serait seulement dans ces 2 départements que les prix seraient augmentés pour la recharge. Toutefois, cet autre passage jette un doute : « À compter du 20 janvier 2023, la tarification de Ouest Charge évolue comme suit », avec un tableau présentant la future grille. Ne sachant comment interpréter de façon certaine le message, nous avons en conséquence joint téléphoniquement le service client.

Ce serait bien tout le réseau comprenant la région des Pays de la Loire sans la Sarthe, et la Bretagne sans le Morbihan, qui connaîtrait une évolution des tarifs. Alors pourquoi avoir mentionné le Finistère et l’Ille-et-Vilaine ? Notre interlocuteur nous a expliqué que leurs syndicats de l’énergie auraient été « à l’initiative de la demande » d’augmentation, « acceptée ensuite dans les autres départements ».

De nature à freiner le passage à l’électrique

La nouvelle grille risque bien de résonner comme un coup de tonnerre auprès des usagers très réguliers qui n’ont pas accès à une prise à titre individuel. Ainsi les résidents des cités sans place de parking, et ceux qui habitent des maisons de ville sans garage, pour ne citer qu’eux.

C’est-à-dire les automobilistes les plus difficiles à convaincre d’adopter l’électromobilité en raison d’un budget souvent plus serré auquel s’ajoute la dépendance à un réseau. En plus d’un bon coup de pouce à l’achat des véhicules électriques, l’accès dans l’espace public à des bornes de recharge à un tarif raisonnable est donc indispensable pour eux.

Cette hausse très importante qui vient d’être annoncée par Ouest Charge va en refroidir plus d’un, risquant même de développer un certain sentiment d’exclusion déjà palpable.

En chiffres

Aujourd’hui, au tarif réglementé d’EDF, recharger une batterie avec 60 kWh d’électricité coûte 8,82 euros aux heures creuses (0,1470 x 60) ou 11,05 euros en période de pointe (0,1841 x 60). À une borne 22 kW AC du réseau Ouest Charge, c’est correct à ce jour : 13,20 euros (0,22 x 60). Ça ne le sera plus du tout à partir du 20 janvier 2023 : 29,40 euros (0,49 x 60).

Quel impact à l’année pour une personne qui parcourt 20 000 km par an en retenant une consommation moyenne raisonnable de 15 kWh ? Au tarif actuel Ouest Charge, ça nous donne 660 euros (20 000 x 0,15 x 0,22). Après l’augmentation, le budget annuel passerait à 1 470 euros (20 000 x 0,15 x 0,49), soit une augmentation de 810 euros (1 470 – 660).

Avec la même conso, parcourir 100 kilomètres coûtera 7,35 euros, contre 3,30 euros aujourd’hui encore. Au 22 décembre 2022, le prix du litre de gazole est à 1,7 euro à Rennes (35) dans une enseigne de la grande distribution. Soit 10,20 euros pour parcourir 100 km avec une consommation de 6 litres. Le delta sera inférieur à 3 euros, contre pas loin de 7 euros actuellement.

Une hausse du prix de l’énergie

On ne peut bien entendu pas nier la hausse des prix sur le marché des énergies. Le département d’Ille-et-Vilaine a courageusement réalisé un choix très symbolique d’une énergie verte à ses bornes en les associant à la coopérative Enercoop, elle-même secouée au point d’avoir dû accepter temporairement d’inclure le nucléaire dans son mix.

Les ménages sont déjà bien dans la peine pour la plupart à l’heure de chauffer leur logement en cette période hivernale. L’effort pour passer à l’électrique, même s’il existe le bonus gouvernemental et la prime à la conversion, pèse déjà souvent plus de 150 euros par mois, et même au-delà de 300 euros, notamment si la seule possibilité d’accéder à l’électromobilité passe par la LLD ou la LOA.

Ajouter plus de 50 euros au titre de l’augmentation du prix de l’électricité risque de coincer pour beaucoup. Ce qui aura forcément pour conséquence de freiner l’adoption du VE pour un bon nombre d’automobilistes, réactivant cette crainte de ne pas pouvoir amortir sur la durée d’utilisation la différence d’effort à fournir à l’acquisition entre un modèle électrique et un thermique.

On risque bien de voir se multiplier les câbles passant par les fenêtres pour recharge une voiture électrique. Une situation pas vraiment confortable, mais encore de l’ordre du privilège pour ceux qui auront la possibilité de se garer devant chez eux.