En attendant l’arrivée de la nouvelle 5 électrique, Renault nous a confié le volant d’une R5 classique rétrofitée. Un bond dans le temps.

La Renault 5 électrique sera bientôt une réalité. Le superbe concept-car éponyme dessine en filigrane la prochaine citadine à batterie qui remplacera la Renault Zoé, et qui s’installera sous la Megane e-Tech dans la gamme du constructeur. Comme son illustre ancêtre, elle balayera d’un revers de roue les générations précédentes tout en leur empruntant des pièces, dont la plateforme, qui deviendra pour l’occasion CMF-B EV. Bref, une citadine qu’on est impatient de voir arriver sur les routes, mais qui ne verra pas le jour avant 2024.

En attendant son arrivée, les plus impatients pourraient toutefois se laisser séduire par le rétrofit. Une technique médiatisée qui consiste à remplacer la mécanique d’origine d’une ancienne par une motorisation 100 % électrique. Investi dans l’électrification et pour célébrer les 50 ans de la R5, Renault a décidé de convertir quelques citadines de sa collection. Nous avons eu l’occasion de prendre en main un exemplaire.

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Derrière ce projet se cache une transformation R-Fit, développée par le 2CV Méhari Club Cassis. Les passionnés du deux-pattes se sont rapidement lancés dans le microsegment du rétrofit et fait de la transformation électrique l’un de leurs fonds de commerce. Comptant parmi les premiers et les rares à avoir fait homologuer leur kit, ce sont ces spécialistes qui ont été approchés par Renault. La mission : électrifier des vieilles R5, trait d’union parfait entre l’anniversaire de la citadine et l’arrivée de la prochaine génération sans émissions.

Une remise à neuf

Au premier regard, rien ne laisse présager la présence d’une motorisation électrique à bord de cette R5, exception faite de l’obturateur du port de recharge, badgé R-Fit. Un détail pour les regards exercés, les autres admirant seulement une R5 parfaitement reconditionnée pour l’occasion. Jaune pailleté pétant en ligne direct avec le concept, sellerie éclatante avec ses couleurs joyeuses : la restauration est « à l’américaine », mais le cachet de la base est toujours présent. La Renault 5 ne met pas une roue dans le groupuscule du restomod, qui a toutefois encore plus d’intérêt avec le rétrofit. Nous y reviendrons.

Car l’objectif ici est de conserver un maximum de pièces d’origines pour évoluer dans le complexe cadre règlementaire et ainsi faire homologuer la transformation, sans avoir à effectuer un nouveau passage aux mines. Cette R5 n’arbore donc pas de feux à LED, de suspensions modernes ou de tout autre système de freinage régénératif comme sur les électriques modernes. Tout est similaire aux spécificités d’origine, avec des commandes à la consistance d’une autre époque, qu’il s’agisse de la pédale de frein, de la direction approximative ou de la commande de boîte manuelle à 4 rapports.

Une boîte préservée, une âme quasi intacte

Oui, vous avez bien lu. Si les moteurs électriques se passent naturellement d’une boîte à vitesse, cette Renault 5 R-Fit conserve son unité d’origine. Une solution technique qui a l’avantage de préserver une partie de l’âme de la voiture, tout en maîtrisant les coûts et en respectant le règlement. Car pour ne pas avoir à effectuer d’importantes modifications au niveau des trains roulants, et donc repasser une coûteuse homologation, les ingénieurs de l’entreprise ont décidé de monter le moteur électrique brushless de 30 ch (22 kW) directement au dos de la boîte.

Au volant, l’observation rigoureuse du mode d’emploi demeure et la pratique déroute. Première leçon : en raison du couple bien plus important que celui du frêle 1,1 l (45 ch) qui a laissé sa place, on ne démarre jamais en première, sauf en côte. Ensuite, on ne joue pas du point de patinage : on débraye, on engage le rapport, on embraye, puis on accélère. Voilà qui met du temps à changer les rapports, dans une auto où les performances passent bien évidemment au second plan, voire plus. Ceux qui avaient cette drôle d’habitude de passer les vitesses sans embrayer dans leur voiture d’étudiant ne seront pas dépaysés. Les plus sérieux auront besoin d’un peu plus de temps pour comprendre la chorégraphie.

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Une difficulté de plus dans une voiture où tous les gestes doivent être décomposés et effectués lentement. Et c’est surtout le cas avec l’accélérateur, même si personne n’aura une sulfureuse envie de jouer avec le chrono. Oser toucher les 80 km/h avec cette direction aux réactions aléatoires réclame de l’audace. Mais elle n’est aussi pas faite pour ça. Son truc, c’est de pouvoir rouler le coude à la portière qui s’avère finalement plus une solution pour pallier le manque d’espace dans un habitacle intime que la quête d’une certaine nonchalance. En tout état de cause, les béquilles électroniques du BMS permettent de mimer davantage la courbe de couple d’une thermique que celle d’une électrique afin de préserver les composants.

Une autonomie de 80 km

C’est dans le coffre que prend place la batterie LiFePO4 de 92 kg, d’une capacité nette de 10,7 kWh. Difficile d’évoquer l’autonomie, puisque la voiture ne dispose d’aucun compteur. Nous l’avons toutefois estimé à près de 80 km, soit ce que promet R-Fit. Ça sera peut-être un peu plus ou un peu moins, mais il faudra dans tous les cas penser à faire l’appoint régulièrement via le chargeur AC de 3 kW (recharge en 3 h 30). La chimie utilisée ne présente pas la meilleure densité énergétique, mais elle s’avère parfaitement cohérente dans ce type de transformation. Abordable, fiable et sûre, cette technologie présente aussi un faible courant d’autodécharge. Cela est donc utile pour cette troisième ou quatrième voiture, qui pourra rester sans être utilisée plusieurs mois sur le lieu de vacances ou en résidence secondaire, sans compromettre la fiabilité de la batterie.

Car c’est bien là tout l’intérêt du rétrofit : s’offrir une voiture électrique exotique pour parader à la campagne, à la montagne ou à la mer, les week-ends ou en vacances. Une auto aux saveurs d’antan avec une mécanique moins capricieuse et complexe à réparer lorsque les pièces commencent à manquer. Ce qui, avouons-le, est moins souvent le cas avec des populaires écoulées à plusieurs milliers d’exemplaires, mais qui sont tout de même plus aptes à se prêter à l’exercice du rétrofit que des modèles plus rares.

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En dehors de cet usage, tout de même marginal, on a du mal à imaginer l’intérêt du rétrofit en l’état actuel de la réglementation, qui limite les transformations techniques. Et l’argument qui prétend que cela permet à des anciennes de continuer à rouler dans les centres urbains en passant sous les radars ne tient pas debout. Car selon qu’il s’agisse de contraintes financières ou d’un choix de vie, les conducteurs qui roulent en ancienne au quotidien ne pourront pas, idéologiquement ou financièrement, acheter un kit à faire monter par un installateur agréé. Le premier aimerait sans nul doute un peu plus de confort et de sécurité et en profiterait pour accéder à la mobilité électrique moderne. Le second se délectera toujours de la mécanique thermique, quel que soit son niveau de puissance. Ce qui semble évident toutefois, c’est qu’aucun des deux ne serait prêt à poser sur la table les près de 13 000 € qui pourraient être demandés pour cette transformation sur base de Renault 5 !

Expectation vs Reality

À l’heure actuelle, le rétrofit semble donc dans une impasse. Certes, l’idée d’électrifier une ancienne peut être géniale (je me suis plus marré dans cette R5 que dans une Lucid Air), et même faire naître les pires avanies : imaginez donc une Citroën DS, une 2CV qui pourrait se recharger sur une borne Tesla, ou, parce que ça m’a tellement amusé de provoquer mes semblables avec l’idée, une Ferrari 250 SWB avec une chaîne de traction de Model S 2022. Oups, j’ai péché. Faute avouée, à moitié pardonnée. Mais c’est ce type d’imaginaire (avec de sérieuses compétences techniques et une coquette réserve financière) que le rétrofit est censé permettre.

Preuve en est de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique, où la pratique, associée au restomod (les éléments techniques et mécaniques sont remplacés par des pièces de dernière génération), donne naissance à des projets délirants, qui peuvent être immatriculés avec bien plus de facilité que chez nous. Mais là-bas comme ici, les transformations ne sont pas légion sur les routes et n’ont pour raison d’être que de faire le show à la messe du tuning de Las Vegas ou présenter le savoir-faire d’un garage. Voilà qui scelle l’avenir de la pratique, qui ne s’adressera très majoritairement qu’à quelques indépendants nostalgiques, ou à des représentations officielles, comme ces Renault 5 R-Fit qui ont vu le jour pour parader à Paris à l’occasion de la récente compétition de Roland-Garros.