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La Renault 4 est de retour, mais le comeback de la bonne vieille 4L n’a pas été de tout repos. Le responsable technique du projet nous révèle les secrets de sa renaissance.
Sa devancière fut produite à plus de 8 millions d’exemplaires durant 30 ans de carrière. La Renault 4 dans sa version 2025 connaîtra sans doute une durée de vie plus courte. Mais son retour sur l’avant-scène raconte déjà l’automobile d’aujourd’hui, ainsi que le Renault de l’ère Luca de Meo. Une phase ouverte à la sortie de la première vague de Covid-19 et clôturée il y a quelques semaines, avec le départ imprévu de l’homme d’affaires italien.
Pour nous dévoiler les coulisses du retour de la R4, notre témoin privilégié est Jorge Da Cruz Martins. Cet ingénieur a dirigé le développement du modèle après avoir travaillé sur le Dacia Sandero Stepway.
Grand ordonnateur du retour de la Fiat 500 lorsqu’il travaillait en Italie, Luca de Meo avait fixé le cadre : « Le premier travail a été de transposer une 4L de 1961 en se projetant sur 2025, témoigne l’ingénieur à l’occasion des premiers essais du modèle, au Portugal. Luca de Meo avait été clair : il ne voulait pas d’un revival. Il voulait faire un véhicule moderne avec l’ADN de la Renault 4. » Modularité, espace intérieur, praticité, volume de coffre…
Arrivé sur le projet mi-2021, Jorge Da Cruz Martins devait logiquement récupérer les éléments d’un autre projet phare de la marque, présenté quelques mois plus tôt : la Renault 5. Il s’agissait de la plateforme AmpR Small, encore connue à cette époque sous l’appellation CMF-EV. Machine à rotor bobiné, traction avant, grandes structures du châssis…
« La plateforme AmpR Small était prête. Les dimensions étaient globalement figées. On savait qu’on ne voulait pas faire plus de 4,20 m, explique l’ingénieur. L’idée était de faire un véhicule complémentaire de la R5, plus dédié aux familles, plus extra-urbain tout en demeurant très compact. L’objectif était de pouvoir partir en week-end, comme le faisait la 4L à l’époque. »
À lire aussiIl poursuit : « À partir du pied B (séparant les portes avant et arrière, ndlr), il n’y a rien de commun en dehors de la partie plateforme. Le plancher a, par exemple, été rallongé. » Au final, 67 % des pièces sont communes entre la R4 et la R5.
Comme pour la R5, l’objectif était d’afficher 300 km d’autonomie WLTP avec la batterie 40 kWh et 400 km avec le pack 52 kWh.
L’empattement de la Renault 4 est rallongé de 8 cm par rapport à la R5. On aurait pu imaginer que le Losange en profite pour loger quelques modules supplémentaires et accroître la capacité des batteries nickel-manganèse-cobalt. Il n’en est rien. La R4 et la R5 « grande batterie » présentent aujourd’hui une capacité nette identique de 52 kWh.
À l’automne dernier, Vittorio d’Arienzo, responsable de la plateforme AmpR Small, nous l’expliquait ainsi : « C’était techniquement possible. Mais nous avons décidé de ne pas le faire, car nous avons optimisé l’ensemble pour maintenir les performances et la rigidité torsionnelle de la plateforme. Beaucoup de travail a été fait sur la batterie et la cage d’aluminium qui l’enserre. L’efficience du véhicule est suffisante pour atteindre 400 km d’autonomie. »
Arrivé pour piloter le développement technique, Jorge da Cruz Martins a observé attentivement les premières ébauches : « En 2021, le design était peu convaincant. Il y a eu énormément de travail. »
Et là aussi, Luca de Meo avait des exigences claires : « Au début, nous avions une réunion au moment du concept freeze (moment où le projet est gelé, ndlr), il a dit : « Il n’y aura pas de validation tant que je n’aurai pas d’effet waouh. » Il avait visiblement quelque chose en tête, qu’il a fallu mettre en forme à travers les maquettes qui lui ont été présentées. Sur l’une, la R4 était trop SUV, sur l’autre, pas assez assise… À un moment donné, il a dit OK. »
Les volumes étaient figés, même si les équipes de Gilles Vidal ont par la suite apporté quelques retouches. « Dans les sujets, vous aviez, par exemple, les rainures, directement embouties sur les portes. Il y a eu d’autres propositions, mais elles ne plaisaient pas », se souvient l’ingénieur. L’histoire ne dit pas si Luca de Meo avait mis son grain de sel sur ce point. Les feux arrière ont aussi mis longtemps à se dessiner. « Cela a été difficile à matérialiser, avec les trois « gélules » de l’ancienne. Il y a eu pas mal de maquettes pour arriver à cet objet qui aujourd’hui paraît simple vu de loin mais qui est techniquement assez complexe. »
« Pour les feux avant, la forme était relativement claire, il a fallu trouver techniquement comment la réaliser », se souvient Jorge Da Cruz Martins. Le concept 4Ever, dévoilé au public en 2022, présentait une pièce unique rétroéclairée, encadrée par un filet rectangulaire lumineux. Le contour rappelait les chromes de la 4L originale. Il a été conservé sur la voiture de série. Le bloc mesure 1,45 mètre de large et pèse près de 10 kg.
« Le vrai challenge, en 2021 ou 2022, c’était de nous convaincre et de convaincre l’entreprise que c’était possible, explique l’ingénieur en chef. Notamment de convaincre l’expertise sécurité et crash que l’on arriverait à franchir les normes de protection des piétons avec un objet comme celui-là. J’ai recroisé récemment le responsable. Il m’a dit « chapeau, parce que moi, je n’y croyais pas. » »
« Le vrai travail de structure a été réalisé avec Plastic Omnium. Nous avions des points toutes les semaines pour les calculs, les vérifications. Deux bonnes années de travail », rembobine le responsable du projet. La complexité était réelle. « La glace frontale est en polycarbonate, comme un feu normal, mais sur plus d’1,40 m. Sur le plan industriel, il faut que la géométrie soit parfaite, éviter les salissures, les impuretés. Fermer la boîte, coller, souder. Puis, d’un point de vue logistique, il faut la transporter. »
La pièce est assemblée chez Valeo à Angers (Maine-et-Loire). Deux opérateurs la montent sur le véhicule dans l’usine Renault de Maubeuge (Nord). En matière de réparabilité, Renault indique que cette calandre, reculée par rapport au bouclier, n’est pas directement exposée. Surtout, la feuille de polycarbonate peut être remplacée sans toucher à l’ensemble du bloc technique (rampe de LED, projecteurs, électronique…).
« Cette calandre, c’est une fierté », sourit l’ingénieur.
Avec sa silhouette cubique, ses hommages néo-rétro et sa poupe verticale, la Renault 4 n’était pas née pour fendre l’air avec aisance.
Mais ses concepteurs ont tenté de limiter les dégâts au niveau de la traînée. Cela se voit à quelques petits détails, comme les petites lames noires et brillantes rivetées à droite et à gauche de la lunette arrière :
« Nous avons constaté le gain dans les simulations et en soufflerie. On a travaillé au maximum pour que ces ailettes ne soient pas trop intrusives », explique Jorge Da Cruz Martins. L’objectif étant de ne pas dénaturer la poupe très sixties de la R4.
Le SCx (surface frontale multipliée par le coefficient de traînée) s’établit ainsi à 0,762 contre 0,746 récemment annoncés par la Renault 5, malgré un pavillon bien plus haut perché. Les deux voitures partagent leur pare-brise, il est « prolongé » par de la carrosserie pour accroître la garde au toit. Le Losange ne nous a pas communiqué le Cx, mais le coefficient de traînée d’une voiture de moins de 4,50 m est rarement miraculeux.
Une autre nuance permet à la R4 d’afficher de meilleurs résultats qu’attendu. « Nous avons des volets pilotés à l’avant », confirme Jorge da Cruz Martins. Ce n’est pas le cas sur la R5.
Placés derrière le bouclier, ils se tiennent en position ouverte ou fermée, en fonction des besoins de refroidissement de la chaîne de traction. Ce qui donne un avantage sensible en matière d’aérodynamiques lorsqu’ils sont clos. Ceci explique peut-être en partie les chiffres flatteurs de consommation constatés lors du Supertest de mon collègue Soufyane ou par les compagnons de route de La Chaîne EV.
À lire aussiLe dispositif coûte cher, car il doit être adapté pour chaque modèle, en fonction de la forme du bouclier. Sur sa plateforme MEB, le groupe Volkswagen dispose d’un rideau unique placé entre les lames du radiateur plutôt que de ces volets actifs insérés derrière le bouclier, grattant de la marge sur chaque véhicule au prix d’une moindre efficience.
« En dehors des modèles premium, à ce niveau de segment, vous n’avez pas de volets pilotés, s’enorgueillit le chef de projet. Ni d’amortissement multi-bras à l’arrière ou d’équivalent au système OpenR Link avec Google intégré, qui sont plutôt des attributs de segment C. Ce véhicule n’est pas vendu comme un premium en termes de prix de vente, mais il apporte au client une vraie valeur ajoutée. »
L’un des arguments « familiaux » les plus mis en avant par Renault est le seuil de chargement très bas, à 60 cm du sol. « On a même exploré un cas de figure où on l’abaissait encore plus, raconte Jorge da Cruz Martins. Mais cela nous obligeait à refaire une unité arrière. En termes de crash à l’arrière, on se retrouvait avec des difficultés qui n’étaient pas nécessaires pour des gains insignifiants pour le client. »
Avec des porte-à-faux agrandis, les longerons ont été légèrement renforcés. Et avec 420 litres sous la planche, la R4 est déjà bien dotée. Même si abaisser le seuil a privé la Française d’un plancher plat.
Dans les années 1990, la France était encore constellée de Renault 4 fourgonnette. Darty, La Poste, EDF… Mais cette carrosserie n’aura pas de descendance directe. La plateforme AmpR Small, dans son état actuel, n’est pas en mesure d’offrir une vraie fourgonnette.
« On ne peut pas faire rentrer une palette », concède Charles Baudey, le chef de produit Renault 4. Du point de vue du siège du Losange, les investissements seraient sans doute trop lourds pour des volumes trop contenus.
Un plan B est tout de même prévu : « Nous allons travailler sur l’habillage et offrir des versions entreprise. » Fin juin, les visiteurs du 4L Festival ont ainsi découvert une Renault 4 La Poste biplace annonçant la version commerciale.
La Renault 4 inaugure la conduite « one pedal » chez Renault.
« Initialement, lorsque le projet avait été cadré, cela ne faisait pas partie du cahier des charges, indique Jorge da Cruz Martins. C’est arrivé en cours de route. Nous avons décidé que la Renault 4 tirerait le développement pour les autres voitures de la gamme. Sur Scénic, Mégane, c’est en cours de déploiement. Cela arrivera bientôt sur R5. Techniquement, c’est du temps de développement : on a lancé tellement de choses en même temps que, parfois, vous êtes limités. »
À sa sortie en 2022, la Renault Mégane E-Tech fut très critiquée sur un point : l’absence de pompe à chaleur en série. Nombre de clients furent déçus des performances de recharge, notamment en conditions hivernales. Or, à cette époque, le Losange travaillait sur la définition de la R4… Fallait-il l’intégrer en série ou non ?
« J’ai dit : on n’y touche pas, on la laisse en série, tranche Jorge da Cruz Martins. Nous étions plutôt alignés avec les équipes produit. Nous avons entendu et analysé tous les retours de nos clients sur Mégane. On s’est dit qu’on avait fait une erreur, qu’il y avait eu incompréhension et manque de communication. »
La R4 est donc dotée en série d’une pompe à chaleur.
En revanche, le chargeur 22 kW, très apprécié sur la Zoé, n’a « jamais été un sujet ».
Comme la R5, la R4 est « made in France ». Elle est assemblée sur les mêmes lignes que le Kangoo, à Maubeuge (Nord). « À la base, la Renault 4 devait être assemblée à Douai, avec la R5 », révèle Jorge da Cruz Martins. Les questions sur l’avenir du site ont pesé, remettant Maubeuge dans la course au cours de l’année 2022. « Le choix a été fait suffisamment tôt pour ne pas avoir de conséquence sur le planning. » Mais cela a compliqué le travail des équipes du process engineering… La phase d’industrialisation a démarré fin 2024.
À lire aussiIl a fallu adapter l’outillage pour préparer l’arrivée du nouveau modèle : « Vous aviez des balancelles qui portaient des Kangoo. Si vous mettez une R4 dedans… elle tombe ! s’amuse l’ingénieur. Il a fallu travailler sur des extensions pour que les voitures puissent passer d’un poste à l’autre. »
Évoquant l’usine, Jorge Da Cruz Martins sourit : « Sur la chaîne, vous voyez passer un Kangoo puis une 4Ever*… »
« Vous l’appelez toujours 4Ever ? »
« Oui, pour nous, elle s’appelle toujours comme ça. »
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