Jan Kempynck et sa Renault Megane E-Tech

Si son nom n’est pas forcément connu du grand public, Jan Kempynck a été très recherché pour concevoir et/ou préparer des moteurs qui ont permis de gagner 27 championnats et 457 courses automobiles. Son passage à la voiture électrique a créé une certaine incompréhension autour de lui. Il explique.

Quatre générations de professionnels de l’automobile

N’essayez même pas en rêve de mettre entre les mains de Jan Kempynck une voiture avec un moteur downsizé à trois cylindres. C’est l’exemple même de ce qu’il a fuit en adoptant en 2017 une Renault Zoé comme seconde voiture, puis en remplaçant l’année dernière sa BMW contre une Renault Megane E-Tech.

Ingénieur en automobile, en électronique et en automatisation, mais aussi préparateur et développeur de moteurs de course, il représente la troisième génération d’une famille pleinement impliquée professionnellement dans ce milieu. Ce n’est pas fini : « Avec deux masters, mon fils est ingénieur chez Aston Martin en Angleterre ».

Qu’on ne s’y trompe pas : avec cette carte de visite, notre lecteur belge cherche avant tout deux choses, dont la première est de créer des conditions propices aux confidences. La seconde est d’apporter le poids de l’expérience et des connaissances à son intérêt d’aujourd’hui pour le véhicule électrique.

Début de carrière

A 68 ans, Jan Kempynck revoit tout le chemin parcouru par sa famille : « Après la Première Guerre mondiale, de 1918 à 1922, mon grand-père a fait construire un garage qui pouvait accueillir 100 voitures. Forgeron de profession, il lui arrivait de réaliser lui-même des pièces qu’il avait du mal à obtenir. A la fin des années 1940, mon père a rejoint le garage pour préparer des moteurs de Simca. Il aimait rouler en Jaguar et en MG ».

Notre lecteur les a peu connus : « Mon père est décédé quand j’avais deux ans, et mon grand-père à mes huit ans. Quand j’avais 14 ans, j’ai acheté des livres pour apprendre la mécanique et suis venu au garage. Deux ans plus tard, je suis allé chez BMW et un mécano en aviation, entamant des études d’ingénieur ».

C’est dans cette période qu’il a mis au point des systèmes jusqu’alors inconnus : « J’étais déjà passionné d’électronique à 14 ans. J’ai inventé un module pour une intermittence réglable des essuie-glaces et deux ans plus tard un allumage électronique à décharge capacitive avec thyristor. Puis j’ai préparé des moteurs de compétition pour Opel et mis les mains dans les boîtiers Bosch L-Jetronic. Après deux ans d’armée comme officier technicien, j’ai travaillé chez cet équipementier comme développeur de systèmes. Sur les voitures, je devais identifier les pannes que les autres ne trouvaient pas ».

A son compte

Après avoir réglé des moteurs pour des équipes de courses Opel, Renault et Nissan, Jan Kempynck a ouvert sa propre entreprise : « A 32 ans, je me suis mis à mon compte comme préparateur. Entre 1989 et 2000, j’ai consacré du temps à mettre au point des moteurs pour la compétition. En 1997, j’intervenais sur beaucoup de BMW ».

Alors qu’il était invité par le constructeur allemand sur le circuit de Zolder pour découvrir une nouvelle voiture, notre lecteur a fait une rencontre décisive : « Je n’ai su qu’après que c’était un ingénieur grand dirigeant chez BMW. Il aurait voulu que je rejoigne l’équipe pour participer aux développements en interne de moteurs de Formule 1. J’avais ma clientèle, je ne voulais pas l’abandonner ».

Ce qui n’a pourtant pas découragé son interlocuteur : « Il m’a répondu : ‘Tous les moteurs que BMW n’aura pas le temps de faire, on les enverra chez vous’. Je me suis occupé des pistons, de l’arbre à came, de l’électronique. Le moteur que j’ai mis au point a gagné deux ans de suite aux Etats-Unis ».

Pas besoin de rêver d’une Rimac

Avez-vous ressenti le niveau de passion que Jan Kempynck a pu éprouver pour la mécanique et l’électronique depuis son enfance ? Peut-on raisonnablement imaginer que cet adepte des Lotus Esprit lorsqu’il était jeune, et qui a fait de Colin Chapman son idole, soit devenu un usager des voitures électriques ? « J’ai acheté la Renault Zoé pour connaître et avoir une première expérience de la voiture électrique. J’en suis ressorti très content, ce qui m’a décidé à adopter la Megane E-Tech en véhicule principal pour les longues distances, à la place de ma BMW ».

La Renault Zoé de Jan Kempynck

Il avait d’abord porté son choix sur un autre modèle : « Je voulais une Hyundai Ioniq 5, mais j’ai rencontré plein de problèmes à la commande. Je suis alors allé découvrir la Megane que j’ai trouvée fantastique et très bien fini. Je suis content de cette voiture à la belle ligne moderne et  sportive. J’apprécie l’intégration Google. C’est facile de planifier son trajet à la maison sur Google Maps et de le retrouver directement dans la voiture avec une estimation correcte du pourcentage de batterie à l’arrivée. Bien sûr, je pourrais rêver d’une Rimac, mais la Renault m’apporte ce dont j’ai besoin ».

Ce qu’il apprécie en générale sur une voiture électrique : « Son confort et son silence permettent de conduire de façon plus relax. Et s’il faut dépasser, le couple est là en instantané ».

À lire aussi Témoignage – Roulant beaucoup, Catherine est passée du diesel à l’hybride, avec un Renault Arkana

Pas de Tesla, Mercedes ou BMW

Pourquoi pas une Tesla ? « Je tire mon chapeau à Elon Musk pour ce qu’il a fait avec Tesla, mais il n’a pas l’expérience des anciens constructeurs. Je ne parle pas de l’électronique, de la batterie ni du moteur, mais par exemple de la suspension et d’autres parties dont l’assemblage n’est pas terrible. Je n’aurais pas davantage pris une Mercedes car cette marque est relativement nouvelle dans la mobilité électrique ».

Et une BMW ? « J’ai eu plusieurs BMW. En raison de ma santé, il me faudrait déjà acheter une Série 5 avec les sièges confort. Je dois dire que le confort des sièges de la Megane E-Tech en finition Iconic, même avec les jantes de 20 pouces, me convient beaucoup mieux que toutes les BMW que j’ai eues. J’ai fait de longs trajets avec et je ne sens aucun mal ou fatigue. Chez BMW, je n’aime pas la longue liste d’options. On sait à quel prix on commence, mais pas où ça s’arrête. Ca peut grimper de 30 000 euros ».

Jan Kempynck a voulu privilégier une pionnière : « Renault et Nissan ont davantage d’expérience dans le VE. Cela se mesure au nombre de rappels que les autres constructeurs sont obligés de lancer. Renault a vraiment fait quelque chose de bien. La montée en qualité de la Zoé est vraiment pas mal. Sur la Megane, il y a trois niveaux de finition avec quelques options. Elle est bien équipée et offre d’origine beaucoup d’aides à la conduite qui fonctionnent bien ».

Une vraie surprise dans son entourage

Le choix de l’ancien préparateur en compétition a fait quelques remous autour de lui : « Mon fils trouvait que ce n’était pas une bonne idée. Il était presque vexé, car c’est moi qui lui ai appris le métier, l’ai encouragé à faire de la compétition en karting. Il a maintenant compris mon choix ». D’autres ont également été très surpris : « Les copains et les collègues n’ont pas compris, parce qu’ils n’ont pas encore essayé une voiture électrique. Il faut avoir un esprit large pour le faire. On peut dire que ce n’est pas bien uniquement si on a essayé soi-même ».

Les raisons qui ont poussé Jan Kempynck à adopter l’électromobilité sont assez inhabituelles : « Je ne viens pas dire que je vais sauver la planète en roulant en voiture électrique. Il y a plein de systèmes autour des moteurs thermiques pour passer les normes concernant les gaz d’échappement. C’est 30 % du prix de la voiture, et de quoi tomber en panne beaucoup plus souvent qu’avant. Le moteur que j’ai toujours tant aimé, la norme Euro 7 va le tuer complètement ».

Du haut de son expérience, il peut affirmer : « Prenez par exemple le filtre à particules, il est quasiment impossible de ne parcourir que de petites distances sans qu’il se bouche. Les voitures électriques embarquent bien moins de pièces qui ne font pas de différence entre des trajets courts et des trajets longs. C’est aussi cela qui m’a motivé à rouler en VE. Pas d’huile, pas de filtre à huile, pas d’échappement, pas de bougies d’allumage : l’entretien ne m’a coûté que 150 euros par an pour en particulier le replacement du filtre de l’habitacle ».

Autres économies

Aussi parmi les sources d’économies avec une voiture électrique, une fréquence allongée pour remplacer les plaquettes du fait du freinage régénératif : « Ca peut être l’inverse concernant les pneus, en raison du couple, mais très dépendant de la manière de conduire. Si je recharge chez moi, l’électricité ne me coûte que le tiers de ce que je dépensais auparavant en gazole sur un modèle équivalent. En outre, en Belgique, nous ne payons actuellement pas de taxe de roulage sur les véhicules électriques ».

Concernant les batteries, il se montre confiant sur leur durabilité et leur réparabilité : « La plupart des fabricants offrent une garantie complète d’au moins sept ans. Les compagnies d’assurance les prennent en charge en cas d’accident. Les marques de véhicules les plus sérieuses disposent désormais de centres spécifiques, où les batteries peuvent être réparées en replaçant simplement la cellules ou les parties défectueuses ».

À lire aussi Témoignage – En trois ans, Frank a économisé plus de 10 000 euros de carburant grâce à sa Renault Zoé

Détricoteur de fake news

N’allez pas dire à Jan Kempynck que les voitures électriques prennent facilement feu : « Environ 0,08 % des voitures thermiques prennent feu, contre 0,01 % pour les VE. C’est huit fois moins. En Allemagne, 40 véhicules thermiques brûlent en moyenne chaque jour, mais personne n’en parle ».

Il pointe le comportement des compagnies de pétrole qui « facturent 2 600 euros le litre de carburant synthétique en espérant que l’Etat comblera la différence pour parvenir à un prix normal à la pompe. De quoi leur remplir les poches pour graisser des médias et politiciens afin de mener des propagandes déjà bien actives contre le véhicule électrique ». Au grand public, il appelle : « Ne vous y trompez pas et basez-vous sur des faits réels ».

Ces campagnes contre les VE réveillent chez lui quelques souvenirs : « Mon grand-père m’a raconté que lorsqu’il a ouvert son garage en 1918, il s’est également heurté à beaucoup d’oppositions de la part des éleveurs de chevaux. C’est donc aujourd’hui la même chose pour les voitures électriques ».

A télécharger pour aller plus loin :
Les grandes dates pour les quatre générations de Kempynck dans l’automobile (Fichier pdf)
Liste des moteurs préparés par Jan Kempynck (Fichier pdf)

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Jan Kempynck pour son accueil, son témoignage, sa confiance et les nombreux documents de famille transmis.

Avis de l'auteur

Comme je l’expliquais dans un précédent article, le visage des utilisateurs de voitures électriques a beaucoup changé en 2023. Le témoignage de Jan Kempynck élargit encore davantage leur diversité. Ce qui montre en particulier que les voitures électriques sont aujourd’hui désirables du fait de leurs qualités à l’usage.

La présente interview est une véritable pépite car nous avons là une préparateur de moteurs de compétition qui aurait bien aimé continuer à rouler avec des voitures qui diffusent certaines sonorités. Je ressens également pour moi-même un ennui en roulant avec les voitures équipées de ces fameux moteurs downsizés. Une thermique ancienne, oui, j’éprouverais toujours le même plaisir que j’ai connu autrefois, mais les mécaniques modernes, non. Et comment intervenir dessus aujourd’hui soi-même ?

En recueillant le témoignage de Jan Kempynck, j’avais presque l’impression de discuter avec mon père, lui aussi très impliqué dans l’automobile. Il avait été surpris de mon passage à l’électrique. Je revois l’expression d’une personne vexée sur son visage. Mais deux ou trois ans après, il m’a dit que j’avais raison. De la part de quelqu’un qui communique peu, et en tout cas pas pour rien, ça signifiait une véritable réflexion et une envie de s’associer à ma démarche.

J’espère que nos lecteurs apprécieront à sa juste valeur les propos consignés dans le présent article.