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Le pari de la mobilité électrique ne peut être gagné qu’en embarquant un maximum d’automobilistes, dont les jeunes, les passionnés de mécanique, ceux qui aiment conduire, les routards qui accumulent les milliers de kilomètres chaque mois, et les sans prise fixe. L’année 2023 marque une véritable transition dans le domaine. Billet.

Une nouvelle tonalité

Ce sentiment d’un changement du visage des électromobilistes en 2023 est né et a grandi au fur et à mesure des interviews prises cette année pour les différents médias Internet auxquels je collabore. Au fait, combien de rencontres réelles ou par téléphone depuis janvier dernier ? À la louche, j’ai pensé à une cinquantaine. J’ai voulu en avoir le cœur net en les comptant.

Depuis le 1er janvier 2023, j’ai reçu et/ou travaillé sur 89 témoignages qui ont donné lieu à la publication d’un article. Je ne compte donc pas les quelques discussions auxquelles j’ai participé lors de la douzaine de reportages et qui n’ont pas donné lieu à une communication en direction des lecteurs. Avec un tel volume, pas étonnant que la répétition de certains points soit devenue évidente.

Je profite de ce billet pour remercier tous les interlocuteurs qui m’ont fait confiance : le degré du désir de transmettre, de leur enthousiasme et de leur sympathie, observé lors de nos échanges, a été très à la hausse. Au point que les 20-30 minutes habituellement réservées à l’entretien ont très largement été dépassées, jusqu’à atteindre régulièrement l’heure. Vous êtes géniaux ! Un grand merci aussi aux lecteurs qui ont fait bon accueil à tous ces témoignages.

Les électromobilistes il y a plus de 10 ans

Il y a une dizaine d’années et encore plus loin en arrière, la principale motivation des automobilistes qui sont devenus des pionniers de l’électromobilité était essentiellement de modérer l’impact de leurs déplacements sur l’environnement et la santé publique. Ils avaient le plus souvent comme littérature les rapports d’organismes internationaux.

Ainsi l’OMS qui chiffrait par exemple à près de 7 millions le nombre de personnes décédées prématurément sur la planète en 2012 en raison de la pollution dont le secteur des transports n’était d’ailleurs pas la seule cause.

La plupart de ces électromobilistes avaient accepté de se contenter des performances limitées des voitures électriques à batterie nickel cadmium : 80 km d’autonomie en étant très léger sur l’accélérateur. Il était alors rarement question de partir en vacances avec, même si, comme moi, certains l’ont fait. Dans cette sphère, il y avait déjà quelques passionnés de belles mécaniques, conservant le plus souvent un véhicule plus attrayant pour les loisirs.

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La nouvelle vague de bagnolards branchés

Ne cherchez rien de blessant de ma part en reproduisant ce terme de « bagnolard » que plusieurs de mes interviewés ont spontanément utilisé pour se désigner eux-mêmes. Après tout, passionné moi-même de véhicules anciens et appréciant beaucoup de conduire, je peux m’attribuer aussi cette étiquette qui me permet de parler le même langage que nombre des nouveaux lecteurs d’Automobile Propre. Ce qui facilite les confidences.

Il y a encore quelques années, ceux qui aimaient la mécanique et le bruit des moteurs thermiques — sportifs ou non — voyaient principalement dans la voiture électrique une ennemie. D’autant plus que l’Europe et le gouvernement français avaient déjà commencé à les diriger exclusivement vers elle.

Une des nouveautés de 2023, c’est que pour beaucoup d’amoureux de mécanique, de performances, et du vroum-vroum, l’automobile branchée apparaît aujourd’hui comme fortement désirable, au point de franchir un premier pas très symbolique vers la mobilité durable. Ils le font avec le sourire et beaucoup de sérénité. Ils fondent pour des Tesla Model Y, Volvo XC40 Recharge, la gamme e-tron d’Audi, BMW i4, Kia EV6, etc. Ce courant est extrêmement précieux afin de tourner la page du thermique pour les déplacements du quotidien, comme pour les vacances.

L’électrique : une motorisation comme une autre

Autre constat : de plus en plus d’automobilistes choisissent ou abandonnent la voiture électrique de façon totalement décomplexée, le plus souvent en raison de l’évolution de leurs besoins. Ainsi en laissant un diesel pour une électrique, puis choisissant une hybride, en conservant une totale ouverture au VE, pour plus tard.

Un changement d’affectation, l’absence de moyen personnel de recharge conjugué avec une hausse dissuasive des tarifs pour accéder aux bornes publiques, une naissance et des prix encore trop élevés pour les modèles électriques familiaux, l’obtention d’une voiture de fonction, etc., sont parmi les causes les plus souvent évoquées par les interviewés pour mettre en pause le VE dans leurs foyers.

Là encore, le véhicule branché n’est plus vu comme une brebis galeuse, une contrainte ou une obligation, mais comme un modèle convaincant à part entière et apprécié dans une diversité de technologies de motorisations. C’est également très encourageant, d’autant plus que les personnes concernées le font le plus souvent d’une manière très apaisée.

Jeunes générations

Pour beaucoup de jeunes automobilistes dans la vingtaine, la diversité de la motorisation n’est pas un sujet : c’est l’électrique et rien d’autre ! Même s’ils roulent à bord d’une citadine diesel en raison du prix encore trop élevé des VE, même en occasion.

Dès le premier emploi stable, ils n’hésitent pas à profiter de tous les avantages pour devenir électromobilistes : bonus gouvernemental, prime à la conversion au taux maximal, LOA/LLD. Ca passe parfois tout juste, mais ils tablent souvent sur des dépenses beaucoup moins importantes ensuite, concernant les pleins en énergie, l’entretien et l’assurance.

Egalement convaincus par les bienfaits du covoiturage, ils trouvent des moyens complémentaires pour rendre possible l’acquisition d’une Renault Zoé ou d’une Peugeot e-208.

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Passage au tout électrique

De plus en plus de foyers sont passés au tout électrique pour leur mobilité. Jusqu’à tout récemment, nous rencontrions surtout des automobilistes qui conservaient une voiture essence ou diesel à côté de leur nouvelle électrique. Il s’agissait le plus souvent d’utiliser le VE au quotidien et de temps en temps le véhicule thermique pour les grands déplacements occasionnels.

Avec l’augmentation de l’autonomie au-delà des 300 kilomètres réels et un réseau national de recharge qui s’étoffe en particulier grâce à de nouveaux opérateurs et aux grandes enseignes de la distribution, l’intérêt de conserver un modèle essence ou diesel s’efface. Un mouvement qui est aussi favorisé par la bonne perception des électriques.

Pourquoi conserver alors une voiture bruyante, polluante, chère à entretenir, où la boîte mécanique apparaît tellement archaïque face aux nouvelles technologies embarquées dans les VE ? Les départs en vacances sont même abordés de façon plus détendue. Il y a bien sûr l’intégration des planificateurs en prolongement du système de navigation embarqué qui donne confiance. Mais aussi et surtout la fiabilité et le nombre de stations de recharge sur les aires d’autoroute.

Sans prise fixe

Ce déploiement général de bornes qui touche aussi les zones urbaines et rurales facilite désormais l’adoption des véhicules électriques par les automobilistes dépourvus de moyen de recharge personnel.

Nous avons rencontré plusieurs lecteurs dans ce cas qui ont trouvé les bons scénarios leur permettant de rouler en VE aussi facilement qu’avec un modèle thermique. C’est parfois sur le lieu de travail qu’il est possible de se brancher.

C’est aussi en utilisant toutes les opportunités qui leur sont accessibles. Sont ainsi exploitées les bornes devant une salle de sport, un cinéma, une grande surface, etc. L’augmentation des prix sur le 22 kW AC dans plusieurs départements et les pénalités à la durée même en cours de recharge constituent cependant un nouveau frein.