En marge de son essai du SUV électrique chinois Nio ES8, Maxime Fontanier a voulu découvrir comment se déroule l’échange des batteries dans une station ouverte en début d’année par le constructeur en Norvège.
Déjà en France dans les années 1990
Si le swap des batteries a été mis sur le devant de la scène il y a une dizaine d’années par Better Place, avec au final un flop retentissant, l’idée était déjà dans l’air bien avant en France.
Ancien président de Mobil’Eco, et ingénieur au service de la flotte de véhicules de la Communauté urbaine de Bordeaux, Christian Lucas me confiait à l’époque avoir travaillé sur des électrostations pour faire fonctionner en 2 x 8 heures des camions électriques 20 tonnes.
En 5 minutes, les 2 packs au plomb devenus faibles en énergie, et pesant chacun 2 250 kg, étaient remplacés par des exemplaires rechargés préalablement. Pour démontrer toute l’utilité de cette technologie, un de ces poids lourds, lesté de sa logistique d’un poids de 16 tonnes, a parcouru en moins d’une journée 951 km. C’était le 30 septembre 1997.
Avec 4 collègues aussi passionnés que lui, il a décliné cette infrastructure, devenue transportable, à une petite flotte de 3 utilitaires légers Volta. Sans suite.
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Une quinzaine d’années plus tard, Renault s’est associé avec Better Place pour développer un réseau de stations d’échange de batteries en Israël, avec une extension envisagée dans d’autres pays. Le rôle du constructeur français était principalement de fournir une voiture électrique compatible.
Appartenant à la famille Z.E. qui a aussi donné naissance à la Zoé, au Twizy et à quelques utilitaires branchés, la berline Fluence a été adaptée. Sous la dénomination « Quik Drop », le système se composait d’un bras robotisé qui récupérait le pack déchargé et remontait à sa place une batterie pleine d’énergie. Le véhicule devait être placé à un endroit précis d’une plateforme abritée. Avec le démonstrateur présenté en 2009 au Japon, l’opération prenait à peine 2 minutes.
Dans les grandes lignes, la solution développée par Nio est très proche. Avec toutefois une différence de taille : les voitures chinoises de la marque se positionnent de façon entièrement autonome dans la Power Swap Station et en ressortent de même. Comme nous pouvons l’observer dans la vidéo tournée par Maxime Fontanier.
Gros succès en Chine
Si l’échec du programme Better Place a ensuite convaincu nombre de professionnels de l’automobile et d’électromobilistes français et d’ailleurs que l’échange des batteries est une voie sans issue, en Chine, il en va tout autrement. Le gouvernement encourage les marques de voitures et de camions électriques à s’y mettre.
Les chauffeurs de taxi du pays plébiscitent un système qui leur fait gagner pas mal de temps, par comparaison avec une recharge classique. Le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT) poursuit un projet pilote pour étendre jusqu’en 2035 l’échange des batteries dans le vaste territoire.
Le défi n’est plus tant l’adoption du swap des packs, que l’harmonisation des dispositifs déjà en place. Nio participe au plan national qui prévoit l’installation de plus de 1 000 nouvelles stations dédiées. En fin d’année dernière, il y en avait déjà autant, visitées par 150 000 véhicules de 200 modèles différents.
Jusqu’à 312 échanges par jour
C’est en mai 2018 que Nio a inauguré à Shenzhen, dans le district chinois de Nanchang, sa première station entièrement automatisée pour échanger les batteries de l’ES8, un SUV électrique que Maxime Fontanier vient d’essayer à Oslo. Début 2021, le constructeur a présenté sa Power Swap Station 2.0.
C’est un exemplaire de cette nouvelle génération d’infrastructure que nous avons découvert en Norvège. C’est la première du pays, et donc d’Europe. Elle a été officiellement mise en service près de Drammen, à une quarantaine de kilomètres d’Oslo, en janvier dernier.
Sur ses 14 emplacements, 13 accueillent des batteries pleines ou en cours de recharge, récupérées des précédents échanges. Le quatorzième sert à recevoir le pack de la voiture électrique compatible qui se présente sur la plateforme. Avec une ouverture 24/7, il serait possible, selon le constructeur chinois, de remplacer jusqu’à 312 packs par jour et par établissement. Soit un peu moins de 5 minutes par opération.
Fin juin dernier, Nio comptait 1 000 stations d’échanges dans son réseau, dont 250 nouvelles depuis le début de la présente année 2022. Elles ont enregistré à ce jour plus de 10 millions de swaps cumulés.
20 stations en Norvège pour fin 2022
Visitée par notre journaliste vidéaste, cette station à proximité de Drammen, plus précisément implantée à Lier, affiche actuellement des horaires restreints : 7-22 heures. Dans ce cas, en conservant le même rythme, elle pourrait accueillir jusqu’à 195 voitures électriques Nio par jour aux heures d’ouverture.
Après la phase de démarrage qui nécessite la présence d’un technicien pour lancer les recharges et contrôler les opérations, le site sera accessible 24/7. « Dans un ou deux mois, cette station devrait être complètement autonome », confirme Maxime Fontanier. En début d’année, le constructeur annonçait l’ouverture d’une vingtaine de ces stations en Norvège pour la fin de l’année.
Les images recueillies par l’homme à la casquette montrent que, dans un premier temps, la caisse de l’ES8 est soulevée. Les 4 roues restent cependant à terre grâce à la suspension pneumatique à grand débattement. Environ 2 minutes et 40 secondes après le lancement du processus, le pack 100 kWh de l’ES8 est déposé.
Le SUV électrique est revenu à une position plus basse, et les deux volets de la plateforme d’échange se sont refermés. Rapidement derrière, l’engin est à nouveau élevé et la trappe s’ouvre. Un système de visserie spécifique permet de garantir la bonne fixation des packs interchangeables. Le véhicule est prêt à repartir au bout de 4 minutes et 23 secondes.
Après un Tesla Model X
Le couple interrogé par Maxime Fontanier à la station de Lier a possédé un Tesla Model X pendant 5 ans avant de se laisser tenter par son concurrent chinois Nio ES8 en octobre 2021. « J’adore cette voiture ! », a lâché le conducteur. « Plus de 20 000 km déjà au compteur », et « aucun problème », a-t-il rapporté. Des critiques sur son nouvel engin par rapport à son précédent SUV américain ? « Aucune ! ».
Avec la somme perçue pour la vente de son Model X, il a pu acheter un Nio ES8 neuf. Il a cependant fait le choix de la location de la batterie, encouragée par la marque. Cette offre baptisée « Battery as a Service » permet de réduire la facture d’environ 17,5 %, soit de l’ordre de 20 000 euros pour le Norvégien interviewé qui a choisi le pack 100 kWh.
Il s’acquitte en revanche de presque 200 euros de loyer. Cette somme comprend mensuellement 6 échanges de batteries et 600 kWh de recharge aux bornes rapides DC Nio.
Lors de son essai, notre journaliste spécialisé a observé une autonomie moyenne de l’ordre de 430 km avec la batterie 100 kWh. Le crédit au mois de 1 200 kWh (6 swaps + 6 recharges) se traduirait par plus de 5 000 km en cycle mixte. C’est bien plus qu’il n’en faut à Tomasz et son épouse qui pensent parcourir au plus 40 000 km par an avec leur ES8.
120 kW de puissance de recharge
L’électromobiliste norvégien chiffre à 120 kW la puissance de recharge maximale de son SUV chinois. Mais avec une courbe qui tient les valeurs hautes plus longtemps que sur son ancien Tesla Model X. Au bout du compte, même avec un débit plus élevé pour le SUV américain, sur une période cependant relativement courte, « le temps de recharge est similaire », a-t-il estimé.
Et vous, chers lecteurs, que pensez-vous de l’échange des batteries dont Nio promet une prochaine extension à d’autres pays européens ?
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Les vraies questions à se poser avant de parler environnement, praticité, etc.
Bref, de mon point de vue les batteries échangeables sont une excellente idée mais uniquement lorsque c’est sur le flanc du véhicule (poids-lourds) ou manipulable à la main (2 roues ou quadricycle).
Il y a eu une expérience en Israël avec des Renault Fluence il me semble . Un réseau de stations de remplacement de batteries couplées à une application pour optimiser ses déplacements moyennant un abonnement mensuel
sauf que ces systèmes obligent à doubler au minimum le nombre de batteries à construire, et donc quid des réserves en matériaux miniers pour certains ?
Bonjour,
Comme tout système, celui-ci présente des imperfections. Les différents commentateurs en ont déjà fait une (longue) liste. J’en vois un de plus : la connectique.
Car qui dit batterie échangeable dit connecteurs forte puissance (ce qui va vers le moteur) et faible puissance (les signaux nécessaires pour communiquer entre le véhicule et le BMS de la batterie).
Et en ce qui concerne la connectique forte puissance, on parle de quelques centaines d’ampères (300 à 500, en pointe en fonction de la puissance du véhicule). La moindre augmentation de la résistance de ces contacts va aller d’une baisse des performances à… un départ de feu.
Quant à la connectique faible puissance, c’est guère mieux car la perte de com induira un gros picto rouge au milieu du tableau de bord et le droit d’attendre la dépanneuse au milieu de la chaussée et dans le froid !
Par contre, le seul point positif est que le test se déroule en Norvège, avec des conditions météo souvent mauvaises, du froid, de la neige (et du sel de déneigement ce qui accroit grandement la corrosion), amenée par les voitures dans la station et qui va fondre gentiment sur tout le barda en dessous… En gros, s’il n’y a pas 10% des batteries qui ne sont plus aux specs après le 1er hiver, Nio aura de la chance !
Accessoirement, cela permet de prolonger la durée de vie des VE, qui n’est plus dépendante de la durée de vie de la batterie…
Optimisé au max, ce système pourrait même permettre de supprimer tout système de charge embarqué (hormis la régèn qui reste indispensable !)
Notez aussi que le swap vient en complément de la recharge, on a le choix ! l’un ne remplace pas l’autre (on peut continuer à charger en AC chez soi si cela correspond au besoin à l’instant T).
double intérêt :
– on utilise de plus petites batteries (60 kWh largement suffisant pour tout trajet autoroutier)
– on décorelle le moment où on recharge du moment où on utilise, ce qui permet de lisser un peu mieux la conso sur le réseau, en particulier quand les sources d’électricité intermittentes produisent (éolien, photovoltaïque…)
En cas de pépin avec une borne -> tu vas à la suivante. En cas de pépin lors de l’échange de batterie (avec une voiture plus lourde au quotidien), ta voiture reste rivée sur place…
Est-on certain de récupérer une bonne batterie ?! Qui va bien avec l’OS version 2.34.56beta de la voiture ?
On a déjà eu du mal à s’harmoniser sur les prises, alors les batteries vu tout ce qui est en jeu… 😅
Celà dit ce serait bien de prévoir ce processus de manière assez simple dans le cycle de vie de la voiture !
Emmenez-nous cela au Québec, nous allons tester cela cette technologie! Bouette, gadoue, neige dure, neige molle, sel de déglaçage, pluie verglaçante -30, variation de 30 degrés en un jour (10 à -20), gel, glace, roche … Pas sur que ça soit durable. 🤔🤣
Merci pour ce reportage Super ! C’est l’avenir, si en Europe on standardise les batteries et tous types de véhicules cela peut se généraliser et éviter les pertes de temps de la recharge pour les longs trajets notamment en période de pointe (grands départs de congés…). Cela permettrait aussi de diminuer le poids des batteries car c’est moins pénalisant de swapper souvent.
430 km avec la batterie 100 kWh ???
Y a que moi que ça choque ?
C’est à cause de la température ?
Le seul intérêt que je vois à ce système en dehors de l’usage de Nio, c’est pas d’en changer 6 fois par mois, mais plutôt de reprendre l’idée pour changer de capacité de batterie pour gagner en autonomie sans avoir à racheter ou louer une voiture neuve. Il y a déjà des mises à jour OTA des logiciels, pourquoi pas des mises à jour physiques de batterie, voire aussi changer en même temps la capacité du chargeur embarqué etc ? L’idée serait d’avoir un VE comme un ordinateur portable évolutif.
i’idée a toujours été bonne la preuve ça revient. mais à l’usage je demande à voir car techniquement ça me semble lourd (on a déjà du mal placer et entretenir des bornes classiques). de plus vu le prix proposé c’est plus pour des professionnels ou des très gros rouleurs.
Pour les véhicules léger location piège à pognon. De toutes façon avec le coup de recharge à domicile il est impossible de charger moins cher ce qui représente la quasi totalité des trajets. Pourquoi faire compliquer on a déjà du mal à armoniser la prise de charge..pour les véhicules lourds la il y a vraiment un marché mais les constructeurs ne semblent pas intéressé.
Je pose juste une question. Que deviendront toutes ses stations dans 7/8 ans quand les batteries solides seront courantes et pourront se charger entre 5 et 15 mn ?
Toujours pas convaincu par ce concept.
A l’heure où certains véhicules, dont le mien, chargent en 15 à 20 min, je ne vois pas l’intérêt d’une usine à gaz pareille pour gagner 30 min sur un trajet de 800 km. Je préfère largement utiliser ces 30 min pour me détendre, prendre un café…et arriver plus reposé à destination. Pour ma part, je laisse la course à l’échalote aux autres.
L’échange de batterie a peut être un intérêt pour les taxis, et encore…
Enfin, dans le contexte actuel, quand je peux éviter d’acheter 100% chinois, je le fais.
Donc Nio et son système, très peu pour moi…
A mon avis, si échange de batterie, location obligatoire. Dans ce cas, cout d’achat plus faible, mais généralement, cout de la location plus élevé surtout dans une optique achat pour 15 ans. Faut aussi des batteries et systèmes de fixation standards, sans quoi il y aura 50 systèmes d’échanges pour les 50 constructeurs… :( Le seul point positif que je vois à ce système, outre un gain de temps sur les échanges vs charge rapide, c’est la possibilité de recharger toutes ces batteries échangées en charge lente / moyenne. Ca limite l’usure des batteries et la demande au réseau électrique, surtout si le stock est suffisant.
Question : le swap est-il accessible uniquement quand on est en location de batterie ?
Dans le cas contraire, qu’advient-il de « sa » batterie (pour laquelle on a une garantie), peut-on la récupérer ultérieurement ?
Tiens, le retour de la locbat tant décriée par certains ! Usine à gaz pour les gens pressés…
A voir. Le Niro est un SUV géant dont le systeme de batterie est plutot pénalisant sur l’espace interieur restant dans le vehicule ( pas mieux qu’une TMY largement moins grande) . Ben oui faut prévoir un pack batterie facile à démonter et donc moins optimisé en terme d’espace et de masse.
D’ou la question …sur une voiture européenne pas géante ca donne quoi ? Pas étonnant que l’essai se fasse en Norvège du coup puisque c’est le pays européen avec le parc de véhicules les plus grands et cher . Sur une Fiat 500 je suis curieux de voir le concept de batterie « standard ».
Beaucoup plus abouti que les solutions précédentes, le dispositif proposé est très séduisant en l’état.
De plus étant sur une station de recharge, il n’y a pas à craindre de pénurie de batterie, au pire on passe un peu plus de temps. Deux aspects à approfondir :
La tenue structurelle dans le temps, bien que cela semble très sérieusement fixé.
La question de la soupe, Nio fait-il un avoir sur les kWh restan dans les batteries remplacées ?
L’échange de batterie est clairement l’avenir du VE.
Y’a plus qu’à définir le standard !!!
Plus besoin de batterie de 100 kWh ou plus. 60 kWh seront largement suffisant pour voyager. Et largement suffisant pour un usage quotidien.
Ça va vite très vite l’évolution des VE les constructeurs vont dans le bon sens maintenant !
J’imagine le nombre de stations-service d’échange de batterie les jours de grands départs… surtout si chaque marque s’y met !
L’ES8 est une voiture sorti en 2018, elle a 4 ans donc et est plutôt en fin de vie commercial avant d’être renouvellé…
C’est dire à quel point, certains constructeurs thermique sont à la traine.
Je trouve ça incroyable et c’est tellement rentable les 200€ par mois sont rentabilisé tellement vite et la non prise de tete wow…. Pkoi je ne suis pas Norvégiens bordel !