La ChaineEV Cap Nord

En Tesla Model 3, Guillaume et Romain avaient rejoint le cap Nord en Norvège depuis le cap Saint-Vincent au Portugal en précisément 70 heures et 49 minutes. L’équipe de la Chaîne EV, composée de Jean-Christophe, Alexandre et Charles, n’ont eu besoin que de 63 heures et 35 minutes. Avec leur Hyundai Ioniq 6, ils sont donc les nouveaux détenteurs du record pour parcourir cette distance en voiture électrique.

Petit changement de dénomination

En référence à l’EV Cannonball Challenge disputé en traversant les Etats-Unis d’est en ouest, plus précisément de Red Ball Garage à New York jusqu’à l’hôtel Portofino de Redondo Beach près de Los Angeles, Guillaume et Romain avait nommé Européen Electric Cannonball leur parcours. La Chaîne EV a renommé l’épreuve « Electric Véhicle Trans-European ».

Il y a une bonne raison à cela, comme nous l’a expliqué Jean-Christophe : « Nous, le côté Cannonball avec ses excès de vitesse, ça ne nous intéresse pas ». Comme Guillaume et Romain qui nous avaient fait la même remarque l’année dernière, ils ont scrupuleusement respecté les limitations propres à chaque pays traversé. La sécurité avant tout : « Il sera difficile de faire beaucoup mieux que nous. Nous pensons avoir atteint les limites de la sécurité ».

Etre à quatre dans le véhicule ne serait pas une solution : « Ca réduirait trop l’espace à bord ». Au volant d’un modèle thermique, ce ne serait pas forcément beaucoup mieux : « Il faudrait alors provoquer des changements de conducteur en dehors des arrêts pour le ravitaillement en énergie du véhicule. Les temps de pause seraient en outre trop faibles pour parvenir à destination en toute sécurité ».

5 665 contre 5 887 km

Avant le départ de la berline coréenne qui a eu lieu vendredi 15 septembre 2023 à 18 h 00, nous avions déjà donné la parole à Jean-Christophe, fondateur avec Alexandre de la Chaîne EV sur Youtube. Pour rappel, le troisième copilote, c’est Charles, le créateur du site Weelyke qui permet de vendre ou trouver une voiture électrique.

Pour rejoindre leur destination le lundi suivant vers 9 h 30 du matin, l’équipe a mis les roues dans neuf pays, depuis le Portugal jusqu’à la Norvège, en passant par l’Espagne, la France, la Belgique, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande. Au Total, la Hyundai Ioniq 6 a avalé 5 665 kilomètres. C’est 222 km de moins que le parcours effectué il y a deux ans par Romain et Guillaume.

Ce dernier, que nous avons joint également, explique : « Nous avions dû effectuer nombre de détours et quitter l’autoroute pour rejoindre les superchargeurs Tesla. L’équipe de la Chaîne EV n’a pas eu à le faire et a pu suivre davantage les voies rapides en traçant plus droit. Ils ont ainsi gagné deux heures de cette façon je pense, puis environ 4 heures sur les arrêts recharge. Pas loin d’une heure a été gagné aussi parce qu’ils ont respecté les limitations de vitesse en se basant sur la localisation GPS ; nous, nous avions choisi de suivre l’indication de la Tesla Model 3 ».

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Des scénarios de recharge très différents

Il y a deux ans, Romain et Guillaume avaient dû s’arrêter 31 fois, dont 16 sur des superchargeurs en V2 qui ont limité la puissance de recharge à 150 kW : « Les 150 kW, c’est ce que la Hyundai Ioniq 6 accepte encore à un niveau de 80 % d’énergie dans sa batterie. La puissance peut grimper à plus de 230 kW sur cette voiture, d’où des arrêts potentiellement moins longs. Nous, avec la Model 3, nous nous arrêtions en frisant la panne sèche et débranchions assez tôt, dès que la puissance de recharge déclinait de façon trop importante ».

Pour la Chaîne EV, Alexandre compare : « Nous ne sommes jamais arrivés à une borne en dessous de 15 %. En général, nous étions entre 20 et 30 %. D’ailleurs notre moyenne de niveau de batterie pour nos arrêts est de 26 %, pour 15 minutes et 30 secondes. La plus petite recharge n’a duré que 7 minutes, contre 25 pour la plus longue ».

L’équipe de la Chaîne EV tient à souligner : « En comptant en plus le trajet retour en dehors du challenge, nous avons effectué 40 recharges qui ont quasiment toutes bien fonctionné. Avec les bornes exotiques, les badges ne sont toutefois pas toujours reconnus. Il faut alors utiliser le smartphone ».

Soucis mineurs

Alexandre détaille les quelques problèmes rencontrés : « Nous avons connu un gros moment de stress à la deuxième recharge. Il y avait du grillage autour des bornes. On a d’abord cru qu’elles ne fonctionnaient pas. Il a été cependant possible d’y accéder par derrière ».

Ce n’est pas tout : « Dans les stations Ionity, nous sommes tombés sur du matériel en panne ou qui ne donnait pas la puissance voulue. Dans ce cas, nous sommes allés nous brancher sur une autre borne à côté. Toujours auprès de la même enseigne, en Belgique, nous avons dû attendre car le réseau électrique n’arrivait pas à suivre avec les Porsche Taycan, Kia EV6 et BMW i4 déjà en charge ».

L’équipage de l’Electric Véhicle Trans-European avait fait le choix de ne pas passer par les stations Tesla. Ce que confirme Jean-Christophe : « Nous avions sélectionné dans le planificateur les réseaux Ionity, Allego, Fastned et Shell. On a aussi essayé les stations Circle K et OK Q8 ».

Les meilleures stations seraient-elles en France ?

« Nous nous sommes élancés avec ce que nous connaissions des stations de recharge en France. Ce qui nous a valu de vivre une première nuit à jeun, car nous n’avons pas pu acheter à boire ou à manger sur trois arrêts recharge à la suite. On se plaint souvent de notre réseau en France, mais dans d’autres pays c’est parfois très difficile pour trouver des WC ou de quoi se restaurer. Certaines stations n’ont que deux bornes avec aucun commerce à proximité. Toutefois en Suède, ça allait », témoigne Charles.

Cette appréciation positive est aussi valable pour le réseau routier, selon les trois copilotes : « En France, les routes sont souvent plus larges, avec une bonne signalisation. On se sent en sécurité. Au Portugal, en revanche, c’est catastrophique, avec une succession de changements de limitation qui font qu’on finit par ne plus savoir jusqu’à quelle vitesse on peut rouler. En Norvège, nous sommes tombés sur des routes très bosselées ; en Allemagne, on a eu des tronçons avec plein de ronds-points à la suite : pas vraiment idéal pour dormir ».

17,9 kWh/100 km

Alexandre se souvient que tout au nord du parcours, il leur a fallu rouler moins vite : « Il y avait des rennes qui traversaient la route. Nous avons dû réduire la vitesse de 100 à 80 km/h. Par sécurité, nous avons même suivi les voitures qui avaient un meilleur éclairage que nous. Là-bas, même la mamy du coin a une voiture aussi équipée en gros spots que Sébastien Loeb pour les rallyes ».

Le reste du temps, les conducteurs successifs n’ont pas fait dans l’éco-conduite. Jean-Christophe aligne quelques chiffres : « Sur les autoroutes ibériques, nous étions à 120 km/h, 130 en France, et souvent entre 150 et 192 km/h en Allemagne. Ailleurs, c’était entre 80 et 100 km/h. Nous avions sélectionné le mode Normal. Dès que la limitation de vitesse augmentait, nous accélérions de suite pour l’atteindre au plus vite ».

Jusqu’à 30° C au Portugal et -1° C en Finlande, mais toujours 23° C à bord : « Nous n’avons pas cherché à économiser l’énergie en roulant. Nous avons utilisé le chauffage comme la clim, et exploité pour les batteries des GoPro et des ordinateurs portables la prise V2L sous la banquette. Alors que la voiture n’était pas équipée de pompe à chaleur, que nous étions trois et avec le coffre plein, la consommation moyenne n’a pas dépassé 17,9 kWh/100 km. Sur certains tronçons, nous étions dans les 14 kWh/100 km ».

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Le bon choix de voiture ?

L’équipe de la Chaîne EV a reçu de Hyundai la version propulsion de base de la Ioniq 6, avec la grosse batterie de 77 kWh, et la monte d’origine 18 pouces en pneus été Hankook. Alexandre explique : « Au départ, nous devions avoir ce modèle en finition haut de gamme, donc avec la pompe à chaleur. Mais l’exemplaire attribué a été endommagé une quinzaine de jours avant notre départ. Finalement, ce n’est pas plus mal, car ça prouve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir la version la plus élevée pour battre des records tout en affichant une consommation moyenne pas délirante. Et ce, sans surgonfler les pneus ».

Un point que Charles veut mettre en avant, c’est la bonne tenue du véhicule : « Quand elle ne roulait pas, la Ioniq 6 se prenait 230 kW de puissance de recharge dans la tête. Mais elle n’a jamais bronché, restant toujours au top ».

Ce qui fait dire à Guillaume : « Quand nous avons ouvert la route il y a deux ans, la Tesla Model 3 Long Range que nous avions était imbattable. On voit les progrès qui ont été réalisés depuis. Je ne sais pas aujourd’hui quel autre modèle que la Hyundai Ioniq 6 pourrait battre le nouveau record ». Le constructeur coréen s’en rend-il seulement compte ?

La vie à bord

Charles, Alexandre et Jean-Christophe se sont passé le volant, sans perte de temps, en profitant des arrêts pour la recharge de la batterie. La voiture n’a pas été immobilisée en dehors de ces pauses incontournables. Ceux qui ne conduisaient pas essayaient de trouver du repos pendant que le véhicule roulait.

Alexandre rapporte : « Nous nous assoupissions pas plus de 30 à 60 minutes. Au départ, nous pensions que la meilleure place pour récupérer, c’était à l’arrière. Mais non, c’est à l’avant, à la place du passager. C’est pourquoi la personne qui venait de conduire commençait à récupérer en s’installant à l’arrière, puis en s’asseyant à l’avant au nouveau changement de conducteur. Il pouvait récupérer le mieux avant que ce soit son tour de reprendre le volant ».

A partir du cercle polaire, les choses ont un peu changé : « Il nous restait encore 1 200 km à parcourir, ce qui représente la traversée de la France. Nous étions HS, mais l’adrénaline nous tenait debout, impossible de dormir ».

Dédicaces

Soudain, dans la conversation, le ton de Jean-Christophe se fait plus grave : « Nous nous sommes lancés dans cette aventure en pensant à tous ceux qui se sentent abîmés par les fake news concernant les véhicules électriques, et en particulier par le reportage réalisé par France Télévisions avec un modèle de Renault Zoé dont les capacités de recharge n’étaient pas adaptées aux longs déplacements. Notre expérience se veut être comme un porte-drapeau que chacun pourra exploiter pour répondre à ceux qui diffusent de fausses informations sur les VE ».

L’Electric Véhicle Trans-European a été particulièrement suivi par les sympathisants des trois hommes : « Nous avons enregistré des audiences de 400 personnes en simultanée et même au-delà. L’une d’elles nous a indiqué se rendre à son bureau un peu plus tard le lundi 18 septembre afin de pouvoir assister en direct à notre arrivée à destination. On nous donnait même la météo et avons suivi un conseil au retour qui nous a permis d’échapper à 40 cm de neige au cœur de la Norvège. Nous avons au final évité de peu les routes glissantes ».

Pendant le périple, Jean-Christophe, Charles et Alexandre ont été actifs sur le Net : « Nous avons posté pas mal de stories sur Insta et Polarsteps. Des sympathisants sont venus nous rejoindre lors des recharges en France et en Belgique, en nous amenant de bonnes choses à grignoter, et même du Champagne. Quand nous sommes passés par Bordeaux, Guillaume nous a rejoints pour un petit bout de chemin, histoire pour lui de revivre l’événement. Nous avons vraiment apprécié tout ça ».

Empreinte carbone

L’équipe a estimé l’empreinte carbone de son aventure : « Pour les 23 recharges et le mégawatt qu’elles nous ont fourni au total, nous avons calculé 100 kg de CO2, dont 40 rien que pour notre passage en Allemagne. Au final, c’est l’équivalent du CO2 libéré par 40 litres d’essence, pour pas loin de 6 000 km. Ce serait beaucoup moins encore en ne passant pas par l’Allemagne ».

Charles va plus loin : « Si notre périple a décidé seulement une seule personne à passer à l’électrique, ça amortira totalement le CO2 émis indirectement à l’utilisation de la Hyundai Ioniq 6 ».

Et si c’était à refaire ?

Avec l’expérience qu’ils ont acquise lors de leur périple, que pourraient bien vouloir changer les trois hommes ? Pour Jean-Christophe, c’est la période dans l’année : « Nous partirions plutôt en mai ou en juin pour profiter du soleil de minuit au nord du parcours. Nous roulerions ainsi beaucoup moins la nuit ».

Alexandre s’équiperait mieux : « J’emporterais des produits alimentaires de base, comme des fruits frais et secs, et de l’eau. Je prendrais aussi un plaid et un meilleur oreiller. Partir en juin, oui, c’est mieux, et prévoir un éclairage additionnel efficace pour le véhicule ».

Charles, lui, se voudrait plus audacieux aux bornes : « Maintenant qu’on sait comment ça se passe, je pense qu’on pourrait se contenter de 19 ou 20 recharges. Ca nous mettrait en danger si on tombait sur une station indisponible, mais ça pourrait nous faire gagner du temps, environ une heure potentiellement ».

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Ensuite ?

Guillaume est lui aussi heureux du dénouement : « En 2021, Romain et moi avons montré que d’effectuer un tel parcours, c’est possible. Deux ans plus tard, l’équipe de la Chaîne EV a montré que c’est facile. Nous les remercions de faire vivre l’événement et d’avoir conservé l’état d’esprit de rouler aux vitesses légales. Nous espérons que d’autres vont suivre ».

L’équipe de l’Electric Véhicle Trans-European le souhaite également : « Pendant le parcours, quelques-uns de nos abonnés nous ont dit vouloir le faire, certains abandonnant l’idée en découvrant comment ça reste éprouvant. Ceux qui veulent s’y mettre peuvent nous contacter : nous les aiderons avec plaisir en essayant de leur donner d’aussi bons conseils que ceux de Romain et Guillaume ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Guillaume, Alexandre, Jean-Christophe et Charles pour leurs témoignages.

Des liens pour aller plus loin

L’Electric Véhicle Trans-European sur Polarsteps
Site de LaChaineEV et son compte Instagram
Site de Weelyke  et son compte Instagram