Gérard Feldzer avec Buzz Aldrin dans un tricycle Messerschmitt converti à l'électrique

Gérard Feldzer (à l’avant) avec l’astronaute Buzz Aldrin dans un tricycle Messerschmitt converti à l’électrique

Parmi les nombreuses casquettes que porte Gérard Feldzer, selon les circonstances, il y a celle de président fondateur de Carwatt, une entreprise spécialisée dans la conversion électrique de véhicules thermiques.

Ingénieur, pilote d’avions de ligne, instructeur de vol, chroniqueur sur France Info, consultant aéronautique et transports pour BFM TV, directeur du musée de l’Air et de l’Espace au Bourget, conseiller régional d’Île-de-France sur la liste Europe Ecologie, médiateur dans l’épineux dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, président ou vice-président de plusieurs d’association, parrain pour diverses causes, etc. : Gérard Feldzer est, ou a été tout cela.

Et cette liste est bien loin d’être complète. C’est simple, une série d’une dizaine d’articles ne suffirait sans doute pas à faire le tour de la vie très dense et de la multitude d’engagements pris par notre interlocuteur.

Pour en savoir plus sur lui, il y a cette entrée Wikipédia qui lui est consacrée. Aussi et surtout, son « Journal d’un pilote aventurier », un livre de 286 pages intitulé « Si tu peux… vas-y ! », édité par XO en 2016.

Naissance de Carwatt

« La naissance de Carwatt trouve son origine dans une interview que j’ai réalisée dans la cadre de ma chronique “Transportez-moi” sur France Info, remplacée depuis par mon billet sciences du week-end. J’interrogeais une personne de Renault au moment du lancement de la Zoé, au sujet de l’avenir des batteries dégradées. “Moi je vous les reprends”, lui ai-je dit », lance Gérard Feldzer.

« À l’époque, j’étais conseiller régional d’Île-de-France sur la liste Europe Ecologie. J’ai interpellé l’adjoint au maire de Paris, en charge des transports : “Tu as un parc de 400 véhicules diesel. Il faut que tu montres l’exemple”. Voilà comment nous en sommes arrivés à réaliser une première conversion, sur un Renault Master qui a reçu un pack de Zoé », poursuit-il.

Problème d’homologation

« Nous avons immédiatement été confrontés à un problème d’homologation. La loi exigeait alors l’accord du constructeur d’origine. Renault n’avait aucunement envie de se tirer une balle dans le pied en autorisant une telle conversion, alors qu’il se mettait à vendre des véhicules électriques neufs. Nous avons pris 2 ans de retard avec ça », témoigne notre interlocuteur.

« J’ai eu envie de faire bouger les choses à ce sujet. Arnaud Pigounides [NDLR Fondateur de la société de rétrofit Retrofuture] avait la même idée. “Faisons ensemble”, lui ai-je proposé. Nous avons ainsi décidé de créer L’AIRe [NDLR L’association des Acteurs de l’Industrie du Rétrofit électrique dont Gérard Feldzer et Arnaud Pigounides partagent la présidence] », explique-t-il.

« La conversion électrique de véhicules thermiques est désormais autorisée, depuis avril 2020. Mais obtenir l’homologation est toujours aussi compliqué. Et plus encore avec les architectures hydrogène. Nous sommes un peu tous à regarder dans cette direction. Celui qui arrivera à aller jusqu’au bout ouvrira cette voie aux autres », estime le fondateur de Carwatt.

Gérard Feldzer en pilote de ligne

Tout ce qui roule, flotte et vole

« Au sein de Carwatt, nous avons l’ambition de parvenir à convertir un peu tout ce qui roule, flotte et vole à l’électrique. En particulier les machines lourdes. La crise sanitaire de la Covid-19 nous prive actuellement de nos 2 principaux débouchés : le tourisme et l’aéroportuaire », déplore Gérard Feldzer.

« Autour des avions, il y a pas mal de possibilités. Ainsi les loadeurs, les passerelles d’embarquement des passagers, les tapis pour le chargement des bagages. Nous avons fourni 20 exemplaires de ces derniers à Air France, et nous souhaitons étendre cette offre à l’étranger. Heureusement, le courant est bien passé avec TLD, le spécialiste du matériel aéroportuaire », révèle-t-il.

« Quand j’étais pilote de ligne, j’avais noté une consommation de 500 à 1 000 litres de kérosène rien que pour faire avancer un Airbus A330 ou A340 jusqu’à son point de départ pour lancer le décollage. À l’échelle de l’aéroport de Roissy, ça représente à l’année 300 000 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles des voitures sur le périphérique parisien. Alors que l’usage de trackers électriques permettrait d’éviter ces rejets », estime-t-il.

Des avions hybrides

« Boeing et Airbus ont annoncé pour 2035 des avions 70 places courts et moyens courriers à hydrogène. Pour cette échéance, je pense plutôt qu’on en sera à des technologies intermédiaires, des modèles hybrides, un peu comme le chemin pris par les voitures », envisage Gérard Feldzer.

« Il est possible de réaliser du carburant synthétique pour les avions, en piégeant le CO2 émis par des usines qui serait mélangé à de l’hydrogène vert. On obtient ainsi un produit neutre, mais qui revient 4 à 5 fois plus cher que le kérosène classique. L’équilibre pourrait être atteint si les prix du pétrole remontaient. Il faut de toute façon s’attendre à ce que le carburant des avions soit lourdement taxé à l’avenir », prévoit-il.

« Un avion ne fonctionnant qu’avec de l’hydrogène, c’est compliqué. À l’état liquide, la conservation du produit se fait à une température de l’ordre de -250 °C. S’il est gazeux, il faudrait des avions gigantesques du fait de la taille des réservoirs », souligne-t-il.

Gérard Feldzer dans un planeur

Place de l’hydrogène dans la mobilité

« L’hydrogène vert a de l’avenir dans la mobilité. Ainsi pour les tracteurs agricoles qui pourraient être alimentés en exploitant la richesse de la biomasse. Je crois beaucoup à l’utilisation de l’hydrogène vert pour le transport maritime et fluvial », indique Gérard Feldzer.

Que penser du discours ambiant selon lequel l’usage de l’hydrogène vert dans la mobilité n’est pas une solution d’avenir du fait des pertes énergétiques pour le produire puis l’utiliser ? « Faut-il s’inquiéter de la rentabilité d’une énergie qui est gratuite ? Moi, je ne pense pas. Bien sûr, il y a des investissements à réaliser au départ et la fabrication du matériel coûte de l’argent. Mais à l’usage, on y gagne 3 ou 4 fois », chiffre-t-il.

Carwatt et le rétrofit à l’international

« Au sein de Carwatt, nous travaillons avec Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du monde, notamment à travers ses tour-opérateurs comme Terre d’aventures. Pour l’Afrique, nous avons converti à l’électrique 10 4×4 Toyota Land Cruiser. Nous avons aussi réalisé un bateau pour des croisières sur le Nil, en Égypte. Des centrales solaires ont été installées aux escales, à la fois pour recharger les batteries du bateau et alimenter le village à proximité », illustre Gérard Feldzer.

« Concernant la conversion de véhicules en Tanzanie, une société a été fondée sur place pour effectuer les montages avec les kits que nous expédions. À la clé : la création d’emplois et de richesse localement », met-il en avant.

« Carwatt compte dans l’Hexagone une douzaine de membres dans son personnel, dont des ingénieurs de haut niveau spécialisés dans l’électronique et la mobilité électrique. Grâce à ce costaud bureau d’études idéalement composé pour faire de l’ingénierie, nous avons des projets à la Réunion, en Guadeloupe, au Vietnam, en Turquie. Et nous pouvons au besoin nous allier à des industriels », détaille-t-il.

« Le rétrofit est économique sur les véhicules lourds. Une benne à ordures ménagères électrique neuve coûte entre 450 000 et 600 000 euros. Nous pouvons convertir du matériel existant pour 220 000 euros, ce qui est 2 à 3 fois moins cher », compare-t-il.

Compensation carbone

Président de l’association Aviation sans frontières qui permet de transporter du personnel humanitaire, d’acheminer des produits de première nécessité et d’effectuer des évacuations sanitaires d’urgence, Gérard Feldzer est aussi le parrain du raid Latécoère-Aéropostale qui célèbre les pionniers de la distribution à longue distance du courrier. Et ce, en incluant souvent différentes missions sur le terrain. « J’avais mis une condition à ce parrainage : la compensation carbone des activités. En passant par l’association A tree for you dont je suis vice-président fondateur », commente Gérard Feldzer.

« Cette association permet de planter des arbres pour absorber le carbone émis lors de voyages aériens par exemple. Il est déjà possible de le faire en cochant une case au moment de réserver un billet d’avion. Une heure de vol, c’est 90 kg de CO2 par personne. Un arbre en absorbe 30 kg par an. Avec trois, l’impact carbone d’un tel déplacement serait annulé en 12 mois », développe-t-il.

« A tree for you favorise l’agroforesterie en aidant des paysans [NDLR Ainsi au Cambodge et au Togo, par exemple]. L’action de l’association crée du social, et, ici aussi, de l’emploi et de la richesse au niveau local », insiste-t-il.

Raids

En septembre prochain, le raid Latécoère-Aéropostale devrait rejoindre le Maroc et retrouver les participants de la Green Expedition qui célèbrent également cette année des pilotes comme Antoine de Saint-Exupéry, Henri Guillaumet, Didier Daurat et Jean Mermoz. Des interventions communes sont prévues dans des écoles.

Que pensez-vous de l’idée d’un véhicule rétrofité dans le raid terrestre organisé par Atypik Travel Organisation ? « Oui, pourquoi pas. Il faudrait un véhicule capable d’effectuer 400 à 500 km sur une recharge. Ce qui nécessiterait un budget de l’ordre de 35 000-40 000 euros. Si un sponsor voulait le prendre en charge, nous pourrions préparer le véhicule en moins de 2 mois », répond celui qui, à travers ses actions, souhaite mêler écologie et bien être.

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Gérard Feldzer pour sa réactivité et sa disponibilité. Ainsi qu’Alain Rolland, fondateur du réseau de recharge Stations-e, qui nous a facilité la mise en contact avec le dirigeant de Carwatt.