Pour se plaindre des Zones à Faibles Emissions, les Français ne seront jamais à une exagération près.

Le traitement d’un sujet agace particulièrement le râleur en chef en ce moment, les ZFE. Médias nationaux et régionaux les mettent régulièrement à la Une. Du pain béni, car les zones à faibles émissions aimantent les « pas contents », évidemment nombreux.

Les Sénateurs, qui aiment se pencher sur les actualités automobiles car elles sont très pratiques pour se rapprocher du peuple depuis les dorures du Palais du Luxembourg (on se souvient de leur croisade contre les 80 km/h), s’étaient lancés au printemps dernier dans une mission sur les ZFE. Avec un résultat sans appel, il y avait 86 % d’opinions défavorables chez les particuliers. Mais leur sondage était ouvert à qui voulait y répondre, forcément, les opposants se sont davantage manifestés.

Reste qu’avec une étude plus représentative, dévoilée aussi au printemps, on a quand même 49 % de réfractaires. Ce que le râleur a retenu dans cette même étude (CSA), c’est plutôt la méconnaissance du sujet. Seulement un sondé sur deux donnait la bonne définition des ZFE. Dans une autre enquête révélée cette semaine, l’observatoire Cetelem, (décidément, les ZFE inspirent aussi les instituts de sondage), on peut lire que 77 % des Français connaissent l’existence des ZFE, mais seulement 48 % savent précisément ce dont il s’agit. 30 % pensent d’ailleurs qu’il n’y a pas de ZFE en France, alors que la première a vu le jour en 2015.

Un aspect semble logique : plus on est loin d’une ZFE, moins on s’y connait. Exemple : 60 % des Franciliens donnent la bonne définition. Mais on a toujours 40 % qui ne savent pas trop de quoi il s’agit alors qu’ils sont en plein dedans ou vraiment pas loin. Dans ce genre d’études qui enfoncent souvent des portes ouvertes, on a une explication sans surprise : les sondés se plaignent du manque d’information. Tout juste un Français sur deux se dit « suffisamment » informé sur les nouvelles règlementations du genre des ZFE. A qui la faute ? Le gouvernement ? Les villes ?

Le Jamais Content ne va pas nier un manque de pédagogie du côté des pouvoirs publics sur la mise en place des ZFE. Et peut comprendre ceux qui sont perdus face à un exécutif qui revoie sa position en cours de route et des règles locales qui changent ou sont repoussées après un premier effet d’annonce.

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Il n’y a toutefois pas de remède miracle pour la diffusion de l’information. Admettons qu’un courrier soit personnellement envoyé à tous les Français concernés par les ZFE, combien le lirait comme il faut ? C’est bien connu, nul n’est censé ignorer la loi. Le râleur estime que l’automobiliste a aussi la responsabilité de s’informer. Lui même, s’il entend parler d’un sujet qui peut le concerner, il cherche à s’informer. De nos jours, en quelques clics on a des réponses.

Les commentaires sur le Net donnent quand même l’impression que les Français semblent tout savoir. Sauf peut être quand ça les arrange de ne pas savoir. Car les ZFE, ce sont des contraintes. Et pour ne pas avoir à les respecter, mieux vaut ne pas les connaître non ? « Ah bon, je ne peux plus rouler ici ? Mais personne ne m’a rien dit monsieur l’agent ».

Cette semaine, on apprenait que la mise en place de la première autoroute en flux libre en France connait de bons ratés. Sur l’A79, il n’y a plus d’arrêt au péage. Si on n’a pas de badge, on va payer à une borne sur une aire ou on le fait de chez soi. Au bout d’un an, la société enregistre 180.000 impayés. Dans le lot, combien de conducteurs qui ont volontairement fait l’autruche, en mode « pas vu pas pris », « je ne savais pas, il fallait mieux me l’expliquer hein ».

Ce qui surprend, c’est que même quand c’est à l’avantage des conducteurs, il y a méconnaissance. Dans l’observatoire Cetelem, seulement 66 % des sondés disent savoir s’il y a des aides pour acheter une électrique. Le bonus a plus de 15 ans, la prime à la casse a été relancée sous Macron en 2018… Les Français sont assoiffés d’aides et de primes, mais un tiers ne savent pas qu’il existe des aides pour changer de voiture. Et rebelote, le manque d’informations est pointé du doigt par les sondés !

Un site internet de l’Etat rassemble pourtant l’ensemble des aides possibles avec un tableau complet. Et ceux qui n’ont pas internet, ils vont dans la première concession pour voir ces infos. 

Après, être informé n’empêche pas la mauvaise foi, ingrédient incontournable d’un bon râleur (et on s’y connait donc dans cette chronique). Un exemple parmi tant d’autres avec cet automobiliste cité par le quotidien régional Le Progrès il y a quelques jours. Paul affirme « gagner trop pour profiter des aides, mais n’a pas les moyens de se payer une nouvelle voiture » pour remplacer sa Clio Crit’Air 4. Voilà un curieux paradoxe.

Il est vrai que la prime à la casse et la surprime ZFE ne sont plus accordées à certains. Mais les plus riches, avec un revenu fiscal de référence par part au delà de 22983 €, soit les deux derniers déciles. On n’est plus trop dans la classe moyenne, classe à laquelle Paul se rattache lui-même. Bon, on ne connait pas sa vie, la juger à distance n’est pas une chose sympathique. Mais Paul s’ajoute à de trop nombreux témoignages relayés par les médias, les fameux « mais comment je fais moi », toujours prêts à exagérer leur situation et leur argumentation.

Le râleur d’AP a du mal à croire que tous n’ont pas une solution alternative. Déjà, dans les ZFE, il y a ce qu’il faut en transport en commun. Sinon, tu changes de voiture, tu vas voir, ce n’est pas si compliqué.

Si assurément des ménages modestes sont vraiment dans une situation délicate, et qu’il n’est pas chose aisée pour eux de changer de voiture, il faut rappeler que la prime est accordée pour l’achat d’un modèle Crit’Air 1 d’occasion. Catégorie qui ne sera donc pas exclue de la circulation, sinon cela veut dire qu’on interdit tous les thermiques, et qui intègre les voitures essence lancées à partir de 2011. Donc des occasions jusqu’à 12 ans !

Le râleur sait qu’il ne va pas se faire des amis, mais il ose quand même penser que beaucoup dans cette classe moyenne peuvent trouver une Crit’Air 1 de seconde main qui libère de toutes menaces de restrictions de circulation en ZFE à un budget plus que raisonnable. Encore faut-il se renseigner et la chercher. Mais de nos jours, il est plus facile d’abord se plaindre au premier micro tendu.

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