En lançant dès 2010 la Leaf, Nissan a pris une réelle avance sur le marché de l’électrique. Mais il n’a pas su la faire fructifier.

Il y a quelques jours, Renault a renouvelé son « attachement » aux salons internationaux. Et le râleur en fait de même. Car il aime des choses, par exemple ces rassemblements, où l’on peut en savoir plus sur sa prochaine voiture mais aussi, et surtout, rêver. C’est notamment dans ces rendez-vous que l’on peut approcher des concepts, que l’on surnomme même des engins de salon.

Mais le concept-car a pu être menacé d’extinction, justement parce que les grands salons sont eux-même en voie de disparition. Les marques s’y déplacent de moins en moins, pour des raisons économiques. Il est vrai que monter et tenir un stand coûte une fortune, avec un retour sur investissement inexistant. Le stand théâtral a surtout un rôle d’image.

C’est finalement la même chose avec le concept. C’est un outil de communication, qui engendre une grosse dépense non rentable, si ce n’est là encore en matière d’image. On aurait donc pu craindre que le concept fasse les frais des politiques d’économies de constructeurs asphyxiés par les énormes chèques à signer pour concevoir des voitures électriques.

Il est clair que les concepts sont un peu moins nombreux depuis quelques années. Mais ils font une belle résistance. Et preuve qu’ils restent appréciés des marques, certains sont pensés et présentés sans pour autant être exposés dans la foulée dans un grand show. C’était par exemple le cas du prototype Citroën Oli, dévoilé avant un Mondial de l’Auto où Citroên n’est pas venu.

Ceux qui aiment les concepts seraient donc heureux après une visite du salon de Tokyo, qui vient d’ouvrir ses portes. Jouant à domicile, les marques locales ont multiplié les prototypes. Un véritable feu d’artifice. Jusqu’à l’indigestion en fait.

Toyota est par exemple venu avec cinq études de style. Mais en ne sachant plus où tourner la tête devant ce défilé d’études, le râleur en chef finit par… ne plus la tourner. Ou du moins ouvrir et lire les communiqués de presse qu’on lui envoie. Le trop est l’ennemi du bien, à force de multiplier les prototypes, on ne retient plus grand chose.

A Tokyo, Lexus annonce sa prochaine révolution électrique avec deux concepts, détaillés dans un seul communiqué. Mais à la fin du texte, on les mélange, on ne comprend plus l’intérêt de l’un vis à vis de l’autre. Ajoutez à cela des noms peu glamour difficiles à retenir, les LF-ZC et LF-ZL, et vous obtenez des concepts aussitôt vus, aussitôt oubliés.

Cette surenchère de concepts semble trahir un aveu d’échec face à la voiture électrique, où les japonais ont pris un sacré retard, ayant du mal à être convaincus par cette solution technique. Ils n’ont d’ailleurs pas vraiment l’air convaincu encore, mais les choix politiques dans différentes zones du globe poussent cette motorisation, il faut donc bien s’y mettre. Avec donc pour eux un retard à l’allumage que ces multiples concepts tentent de faire oublier.

Roi de la surenchère, Nissan. Le constructeur a décliné toute une famille de concepts sous le label Hyper, du crossover urbain à la supercar héritière de la GT-R. Avec cinq protos aux silhouettes variées, Nissan dit ainsi avoir « démontré sa capacité à anticiper un large éventail de besoins et de modes de vie futurs de ses clients ».

Elle est où l’anticipation avec cinq concepts loin de la production à une époque où l’on attend une vraie gamme de véhicules de série ? Si encore justement il y avait eu à côté une nouveauté prête à rejoindre les routes. Le patron Makoto Uchida enfonce le clou : « les cinq concept-cars présentés aujourd’hui sont des symboles du futur et incarnent notre esprit fondateur : oser faire ce que les autres ne font pas ». Il est vrai que la concurrence ne fait pas de voiture électrique…

Nissan, c’est quand même le constructeur qui a pensé à la première voiture familiale électrique moderne de grande série, la Leaf. Celle-ci a été dévoilée en 2010. Elle a longtemps été la voiture électrique la plus vendue au monde, avant que Tesla lance la Model 3 à la fin de cette décennie, puis le Model Y.

Le japonais avait une réelle avance, une vraie légitimé sur le marché de l’électrique. Mais il n’a pas su faire fructifier tout cela. La Leaf 2 a juste été un replâtrage de la première, avec très rapidement des caractéristiques techniques indigentes pour le prix. Il a fallu attendre 2022 pour enfin trouver dans les concessions le SUV électrique Ariya. De janvier à septembre, Nissan en a livré en France… 276. Pendant ce temps, Tesla livrait 27.458 Model Y. A bout de souffle, la Leaf a séduit sur la même période 824 acheteurs. Pendant que MG livrait plus de 12.000 d’une MG4 nettement moins onéreuse avec des caractéristiques meilleures.

Cet été, le japonais se félicitait d’avoir atteint le cap du million de ventes sur le marché des électriques. Ce qui est certes une barre dont sont encore loin de nombreux constructeurs généralistes. Mais la concurrence s’est réveillée, pendant que Nissan a l’air de s’être endormi. Le pionnier est maintenant très en retard, plombé par le temps perdu par les querelles internes, les aigreurs vis-à-vis de l’actionnaire Renault. Le premier de l’électrique n’est pas loin d’être devenu bon dernier.

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