Cette semaine, Lancia fait son grand retour. Mais le râleur en chef d’Automobile Propre se demande quel est l’intérêt de relancer un label aussi poussiéreux.

Parmi les sorties ciné cette semaine, un film de bagnoles, que l’on peut même voir dans la capitale, avant qu’une votation ne l’interdise peut-être : “Race for glory – Audi vs Lancia”. Ce long métrage met en scène le duel entre les deux marques en rallye au cours de la saison 1983.

De quoi rappeler de bons souvenirs à plus d’un titre. Aux plus anciens qui ont en mémoire cet « affrontement légendaire » comme c’est écrit sur l’affiche. Plus globalement à ceux qui se souviennent de cette discipline qu’on nommait le rallye. Ah, on me souffle à l’oreille que le WRC existe encore. Première nouvelle.

Bon alors au moins, cela évoquera des souvenirs d’Audi. Comment ça, Audi n’est pas mort ? Mais la marque n’a pas présenté un vrai nouveau modèle plusieurs années. Je croyais les anneaux abandonnés moi. Lancia lui, il est bien mort ? Pas encore ?!

Disparu depuis plusieurs années chez nous, le label survit uniquement en Italie. Son offre se limite à une très vieille Ypsilon, initialement apparue en 2011. Toutefois, même avec un âge canonique, la voiture se vend encore bien chez elle, aidée par des prix serrés. Lancia semblait en revanche condamné une fois ce modèle arrivé en bout de course.

Mais cela, c’était avant la création de Stellantis, la grosse fusion entre FCA (Fiat-Chrysler) et PSA. Ce mariage, officiellement acté début 2021, a donné naissance à un méga-groupe de 14 marques. Pour Carlos Tavares, qui était à la tête de PSA et qui a pris les commandes de Stellantis, chaque logo allait avoir sa chance !

Une décision presque étonnante de la part d’un cost-killer qui, pour battre des records de rentabilité, demande à ses équipes de rationaliser au maximum afin de faire des économies. Avec parfois de sacrés couacs, par exemple une réorganisation de la logistique qui a viré au fiasco et fortement perturbé la livraison des véhicules.

La tentation aurait donc pu être forte de supprimer quelques marques quasi mortes pour faire le ménage face à un trop-plein de labels, comme Chrysler aux USA et Lancia en Europe. C’était cependant impensable pour ne pas avoir une levée de boucliers alors que le mariage suscitait déjà des craintes pour les emplois des deux côtés des Alpes.

Voici donc Lancia relancé. En tant que passionné automobile, je pourrais me réjouir de voir un label historique renaitre, comme ce fut le cas pour Alpine. Mais le côté râleur prend le dessus ici, Lancia non merci, il n’y a pas vraiment de hype.

Si Alpine est mort une première fois en terminant mal avec l’A610, son grand retour s’est fait avec un produit enthousiasmant et convaincant. Là chez Lancia, ce qui se prépare ne me fait guère envie. Car si Lancia a une nouvelle chance, c’est à la sauce Tavares. En clair, il faut vite être rentable, sinon du balai.

Et qui dit rentabilité chez Stellantis, dit économies. Lancia est donc relancé avec un plan modeste, que ce soit dans le réseau ou la gamme. D’ici 2028, trois véhicules seulement sont prévus. Le premier arrive cette année, il s’agit d’une nouvelle génération de l’Ypsilon. Celle-ci sera dévoilée en détails dans quelques jours, peu après la sortie de “Race for Glory” tiens. Hasard ?

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Pour concevoir sa nouvelle Ypsilon, Lancia s’est plié à la nouvelle règle maison : on recarrosse un modèle existant. La voiture est donc une 208 “rhabillée”. Une stratégie déjà employée par Opel pour la Corsa. Mais là, on parle quand même d’une marque qui est officiellement placée dans le pole premium de Stellantis. Si on suit la logique, l’Ypsilon s’annonce donc plus onéreuse qu’une 208 équivalente. Tout cela en apportant quoi ? Un peu de velours sur les portes et une mini-table sur la console centrale habillée de cuir ?

C’est d’ailleurs un des gros soucis de Stellantis. Il y a beaucoup de marques qui visent la même clientèle et qui se gênent déjà entre elles. A cela s’ajoute donc le fait qu’une même base technique, voire une même silhouette, serve à des labels aux positionnement différents.

En gros, tout ce petit monde propose la même voiture, avec juste des looks en partie revus, à des prix variables liés à la valeur du logo. Un Jeep Avenger électrique offre la même chose qu’une Fiat 600e, mais pour quelques milliers d’euros de plus, car Jeep, c’est tendance.

Remarquez, cela existe dans d’autres groupes, par exemple avec Skoda/Volkswagen/Audi. Mais ici quelle est la valeur du logo Lancia ? C’est quand même un nom poussiéreux, une image de chic baroque à l’italienne surannée. La dernière époque glorieuse remonte finalement à très loin, ces fameuses années rallye jusqu’au début des années 1990. Lancia a ensuite décliné puis a été carrément massacré en devant rebadger des Chrysler.

Voici donc qu’il est de retour en se contentant de revoir une 208, un modèle qui sera sa base et sa concurrente la plus gênante. D’autant que Peugeot a de son côté opéré une montée en gamme… quitte à gêner les premium de Stellantis. Clairement, ce qu’est devenu Peugeot est un caillou dans la roue pour DS, dont les ventes peinent à décoller, et qui est finalement un peu notre Lancia. Chez DS, on a les même moteurs et technologies que chez Peugeot, tout semble reposer sur un discours d’artisanat français à coup de “clous de paris” et de “cuir bracelet”. Lancia va surement nous jouer la carte du “Artigiani della qualità”. Et voilà…

On n’oublie pas l’existence côté Italie d’Alfa Romeo, qui peine encore à convaincre. Oh certes, la firme au trèfle met en avant de belles progressions en pourcentage, mais les scores restent toujours bien loin de la concurrence…

A se demander donc s’il fallait vraiment relancer Lancia et ne pas plutôt concentrer les efforts de conquête du premium sur des labels qui sont déjà moribonds.