Le Jamais Content – Alors que le leasing était “social”, notre râleur professionnel s’étonne que les aides aient tant pu profiter à des ménages qui n’en avaient pas besoin.

Ce que j’aime bien avec les aides de l’Etat… c’est qu’elles sont faciles à critiquer. Voilà plein de sujets de chroniques pour le râleur que je suis. Quelques semaines après le flou magistral du bonus écologique cru 2024 (qui n’a donc été éclairci que mi-février, avec moult mauvaises surprises à la clé), c’est le grand n’importe quoi du leasing social qui méritait d’être distingué ici.

Alors je précise d’emblée que je soutenais la mesure, du moins l’idée qui partait d’une bonne intention, celle d’aider les plus modestes à passer à l’électrique, motorisation qui reste hors de portée d’une partie des Français. 

Pour cela, le gouvernement avait prévu de signer de très gros chèques capables de couvrir une bonne partie de la valeur de l’auto et donner ensuite un loyer riquiqui. Car oui, une voiture électrique proposée entre 40 et 150 € par mois, cela était presque donné.

Je tiens à le souligner, car à l’annonce du dispositif, il y a quand même quelques quidams interrogés sur les marchés pour remplir les JT qui trouvaient que c’était encore trop cher. Vous comprenez, 13.000 € d’aides versés sur une seule voiture, ce n’est pas assez. Il faudrait que les voitures soient carrément gratuites !

Mention aussi aux ronchons qui sont venus rappeler qu’avec l’assurance, le coût n’était plus vraiment le même. C’est vrai qu’une voiture thermique, on n’a pas besoin de l’assurer. Même en comptant l’assurance, ce leasing social donnait accès à une voiture électrique à 200 € par mois environ. Mais dans quel monde vit-on pour penser que c’est encore trop cher pour un modèle neuf ? Modèle qui ensuite permet de faire 100 bornes avec 3 € d’électricité contre 10 € d’essence ?

Bref. Si l’idée était bonne, sa mise en oeuvre a pris des airs de grand bazar dont la France administrative a le secret. Un peu balot quand on pense que la mesure a été réfléchie pendant un an et demi. Evoqué dès le printemps 2022 par Emmanuel Macron, le leasing social a été maintes fois reporté, pour enfin être mis en place le 1er janvier 2024.

Avec un succès immédiat. Très vite, le quota envisagé a été explosé. Alors que le gouvernement prévoyait 20 à 25.000 dossiers, il y a eu 80.000 demandes en quelques jours. On est donc entré dans une période incertaine, où le gouvernement et les grandes marques françaises se renvoyaient la balle, le premier pointant du doigt les seconds car ils ne produiraient pas assez, pendant que les seconds ne savaient plus que faire avec les volumes à accepter.

La fin de la récré a donc été sifflée cette semaine. Visiblement, un peu plus de 50.000 dossiers seront financés. Il y aura donc des déçus. Déjà chez les constructeurs qui ont été longs à la détente, tardant à mettre en place leur offre de leasing social, par exemple du côté du groupe Volkswagen. Ce sont toutefois les marques qui ont fini par alerter d’un des effets pervers du système, avec une grande quantité d’autos qui feraient peser un risque financier sur les valeurs de revente d’ici trois ans, lors du retour de location.

Surtout, il y aura des déçus chez les acheteurs. Peuvent-ils être tous vraiment déçus ? Dans le lot des recalés et des retardataires, avaient-ils vraiment tous besoin de cette super-aide ? Car l’exécutif s’est planté dans les règles de ce leasing. Le dispositif a été ouvert à la moitié des ménages, avec un revenu fiscal de référence par part sous 15.400 €, une limite qui semble toutefois s’être heurtée à celle pour profiter du super-bonus (qui était de 14.089 €).

De quoi englober une partie des classes moyennes, une manière peut-être de montrer qu’elles ne sont pas privées de toutes les aides. Mais avec le jeu des parts, en prenant en compte les enfants, des ménages plutôt aisés ont pu rentrer dans les clous. 

Plusieurs retours de vendeurs tendent à confirmer que le système a beaucoup profité à des personnes qui auraient pu s’en sortir sans, du moins avec simplement le bonus, et les dossiers des ménages plus fragiles, par exemple les personnes seules, étaient davantage retoqués. On est donc dans l’esprit inverse de la mesure, avec une curieuse opacité sur l’acceptation des dossiers.

Voilà donc pour moi de l’argent public bien mal utilisé, l’usage de l’enveloppe du leasing aurait dû être cadré pour que ces voitures profitent vraiment aux plus modestes et ne servent pas de deuxième véhicule à un ménage aisé.

Pour les autres, il reste un bonus. Quoique, comme le coût du leasing a sérieusement dérapé, le gouvernement a dû raboter plus que prévu le bonus pour le reste de l’année. Les entreprises ont été particulièrement touchées, sans s’y attendre, alors qu’elles ont toujours besoin de visibilité pour leurs finances. Encore un truc bien ficelé !

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