Le bonus écologique est en train de se transformer en une sacrée usine à gaz, alors qu’il était assez simple à comprendre. Enfin presque, car des règles sont finalement décodées au bout d’un an.

Vite, dépêchez vous, il sera bientôt trop tard ! Avec leurs derniers spots de pub, les constructeurs nous pressent d’acheter une voiture électrique, avant le 15 décembre. Pour être sûr de l’avoir au pied du sapin ? Non, pour profiter des conditions actuelles du bonus avant un durcissement des règles le vendredi 15 décembre.

Premier constat : voilà une curieuse date pour une telle évolution. On avait l’habitude d’un plus symbolique 1er janvier. Cette fois, le bonus changera avant la trêve des confiseurs, période logiquement propice aux congés des vendeurs. Ces derniers auront donc des devoirs de vacances !

Car à trois semaines de l’échéance, on ne sait pas grand chose sur le bonus 2024. Ou presque, car le gouvernement a bien communiqué sur la grande nouveauté, la mise en place d’un nouvel éco-score qui déterminera si oui ou non un modèle électrique a le droit au bonus.

Cet éco-score, qui est en gros un bilan carbone de la production du véhicule, a été évoqué dès le printemps. Mais sa formule n’a été actée que fin septembre. Les constructeurs ont ensuite dû déposer des dossiers à partir de mi-octobre, dossiers réclamant de trouver une foule d’informations sur l’usine, les matériaux utilisés… Et ils connaitront le sort réservé à leurs véhicules… à partir du 15 décembre. Soit le jour J.

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On est donc dans une sacrée période d’incertitude. Si la majorité des constructeurs semble valider l’idée de l’éco-score, car celui-ci vise surtout à mettre des bâtons dans les roues des marques chinoises, beaucoup s’étonnent qu’une telle révolution dans les conditions d’attribution du bonus soit mise en place dans un délai aussi court.

Ce calendrier si serré est d’ailleurs aussi devenu un problème pour le gouvernement. La preuve : peu de temps après la publication de l’arrêté sur l’éco-score, il a allongé les délais d’instruction des dossiers qu’il s’accordait dans le premier arrêté. D’ailleurs, le 15 décembre, on ne connaîtra pas toutes les voitures ayant droit au bonus. Juste celles dont le dossier a pu être étudié à cette date. Le mystère continuera de planer sur certaines autos le temps qu’elles reçoivent enfin le feu vert. 

Autre astuce de l’Etat pour gagner du temps : il impose la dépose d’un premier dossier avec l’utilisation de ses valeurs de référence. Les marques qui pensent être recalées avec ces conditions, mais ont de meilleures valeurs à faire valoir devront utiliser un dossier dérogatoire, avec les justificatifs adéquats, une procédure accessible uniquement après le refus au régime général ! Des modèles pourraient ainsi avoir le bonus après un délai d’instruction très long. Et l’Etat a déjà fait savoir que l’obtention de la prime ne serait pas rétroactif.

Résumons. On a donc un Etat qui s’arrange avec ses propres règles, en les changeant après une première annonce, des règles qui évoluent pour le client après la signature d’un bon de commande (il y a parfois plusieurs mois), d’autres totalement inconnues 20 jours avant leur entrée en vigueur (ce qui clairement impacte le lancement de nouveaux modèles), des voitures avec bonus, puis sans, puis re-avec… Si vous avez commandé la voiture sans bonus, mais qu’elle l’obtient par la suite, tant pis pour vous. Et dans l’autre sens, si vous avez commandé une auto avec bonus avant qu’elle ne le perde, l’auto doit être livrée avant le 15 mars 2024, sinon, le bonus est sucré. Bref, un beau bazar à la française !

Tout cela part de la bonne intention de favoriser le made in France et le made in Europe, mais on entre dans une période archi flou, pour les marques, les vendeurs, et bien sûr les acheteurs. Alors que les volumes de commandes à la baisse depuis quelques mois inquiètent l’industrie, ce n’est pas vraiment une bonne pub faite à la voiture électrique que le gouvernement veut tant favoriser. Le client ne sait plus s’il doit se presser ou attendre.

D’autant qu’en plus de communiquer sur des conditions plus strictes, le gouvernement évoque dans le même temps des aides plus généreuses pour certains. Mais là encore, on ne sait rien. Est-ce que le gouvernement va encore réduire le montant maximal du prix du véhicule ? Va-t-il conditionner l’aide aux revenus ? On sait qu’il doit mieux aider les plus modestes. Mais avec quel montant ? Et les plus riches, vont-ils y perdre ?

L’empressement à mettre en place l’éco-score contraste avec la lenteur du lancement du leasing social, la voiture électrique à 100 € par mois. Promesse d’Emmanuel Macron depuis le printemps 2022, ce leasing ne cesse d’être repoussé. Il a été officiellement promis pour courant novembre, nous sommes le 26 et toujours rien. 

Beau pied de nez à cet énorme retard, MG en a profité pour surfer sur la promesse du chef de l’Etat avec des offres à 99 € par mois dès l’été dernier. Et MG explose tous ses compteurs de ventes avec ses voitures électriques made in China, alors que la marque est clairement la cible du bonus sous éco-score. MG le sait et a fait savoir qu’il ne cherchera même pas à déposer des dossiers, comme c’est perdu d’avance. Il continuera de miser sur des prix agressifs sans bonus, sur lequel l’état ne peut rien faire.

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Au moins, ses vendeurs n’auront pas à bûcher entre deux parts de bûche pour déchiffrer toute cette usine à gaz. On espère que les autres travailleront plus sérieusement qu’ils n’ont pu le faire précédemment.

On a en effet appris récemment qu’une règle du bonus actuel avait été incomprise. La limite de prix fixée à 47.000 € doit se faire sans prendre en compte dans le calcul les options. On peut donc choisir un modèle à prix catalogue ou remisé à 46.900 € et y ajouter des options sans perdre le bonus.

Cette précision a été faite par un décret publié en décembre 2022 ! Mais on ne l’a découverte qu’en novembre 2023. Le râleur en chef entend d’ici les remarques sur les journalistes automobiles qui auraient dû mieux faire leur boulot, éplucher le journal officiel pour mieux informer. Après tout c’est leur travail ! Pas totalement faux… mais c’est encore plus le boulot des constructeurs, qui ont assurément des services juridiques pour cela. Aucun n’a donc compris cette faille, à part… Tesla, au bout de dix mois. 

Le Jamais Content pense alors que certains représentants de marques, notamment françaises, feraient mieux de se concentrer sur le fonctionnement de leur business avant de venir se plaindre dans la presse de l’agressivité tarifaire de Tesla ou MG…