Tesla Roadster 2

Il faut de tout pour faire une gamme, mais une voiture propulsée par des fusées, est-ce bien raisonnable ?

Roadster fusée, Model S Plaid, Model 3 Ludicrous, Cybertruck… La liste des engins à la puissance délirante et au concept parfois un peu fumeux ne cesse de s’allonger chez Tesla. Pour le plus grand plaisir des fanboys qui voient dans chacune de ces annonces une trace du génie de leur gourou, mais au grand dam des tenants de la sobriété, pour qui l’image écolo de Musk appartient depuis longtemps au passé, si tant est qu’elle fut une réalité un jour.

Car au final on en arrive à se demander ce qui anime réellement le patron de Tesla, que l’on a pourtant connu très actif sur l’idée de décarboner les déplacements individuels et sur un narratif affichant très clairement l’ambition de sauver la planète.

Elon Musk, de Henry Ford à Enzo Ferrari très vite

Il semblerait qu’aujourd’hui ces motivations plutôt nobles aient fait place à un discours davantage – voire exclusivement – axé sur la performance et l’esbroufe, alors qu’une partie non négligeable de la potentielle clientèle de Tesla semblerait plutôt réclamer et attendre l’arrivée d’un modèle plus petit, plus économique, visant à répondre aux besoins les plus courants. A savoir une autonomie raisonnable de 300 kilomètres, et un usage principalement fait de petits trajets quotidiens sans forcément se livrer à un concours de dragster à chaque feu vert. Bref la fameuse et tant attendue Tesla Model 2, ou A, ou appelez-la comme vous voulez. Qui ne devrait arriver qu’en 2026, alors que d’ici-là la concurrence aura fourbi ses armes et sorti ses modèles compacts, comme la R5 électrique, la Citroën ëC3 ou encore la Volkswagen ID.All.

Mais non, après la sortie du Cybertruck, qui accélère plus fort qu’une Porsche 911 tout en tractant une remorque avec une Porsche 911 dans une interprétation très personnelle d’Inception, voici venir le Roadster 2, qui devrait abattre le 0 à 100 en moins d’une seconde.

EN MOINS D’UNE P… DE SECONDE ! (désolé, je m’emporte et je deviens grossier)

La question étant alors : mais qu’est-ce qu’on peut bien en avoir à faire ? Ce genre de performance lunaire va intéresser qui à part quelques journalistes qui pousseront de petits cris aigus lors des essais et une poignée de millionnaires qui rangeront l’engin dans leur garage après trois accélérations, et reprendront ensuite leurs habitudes au volant de leur Cadillac Escalade ou de leur Model X pour le quotidien ? Surtout quand on sait que cette accélération démoniaque (rappelons que la meilleure F1 conduite par le meilleur pilote abat le 0-100 en seulement 2 secondes, ce qui est en effet horriblement lent) devrait être rendue possible par des sortes de fusées directement issues d’une autre PME de Musk, SpaceX, même si on n’en sait pas beaucoup plus sur la technologie qui sera employée et si celle-ci utilisera des énergies fossiles, ce qui serait un comble.

Voiture de sport ou centrifugeuse de la NASA ?

Vous me connaissez un peu, je n’ai rien contre la performance. J’ai souvent dit ici qu’elle faisait partie du plaisir automobile, et qu’il serait de bon ton que les constructeurs ne la sacrifient pas pour complaire à certains ultras de l’écologie politique. Mais il y a des limites. Encore faut-il que cette performance ait un certain sens (si cela est possible) et qu’elle soit exploitable. En l’occurrence, celles du futur Roadster n’ont aucun sens, et ne sont pas exploitables sur route ouverte. Sur circuit, peut-être ? Probablement pas plus ni mieux.

Rappelons en outre que le Roadster 2 a été dévoilé en 2017, et que sa sortie était prévue pour 2020. Peut-être que si les équipes de Tesla s’étaient concentrées sur la conception d’une bonne voiture de sport, une GT proposant “seulement” les performances d’une Model S, plus légère, plus maniable, confortable, et dotée de toute la technologie qui caractérise la marque, soit un engin de 500 ou 600 chevaux laissant sur place ses concurrentes thermiques de chez Porsche, Lambo, Ferrari et McLaren, elle serait déjà réalité. Alors que dans l’état actuel de la promesse, même si j’avais 250 000 euros à claquer dans une sportive, les annonces récentes de Tesla sur ce Roadster 2 agiraient plutôt comme un repoussoir. Franchement, qui a envie d’emmener sa compagne ou son compagnon en week-end ou au restaurant à bord d’une centrifugeuse de la NASA ?

Il y a aussi le cas de la Model 3 Ludicrous, qui devrait être la nouvelle déclinaison sportive de la Model 3, remplaçante de la défunte Performance. Il se dit ici et là qu’elle serait encore plus radicale, avec non plus 520, mais carrément 620 chevaux, selon certaines fuites affichant les caractéristiques techniques des moteurs. 620 chevaux sur une berline moyenne, est-ce bien utile quand on sait que la version actuelle fait déjà jeu égal – voire même un peu mieux – avec une Porsche 911/992S, qui est selon le consensus établi la voiture de sport de référence, l’idéale, l’icône absolue, et celle qui fournit le plus de plaisir et de sensations à son volant ? Sans compter le fait que même si la bête reste accessible à l’achat en regard de ses performances (on mise sur 60/65 K€), elle risque de subir une très forte inflation côté assurances et entretien, et donc faire fuir sa clientèle, qui se contentait certainement très bien de la puissance et des performances du modèle actuel.

Et on évitera soigneusement de parler du Cybertruck et de la Model S Plaid, qui ont déjà largement défrayé la chronique, y compris dans ces colonnes.

Alors, sérieusement, Elon, il n’y a rien qui va dans cette surenchère. On t’aime bien et on adore tes voitures, mais redescends un peu, non ?