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Voyage en voiture électrique : pourquoi la recharge en moins de dix minutes ne vous servira à rien ?

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Une recharge rapide en moins de dix minutes a de quoi séduire. Sauf que dans le cadre d’un usage normal, elle ne vous sera d’aucune utilité. Explications.

Le débat sur l’autonomie des voitures électriques est sur toutes les lèvres. Il est vrai que l’autonomie a de l’importance en cela qu’elle conditionne la fréquence des ravitaillements. Mais le temps passé à la borne a autant, sinon davantage, d’importance. Nos différents Supertests pour découvrir laquelle des électriques va le plus vite sur un trajet autoroutier de 500 km en est la preuve : une voiture dotée d’une autonomie moins importante peut finalement aller plus vite si elle dispose d’une bonne courbe de recharge.

La vitesse de recharge rapide est donc au demeurant la clé pour rendre les voyages en voiture électrique moins contraignants. Mais c’est surtout un argument de poids pour convaincre les quelques réfractaires, qui n’ont pour seules références que les quelques minutes nécessaires pour faire un plein de carburant. La recharge rapide est donc devenue le nouveau cheval de bataille des fabricants. L’objectif ? Pouvoir faire le plein en moins de dix ou même de cinq minutes ! Un doux rêve qui anime depuis quelques années déjà d’innombrables constructeurs, startups, et même la NASA.

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En attendant la concrétisation de ces promesses et l’évolution des batteries qui permettront peut-être d’y arriver, rares sont les voitures à faire de la recharge sur autoroute une formalité. Les plus rapides, qui sont bien obligées de sortir tout un arsenal technologique pour y arriver, ne peuvent pas faire le plein habituel (10-80 %) en moins de 15 minutes, à condition que tous les facteurs idéaux soient réunis. Et l’on parle bien ici de temps de recharge, et non pas du pic de puissance annoncé qui ne peut être qu’un écran de fumée pour embellir la fiche technique, ni même d’une vitesse de recharge en km/h qui n’a aucun sens technique (celle-ci étant indexée sur une valeur d’autonomie, variable selon les usages). Mais une recharge plus rapide lors des longs trajets aura-t-elle un intérêt dans l’immédiat ?

Rien ne sert de courir, il faut partir à point

Pour bien comprendre la réflexion, reprenons les choses depuis le début. Pour aller vite en voiture électrique, il ne suffit pas seulement de mettre le régulateur à la limite légale et de compter sur les performances de sa voiture en matière de recharge rapide pour arriver le plus vite possible. Non, en l’état actuel du réseau, la stratégie est bien différente : il faut pouvoir arriver à la station de recharge avec le taux de charge minimal pour profiter de la pleine puissance et ainsi optimiser au mieux le temps de recharge. Là est le véritable secret des voyages rapides. Et toutes les voitures, même si certaines s’en sortent mieux que d’autres, se comportent de la même manière. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, la recharge rapide d’une électrique n’est pas immuable et le temps d’immobilisation dépendra du taux de charge de départ.

Preuve en est avec l’un de nos derniers Supertest (à retrouver à la rentrée), à bord de l’Audi e-Tron GT : alors que la voiture a expédié le 5-80 % en 20 minutes (soit 3,75 %/min) lors d’une session, elle est restée branchée le même temps lors d’un 35-80 % (2,25 %/min). Pire encore, toujours dans des conditions identiques, un 63-80 % d’appoint (qui nous aura ensuite permis notre 5-80 % précédemment cité) a nécessité 17 minutes (1,54 %/min). Débrancher la voiture au bon moment est donc plus qu’une nécessité pour aller plus vite. Ce qui signifie qu’il faut pouvoir anticiper en amont le taux de charge à l’arrivée. En raison de l’espacement des bornes, il n’y a donc pas besoin d’atteindre la sacro-sainte barre des 80 %. Mais en fonction de nombreux facteurs (topographie, vitesse, consommation, météo, …) le calcul peut être complexe. C’est notamment le rôle des planificateurs d’itinéraires, en plus de vous éviter la panne sèche. Avec un peu de pratique cependant, il est possible d’aller très vite.

Des pauses plus longues que la recharge

Et c’est là que le bât blesse : si vous voulez user de cette stratégie qui, avouons-le, n’a de réelle importance que pour un Cannonballer ou un conducteur pour qui chaque minute compte, vous serez bien obligé de faire le piquet à côté de votre voiture. Car le moindre détour vers la boutique, pour quelque raison physiologique que ce soit, réclame plus de temps qu’on ne le pense : la fameuse pause « j’en ai que pour cinq minutes » dans la tête de ceux qui ne l’ont pas chronométré (parce qu’il est totalement saugrenu de le faire en temps normal, on vous l’accorde) réclame en fait plus de temps.

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Et c’est ce dont nous nous sommes rendu compte lors de nos derniers voyages. Après avoir branché notre voiture, nous avons chronométré, en moyenne, deux minutes de marche aller/retour pour rejoindre la boutique (les bornes sont parfois bien éloignées). Un passage aux toilettes, sans entrer dans les détails, pourrait prendre de deux à six minutes de plus. Errer dans les rayons en quête d’un encas et d’une boisson nécessite deux à trois minutes, passage en caisse compris s’il n’y a pas d’attente. Se restaurer sur le pouce demande sept minutes, soit le même temps qu’un café, interminable préparation comprise et sans se brûler les lèvres. Autrement dit, le moindre arrêt peut vous faire passer de 10 à 25 minutes en dehors de votre voiture. Et cela dépendra bien entendu de la distance à marcher, de vos hésitations devant les frigos, de la taille de votre café ou du temps accordé à toutes vos autres occupations. D’après Vinci Autoroutes, le temps moyen d’arrêt sur une aire est même de 30 minutes…

Avec une voiture qui recharge plutôt vite, vous pourriez donc vous retrouver avec plus d’électrons qu’il n’en faut en arrivant devant la prochaine borne, où le ravitaillement sera ainsi plus long que nécessaire. Une double perte de temps donc, qui vous suivra tout au long du trajet. Bien évidemment, on sera d’un commun accord pour dire que ces quelques minutes ne changeront la vie de personne. Mais pour ceux qui trouvent que ces temps sont trop longs par rapport à un plein de carburant pourraient, à tort ou à raison, peu importe, grincer des dents à l’idée de rallonger leur voyage.

Prenez le temps d’aller vite

Dans ces conditions de voyage, on distingue plusieurs cas de figure. Dans le premier, on trouve les conducteurs dont la valeur du temps leur impose d’arriver le plus vite possible à destination, en partant du principe qu’ils disposent d’une vessie en béton et d’un sommeil de qualité pour réduire à néant les arrêts (ce qui ne dure pas indéfiniment hélas). Pour eux, les vitesses de recharge ont une importance particulière, à la condition expresse qui ne mettent pas le pied dans les boutiques des aires de repos comme nous venons de le voir.

Puis il y a les autres, comme vous et moi, qui, pour quelques raisons que ce soit, ne peuvent pas ou ne veulent pas aller aussi vite. Ceux qui font le choix de s’offrir quelques minutes « imposées » par la recharge pour souffler, se dégourdir les jambes, manger un bout, boire un café ou traiter des mails, entre autres occupations autoroutières. Dans ce cas, les recharges trop rapides ne laissent donc pas le temps de profiter d’un moment. C’est ce que nous avons expérimenté lors de notre Supertest de la Hyundai Ioniq 6, où nous avons dû siroter cul-sec notre café (c’est chaud et ça réveille) pour jouer contre la montre dans le cadre de notre essai. Ou à un autre moment avec une Audi e-Tron GT, où nous avons dû interrompre notre repas pour aller la débrancher, la garer en dehors des places dédiées à la recharge, puis revenir finir le casse-croûte. Et ce afin de ne pas sur-charger la voiture (appelons ça comme ça), pour disposer des meilleures performances de recharge ensuite.

Une recharge en moins de 30 minutes est bien suffisante

Bref, le moindre arrêt sur une aire réclame plus de temps que vous ne le pensez. Vouloir disposer d’une recharge encore plus rapide n’a donc aucun intérêt, à moins d’enquiller les kilomètres comme une machine, plusieurs fois dans l’année. Si vous voulez courir après le temps, les recharges trop rapides ne vous laisseront pas de répit, et à contrario vous feront perdre du temps si vous vous éloignez des bornes. Il faudra donc vous restaurer avant ou après le plein de votre voiture électrique, et vous regrettez sans nul doute le fait de ne pas pouvoir mutualiser les deux. Une pratique très courante sur la route des vacances, comme nous avons pu le constater lors de notre passage sur les aires encombrées de l’autoroute A7.

Pour l’heure, les voitures capables d’effectuer le 10-80 % en moins de 20 minutes permettent, au mieux, tout juste le temps de prendre une collation, en partant du principe que les 80 % seraient suffisants pour rejoindre la prochaine borne. Mais très souvent, il n’y a pas besoin de monter aussi haut, ce qui réduit d’autant plus le temps. Notre parcours type de 500 km en est la preuve. Nous avons dû stopper la recharge d’une Hyundai Ioniq 6 à 75 % (soit un total de 17 minutes) pour atteindre la ligne d’arrivée le plus vite possible. Autre exemple avec la MG 4 Luxury, où nous n’avons à aucun moment dépassé la barre des 75 % (voire les 45 % pour notre dernier arrêt) afin d’optimiser au mieux le temps de trajet. Soit à peine le temps de joindre l’utile à l’agréable dans le pire des cas, où nous avons patienté 21 minutes maximum.

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A l’heure actuelle, la très grande majorité des modèles sur le marché réclament une demi-heure pour l’exercice type du 10-80 %. En fonction des besoins en autonomie, cela laisse du temps pour souffler sans avoir le temps de s’ennuyer. Au delà des 35/40 minutes, on pourrait effectivement commencer à regarder les aiguilles tourner. Il faudra donc attendre sans doute le déploiement des stations de recharge de 400 kW tous les 60 km pour aller vite : en cas de « sur-recharge », cela permettrait de mieux gérer l’énergie et de viser une borne avec le minimum de charge restante pour gagner du temps, et ce sans avoir à réduire sa vitesse pour éviter la panne en cas de mauvais calcul. Pour le moment, le maillage du réseau ne permet pas cette souplesse.

Sinon, il faudra patienter encore quelques temps avant de voir arriver les technologies et les bornes permettant de faire le plein en moins de dix minutes dans le plus parfait des cas. Il ne fait aucun doute que cela profitera à certaines professions du transport de marchandises ou de personnes, qui auront besoin d’expédier très rapidement les recharges. Pour les autres, cela ne servirait à rien, et on se rendra compte que cela ne fera généralement pas gagner de temps. Mais cela aura le mérite des rassurer certains automobilistes. Tout comme quand le cerveau, cette incroyable machine, nous demande de trottiner quand on est pressé d’aller à sa voiture, alors qu’on ne gagne au final que d’insignifiantes secondes…

Reste que ces supposées recharges canons se feront avec d’importantes puissances en courant continu. Cela interroge donc sur le taux de perte par dissipation thermique (et donc le coût final), mais aussi sur la longévité des batteries. Surtout si des particuliers nostalgiques de leur diesel en usent plus que de raison. Enfin, reste à connaître le prix à payer pour ces capacités de recharge. Peut-être qu’un jour, date à laquelle cet article sera tombé dans les limbes du Net, les technologies déployées sera abordable. Mais sans doute pas dans un avenir proche. Bref, il est encore trop tôt pour spéculer, et on aura l’occasion de faire le point à ce sujet bien assez tôt… ou tard.

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