Progressivement, les grands groupes pétroliers saisissent la montée en puissance des véhicules électriques et investissent en masse dans les réseaux de recharge. Est-ce un début de reconversion ? Qui s’engage ? On fait le point !
Au plus haut de leur force, les groupes pétroliers ont été parmi ceux enregistrant les plus gros bénéfices financiers de l’histoire. Sur la seule année 2018, Aramco a engrangé 111 milliards de dollars, Shell 21,4 milliards, ExxonMobil 20,8 milliards et Total 13,5 milliards.
Néanmoins, plusieurs crises se sont succédé ces 15 dernières années. La dernière en date : celle de la Covid-19 qui, avec les confinements, a abaissé le baril sous 30 dollars voire à des valeurs parfois négatives. Même si un vaccin venait à calmer la crise sanitaire dans quelques mois, la demande en pétrole pourrait ne plus jamais retrouver les pics précédents. La raison ? La montée en puissance des énergies décarbonées ou vertes et la pression de la neutralité carbone. La solution pour ces groupes qui ont longtemps vécu du précieux or noir ? Investir dans une activité qu’ils ont longtemps dédaignée : l’électricité et la voiture électrique.
Après les rois du pétrole, les rois de l’électricité ?
Le plus actif dans le domaine est certainement Total qui enchaîne les rachats et les prises de contrôle. Dernièrement, le groupe a officialisé deux belles prises : la première à Londres avec l’acquisition du réseau Source London, jusqu’ici opéré par Bolloré, et la seconde à Paris où le pétrolier va reprendre la gestion de l’intégralité des points de charge de la capitale. Aujourd’hui, la compagnie opère 10 000 bornes en France, avec un objectif de 150 000 en Europe en 2025, dont 1 000 rapides. Elle travaille en plus sur des usines de batteries : via Saft avec Tianneng en Chine et avec PSA en Europe.
Le Britannique BP est aussi très dynamique, notamment avec le rachat de l’entreprise britannique Chargemaster en 2018, mais aussi de FreeWire Technology aux USA et de l’Israélien StoreDot. En 2019, le groupe a ainsi pu lancer ses propres bornes. Il s’étend même au domaine du VTC en Chine à travers un partenariat avec Didi Chuxing et en Europe via un accord avec Uber à Londres. Le but du groupe est d’atteindre 70 000 bornes en 2030, un premier pas vers la neutralité carbone d’ici 2050, but commun avec Total.
Autre acteur très impliqué : Shell, qui a absorbé Newmotion en 2017 avec ses 30 000 points de charges et ses 80 000 bornes à domiciles. En plus de ses propres bornes dans ses stations-service outre-Manche et aux États-Unis, la compagnie anglo-néerlandaise a aussi rejoint le consortium Ionity, premier réseau de recharge rapide en Europe.
Une station de recharge Ionity-Shell
Aux États-Unis, deux visions
Outre-Atlantique, Chevron a misé sur les bornes en 2019 en s’associant avec le spécialiste EVgo. À l’opposé, ExxonMobil reste attaché à l’ancien monde. En grande partie en raison de son PDG Darren Woods qui ne voit pas l’intérêt « des voitures électriques finissant par être rechargées par l’énergie venant du charbon ». Ces propos mensongers (40 % de l’électricité mondiale provient du charbon, 23 % aux USA et 0,3 % en France) vont desservir l’entreprise qui subit des revers réguliers en bourse, passant de large n° 1 avec 450 milliards $ en 2014 à moins de 140 milliards, derrière… Chevron.
What’s the point of having “electric vehicles that will end up being charged by power generated from coal” – Exxon $XOM CEO Darren Woods #OGCI2019 pic.twitter.com/AurCok1x9d
— Devika Krishna Kumar (@Devikakrishnak) September 23, 2019
Les énergéticiens aussi dans le vert
Évidemment, les énergéticiens n’ont pas manqué de répliquer aux pétroliers. EDF a lancé tôt sa filiale Sodetrel devenue Izivia, cependant sans grand succès pour le moment avec le réseau Corri-door. Le groupe français a cependant investi dans PODpoint, énorme réseau au Royaume-Uni, et cherche à anticiper la montée en puissance du V2G avec sa filiale Dreev. Son compatriote, Engie, a racheté EVBox, grand opérateur européen. Autre acquisition importante en Europe : celle du Finlandais Fortum prenant la main sur Plugsurfing.
Des panneaux solaires flottants BP au Royaume-Uni
L’électricité verte est aussi un enjeu de taille pour les groupes pétroliers. Saudi Aramco, entreprise étatique d’Arabie Saoudite et la plus rentable au monde, a annoncé le plus grand champ de panneaux solaires de la planète. S’il est encore virtuel, le pays a confirmé 30 milliards de dollars d’investissement et ambitionne 40 GW de solaire et 16 GW d’éolien. Total, qui ne possède que 7 GW de solaire et éolien à l’heure actuelle, vise 35 GW en 2025, dont 15 en Europe. BP compte sur 50 GW en 2030, contre 2,5 GW en 2019, exemple avec un partenariat avec Equinor aux États-Unis.
Encore minoritaires par rapport au domaine ultra-dominant du pétrole, ces filiales ou projets montrent que le vent tourne. Les groupes pétroliers d’hier sont en passe de devenir des géants multi-énergies. Avec les capacités financières colossales acquises grâce au précieux or noir, ils en ont clairement les moyens !
Commentaires
y a du bizness a faire, les requins sont a l'affut ... regardez le prix du kw/h aux bornes total !
mais pour le moment le seul producteur fiable et suffisant est EDF. entreprise national stratégique ne l'oublions pas !
elle garantie l'approvisionnement donc la vie du pays.
pourvu qu'elle ne soit vendu aux chinois ou société comme total. au risque d'avoir un résultat identique aux autoroutes, en pire....
Vu comment ça tourne, j'ai plutôt l'impression que l'avenir appartient aux piétons :-)
le futur bizness c'est les chaussures, michelin va s'y mettre :):)
Pour ce qui est du pétrole les pétroliers maitrisent toute la chaine : extraction/raffinage/transport/distribution.
Ils sont loin de tout maitriser pour ce qui est de l'électrique d'autant qu'ils ne produisent pas historiquement d'électricité, qu'ils n'ont pas de réseau de transport, pas de réseau de distribution. Ils ont des sites pour distribuer mais pas le matériel.
Il faudrait qu'ils produisent. En France le nucléaire et l'hydroélectrique sont une forte concurrence. Ils faut qui investissent dans l'électricité verte à gros renfort d'aide publiques (on peut le faire confiance pour aller chercher les aides). Côté réseau de transport à mon sens c'est mort pour eux, ils vont devoir louer. Ils pourront mettre des bornes dans leurs stations mais il va falloir bien cibler pour que le client ait de quoi faire à proximité pendant la recharge.
Pas si simple pour eux.
Par contre ils ont encore de beaux jours devant eux pour vendre du pétrole, du gaz. Ils ont de l'argent pour acheter les bonnes compagnies déjà implantées.
L'électrique appartient surtout aux producteurs et propriétaires des réseaux de transport.
pour info le producteur principal d’électricité c'est EDF donc nous avec seulement 80 % du capital ( merci l'europe des technocrates )
l'energie est capital pour garder sa souveraineté économique et social.
que cela reste, pourvu que ça soit vendu aux chinois ou multi nationales total et autres...
total voit le vent tourné, dans quelques année les voitures pétrole ne seront plus vendu......
Ah oui, quelle bonne idée, allons subventionner des géants comme Total, c'est totalement légitime, les pauvres malheureux n'ont pas les moyens de se construire quelques moyens de production d'électricité... aujourd'hui, tous ces glandus, qui n'ont jamais voulu accepter de reconnaître leur part de responsabilité dans le changement climatique, et la nécessité de changer un peu de stratégie, sont des sangsues d'EDF grâce à l'ARENH, ils bénéficient de tarifs garantis (pls milliards d'euros par an, environ un EPR tous les deux ans) pour une production intermittente totalement incontrôlable, et il faudrait encore en rajouter ?
Ça fait 15 ans qu'on donne des facilités extraordinaires à la concurrence d'EDF, 10 ans qu'on fait le maximum pour que le nucléaire se plante en poussant les ENRi en dépit du bon sens et pourtant, la sauce ne prend pas vraiment. Un moment donné, il va peut être falloir en tirer les conclusions qui s'imposent.
Les grandes entreprises sont passées maitres pour ce qui est de bénéficier d'aides, elles ont des services pour ce genre de travail. Et question lobbying politique elles sont aussi assez fortes. Pas besoin de leur apporter de cadeaux, elles viendrons les chercher voir même les créer. C'est déplorable face aux artisans qui n'ont pas le temps de mener ce petit jeu mais c'est la situation immuable du petit face au géant.
Nous avons tous la responsabilité du changement climatique (qui n'en est que dans ses prémices), producteurs comme consommateurs, surtout pays développés. C'est sûrement difficile à entendre mais c'est la réalité.
C'est si facile de creuser un trou pour pomper l'énergie gratuite liquide noir et de remplir son réservoir avec pour augmenter son confort à moindre coût. On fait d'abord ce qui est facile et coûte pas cher. Pas de bol, il y avait une conséquence fâcheuse que l'on ne voulait pas voir. Et puis franchement, qui aurait remisé son VT face à ses voisins pour raison qu'il contribuait au réchauffement climatique ? Pas grand monde, l'Homme est comme çà.
Sans aide (aux producteurs comme aux consommateurs) les VE ne prendraient pas tant d’essor. C'est sûr qu'il y en a toujours qui profitent plus que d'autres... Un problème de fond est peut-être là, un problème d'équité. Et plus le système est complexe et moins il est équitable...
On a voulu créer une concurrence en libéralisant, en créant une sorte de compétition. Lorsque on le fait au sein d'une seule et même entité cela peut être profitable à tous, lorsque on mets les entités en compétition... tous les coups sont permis.
On ne fait pas le maxi pour que le nucléaire se plante, on manque de courage politique, incapables de prendre une décision claire et précise sur l'avenir. On laisse la situation actuelle se gérer d'elle même, en roue libre, résultats : défaut de gestion des projets, perte des compétences. Le gouvernement actuel (peu importe sa couleur) a fait le merveilleux choix de repousser sa décision... à une date à laquelle il ne sera probablement plus au pouvoir ! Ils sont entre l'enclume et le marteau, entre le citoyen qui ne veut plus de nucléaire tout en voulant de l'électrique, et le besoin d'électricité "verte". L'état est incapable de choisir, c'est pourtant la principale mission d'un politique. Alors ils ont décidé d'en faire mais pas trop, sans trop gérer, en repoussant les décisions à une date ultérieure. Bref, ils laissent faire...
Les conclusions vont se tirer d'elles même si on manque de vision et d'action. Je suis bien incapable de prédire l'avenir, il y a des gens bien plus doués que moi capable de le faire. Mais l'avenir on l'oriente en partie. En ce moment, au niveau mondial, je vois les Chinois l'orienter.
La question est toujours la même, il faut savoir ce que l'on veut. Pour l'instant en France on continue de faire de la gestion à courte et moyenne échéance (sauf ITER, mais là on sait que l'on a aucune visibilité) pendant que d'autres voient plus loin.
J'ai beaucoup plus confiance dans les pétroliers pour cette activité que certains opérateurs genre Izivia pour ne pas les nommer. Il y a une puissance financière derrière qui apporte des garanties et des engagements.
Le point de vigilance serait leur raison d'être et leur stratégie. Soit ils sont sincères et ca roule soit le côté obscur est de ralentir le développement du VE en freinant de l'intérieur du systeme en rendant dissuasif par des tarifs hors norme par ex.
Prenons plutôt l'option optimiste.
Izivia, il y a EDF derrière (même s'ils ont visiblement d'autres chats à fouetter).
Quant à la stratégie des pétroliers, je crois qu'ils ne peuvent plus trop se permettre de rester centrés que sur le pétrole (et ça fait un moment qu'ils le savent, le covid a juste précipité les choses).
Il y a deux débat la production pour laquelle on peut déjà dire que Total est le premier producteur électricité "verte" en France et il sera en concurrence avec Engie, EDF, et leur filiales.
Puis la vente d'électricité sur borne de recharge, elle même coupé en deux partie:
1- borne de recharge chez le particulier et dans les entreprises, ou Total sera très bien placé. Le même commercial pourra vendre le remplacement du contrat EDF classique en sus de vendre une borne pour VE.
2- borne sur l'espace public, donc sur le places de parking public. Ici ce sont les centres commerciaux les mieux placé (comme pour la vente de essence d'ailleurs). Auchan, Carrefour... ont la possibilité de vendre prix coûtant pour les VE afin de dirigé et capter plus longtemps les clients dans les magasins.
3- reste les bornes en centre ville qui ne se développent, d'après moi, uniquement grace à la déficience des deux premiers mode. On pourrait mettre à part la vente sur autoroute ou ce sont les pétroliers encore les mieux placés. Chaque situation sont leader naturel à long terme...