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C’est l’un des points de friction de l’électromobilité automobile, et l’un des constats récurrents de toutes les discussions sur le sujet. Malgré l’évolution très rapide du nombre de points de charge en France, notamment entre 2020 et 2021, la recharge en ville et en habitat collectif (les deux allant souvent de pair) reste l’une des grandes oubliées des plans d’électrification des voies de circulation.
Tout le monde le sait, qu’il s’agisse du public, des observateurs ou experts du secteur, et bien sûr des acteurs, notamment les opérateurs et même les constructeurs automobiles, mais on dirait que chacun se cache derrière son petit doigt en renvoyant la responsabilité de cette situation à ses chers confrères. Tout le monde le sait, mais tout le monde l’oublie rapidement quand il s’agit d’annoncer de nouvelles implantations, puisque la plupart du temps les premiers commentaires sont les mêmes : « Et toujours rien pour la recharge en ville ».
Il faut croire que le sujet n’est pas si simple, et nous voulons bien l’admettre. Entre rareté et prix du foncier et acheminement des infrastructures électriques adaptées, installer des bornes en milieu urbain est certainement un peu plus compliqué qu’en rase campagne, sur une aire d’autoroute ou un parking de supermarché.
L’exemple de Berlin, Londres et Amsterdam
Toujours est-il que certains ont quand même compris l’enjeu que représente la recharge résidentielle et urbaine quand on sait que 80 % de la population française réside en agglomération, dont la moitié en habitat collectif, selon les données 2016 de l’Insee. Mais ils restent quand même des exemples isolés, comme Electra, et l’on constate qu’il s’agit souvent de start-up et non pas de grands opérateurs historiques. À l’étranger, par exemple à Berlin et à Londres, on a fait le choix d’équiper les lampadaires de certains quartiers de prises de recharge pour voitures électriques. À Amsterdam, même les petites allées qui longent les canaux sont équipées de pléthore de points de recharge.
Si l’on veut réellement accélérer la transition, il va falloir un jour se pencher sérieusement sur la question. Faudra-t-il s’en remettre au politique pour une impulsion à base de contraintes réglementaires et de subventions ? Ou laisser faire la main invisible du marché ? Peut-être un mix des deux, mais j’aurais tendance à penser que la recharge en ville est peut-être un secteur encore à peu près vierge qui n’attend que d’être investi par des entreprises qui auront réellement réfléchi au sujet, avec un regard à la fois de terrain, autant que visionnaire et financier.
Après tout, si l’on veut tenter un parallèle avec certaines évolutions de rupture, quand il n’y avait qu’un opérateur de télécommunications, à savoir France Télécom, qui aurait imaginé qu’il y aurait de la place pour une jeune entreprise inconnue qui viendrait « disrupter » le marché et apporter aux consommateurs des tarifs et des services beaucoup plus attractifs, avec en prime une agilité jamais vue dans le secteur ? Je parle de Free, vous l’aurez compris. Tout le monde à l’époque pariait sur le fait que ce jeune trublion aurait tôt fait de disparaître, en raison de marges trop justes et de frais d’infrastructures trop élevés. On connaît la suite.
La recharge en ville, une affaire de start-up ?
Alors, dans le sujet qui nous intéresse, peut-être que les temps sont mûrs pour l’émergence d’un schéma similaire (même si tout n’est pas comparable, nous sommes bien d’accord), à savoir un « Free », ou, si vous voulez, un Ionity ou un Fastned de la recharge urbaine.
Il faudrait cependant que cet opérateur ait une vision très élargie des besoins et de son métier. Car il ne s’agirait pas seulement d’installer des bornes en ville sur l’espace public en surface, mais de proposer une véritable palette de services adressant toutes les problématiques et spécificités de la recharge en milieu urbain.
Quels devraient être le cahier des charges et le périmètre d’intervention d’un tel prestataire ? L’idée serait celle d’un hyperspécialiste ayant identifié l’ensemble des besoins liés à la charge en agglomération et y répondant avec une palette de services ciblés réunis au sein d’une offre à tiroirs sous une enseigne ou un label unique. Cette offre devrait donc couvrir la promotion, l’habillage marketing et l’installation et la gestion opérationnelle de bornes de recharge :
- Dans les parkings privés d’immeubles, en surface et souterrains,
- Dans les garages de particuliers,
- Dans les parkings publics et de commerces, restaurants et cinémas,
- Sur la voie publique (bornes dédiées, lampadaires…),
- Stations de recharge urbaines (par exemple en remplacement ou complément d’anciennes ou actuelles stations essence, avant qu’elles n’aient toutes totalement disparu)
Côté services associés, l’opérateur devrait prendre en charge les études de coûts et de faisabilité, monter les dossiers afférents notamment à la notion de droit à la prise pour les demandeurs et auprès des différentes parties impliquées, comme les syndics de copropriété ou Enedis, afin de faciliter et fluidifier les procédures et accélérer les implantations, et rendre l’implantation d’une borne de recharge privée ou publique aussi simple et rapide que l’installation d’une box. Je sais, on en est encore loin, mais comme dirait l’autre « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ».
Il ne s’agit pas d’imaginer un monopole – plus les offres seront nombreuses et mieux la concurrence s’exercera, au profit des consommateurs – mais plutôt l’émergence d’une offre structurée, lisible et rassurante, en provenance de marques fortes et facilement identifiables, qui répondraient très rapidement aux besoins d’équipement, qu’elles proviennent des particuliers, de copropriétés, de collectivités locales ou de commerces.
On pourrait rétorquer que de telles offres existent déjà (voir nos dernières interviews de ChargeGuru ou Stations-e par exemple), mais, aussi complètes et qualitatives soient-elles, aucune ne couvre réellement tout le périmètre décrit sous une marque unique et forte ayant un vrai discours auprès du grand public, avec les moyens correspondants. Certes, la question est technique et concerne d’abord des spécialistes ayant un profil davantage « ingénieur » que marketing. Mais l’exemple de Ionity et, dans une certaine mesure, celui de Fastned, montrent que rien n’est impossible, et qu’il est possible de packager des offres connues, lisibles et compréhensibles du grand public.
Alors, bientôt un Ionity ou un Free des recharges en ville ? Si vous êtes entrepreneur et que vous avez des projets dans l’électromobilité, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
L’idée de prendre comme exemple France Télécom et Free est malvenue. Il y a 30 ans seul le réseau fixe existait, il appartenait à France Télécom. Lorsque le réseau mobile est arrivé Free à commencer par utiliser le réseau de France Télécom. Ensuite Free a pu se séparer en grande partie du réseau fixe parce que les téléphones sont devenus… sans fil !
Le projet StarLink d’Elon Musk va encore plus loin avec des infrastructures au sol encore plus réduites. Là, idem, on est sur du sans fil.
Je ne suis pas tout à fait sûr que l’on puisse en faire autant pour recharger une voiture…
« plus les offres seront nombreuses et mieux la concurrence s’exercera, au profit des consommateurs »
Et… non.
Le marché de l’électricité Française a été ouvert à la concurrence à cause de l’Europe et le prix de l’électricité a augmenté. Et cela même avec des énergies renouvelables soit disant moins chères.
Pour le téléphone portable il faut un réseau filaire et/ou sans fil, un distributeur, des antennes et leurs emplacements (Pylône, bâtiment, …), une licence. Sachant qu’1 antenne peut fournir des milliers d’utilisateurs.
Un opérateur est distributeur, peut avoir son réseau, ses antennes. Il paye l’emplacement et la licence.
Pour recharger un VE il faut un producteur, un réseau filaire, un distributeur, une borne, un emplacement au sol pour le VE. Sachant qu’1 borne peut fournir quelques VE tout au plus.
Un opérateur peut difficilement tout faire. Il est distributeur, peut avoir ses bornes, peut difficilement avoir son réseau, difficilement producteur, paye l’emplacement qui ne doit pas être si évident que cela à rentabiliser.
La problématique est bien différente.
Un Free de la recharge devrait louer des 100aines de milliers d’emplacements publics et privés, être dépendant du prix de l’électricité et du réseau, gérer la maintenance de ces milliers de bornes.
C’est ce que fait Tesla, à petite échelle.
C’est là que l’on se rends compte des avantages du pétrole ! Très énergétique, facilement transportable, pas cher, plein fait en quelques minutes, stockage facile, … et on peut même fabriquer avec çà des pièces plastiques pas chères, des engrais, etc…
Quelques bornes suffisent pour alimenter des milliers de VT, le distributeur peut acheter un emplacement, peut gérer le réseau, il peut même produire.
Je ne suis pas pessimiste mais comme cela a été dit il y a des freins (qui ne stoppent pas mais ralentissent) que les autres technologies n’ont pas.
Tant que la recharge prends du temps elle pose problème. Il faut beaucoup de bornes, des emplacements, être dépendant des producteurs et du réseau.
Et en plus les VE coûtent chers.
Quand on ne sait pas faire on regarde ce qui se fait de bien dans les autres pays comme vous l’avez signalé ci-dessus, mais aussi aux Pays-Bas, n’oublions pas pas que ce pays à donner naissance à deux géants de la recharge New Motion racheté par Shell mais aussi Fastned. Les entreprise de demain sont celle qui sont sur les produits et service d’avenir pas sur le pétrole où le gaz!
les entreprises aussi on intérêt de s’y mettre gravement si non ils perdront les meilleurs de leurs salariés comme cela se produit depuis des années en Californie.
>Solution faible puissance potentiellement obsolète dans quelques années suivant comment évoluent les technologies (quid de la batterie qui se recharge vite, en station comme pour l’essence ou de ce que l’on a pas encore inventé)
>problème de réserver des places de parking au VE si on est sur des recharges longues et nombreuses.
>Infrastructures avec des tranchées, des câbles (biens plus gros que pour du telecom) à gérer, avec toutes les contraintes d’urbanisme et de sécurité qui vont avec
>le fait que bon nombre de places de parking n’ont pas de supports pour tenir une borne
>Pas de réseau orange sur lequel se baser le temps de se lancer…
Le forum est truffé de discussion sur le sujet et il y a des partisans des bornes très rapides, d’autres des prises sur tous les pilonnes de luminaire
Perso je pense que les bornes de faible puissance seraient de l’argent fichu par la fenêtre dans un contexte de mutation technologique où les batteries sont un gros point faible qui fait l’objet de nombreuses recherches.
Pour les bornes plus rapides on pourrait avoir des opérateurs concurrentiels et demander à RTE/ENEDIS de déployer et gérer l’infrastructure sur laquelle brancher les bornes, suivant un plan d’investissement relevant du service public.
Avis que l’auteur de l’article sera de tout manière garé sans charger sur la fameuse place en mode « recharge de commodité » et que la prise servira donc à rien.
Je ne peux pas charger à domicile, 3 stations et 6 bornes publiques dans ma ville de 20.000 habitants, pour l’instant c’est suffisant mais pour combien de temps? L’autre aspect du problème et qu’il faudrait des bornes rapides à 50kwh, sur la Tesla qui ne charge qu’à 11, comme beaucoup de VE, ça va vite bloquer.
Merci pour cet article qui aborde un point clef qui n’est jamais abordé : la quasi impossibilité de passer au VE lorsque l’on ne possède pas de place de parking privative, ce qui concerne tout de meme plus de 30 % des automobilistes francais – notamment en ville et en habitat collectif bien sûr, mais pas uniquement : beaucoup de maisons de bourg anciennes ne disposent pas non plus d’allee pour garer une voiture. Et sauf a rouler vraiment très peu et n’avoir besoin que d’une recharge hebdomadaire, dépendre des infrastructures publiques – bornes AC rares, loin du domicile, souvent en panne ou squattées par des VT…. Ou de plus en plus souvent par des VE qui ne rechargent pas ! – est une contrainte qui vire a l’enfer. Et il faut tordre le cou a cette legende urbaine selon laquelle un citadin n’aurait pas besoin de voiture pour aller au travail : c’est peut-être vrai dans les tres grandes metropoles ou le marché du travail urbain et les TC sont tres développés, mais dans les villes petites et moyennes comme celle ou je reside (prefecture de 40khab), sauf a etre fonctionnaire ou profession libérale, le travail en ville est quasi inexistant ; l’activite se trouve dans un rayon de 50 km, dans l’industrie, le BTP, la logistique, l’agriculture, la forêt, l’aide aux personnes âgées en milieu semi-rural etc, assez fréquemment saisonnier et/ou en horaire décalé. Il n’y a que 8 lignes de bus, donc pour esperer travailler la voiture est de fait obligatoire (c’est la 1iere chose que l’on vous dit a Pôle Emploi). Et l’habitat urbain etant plutôt ancien, avec peu de résidences avec parking, tout le monde se gare dans la rue, en bas des immeubles. Avec les 6 ou 7 miserables bornes 22kVA disponibles pour toute l’agglo, autant dire que si le reseau de recharge urbain ne se developpe pas TRES vite, nous allons garder nos fumantes encore très, très longtemps…
Le « Free » de la recharge existe déjà, suffit d’attendre qu’il s’active. Vous aurez reconnu Izivia…
Depuis 2013 je suis full VE à la maison. Borne de recharge dans mon box depuis 2013 avec 2 VE dedans (Zoe et Tesla). Le droit à la prise existe depuis un moment donc les syndic qui refusent c’est réglé devant un tribunal.
Mettre des dizaines de milliers de bornes publiques pour rassurer n’est pas d’une grande utilité selon moi car la plupart servent de refuges aux araignées et ne sont pas maintenues correctement car pas utilisées…
Le mieux serait de concentrer ces capitaux sur la recharge ultra rapide sur les grands axes mais surtout à déployer dans les rues des prises 16A renforcées pour tout ceux qui n’ont pas de places de stationnement.
Les taxis passent du temps en stationnaire devant les hôpitaux et cliniques, dans les stations de taxis (aéroports, gares etc) mais zéro point de charge.
Il y a du boulot mais surtout arrêter de claquer du fric inutilement et mieux réfléchir aux vrais besoins de masse.
Un article et point de vue intéressants. 😉
Je dirais qu’il y a plusieurs écueils. Le développement du VE n’en est encore, malgré une nette accélération, qu’à ses débuts. Il y a de lourds investissements à faire pour la recharge avec un retour plus ou moins lointain. De plus, la recherche technologique sur les batteries et leur chargement bat son plein, avec de possibles ruptures à moyen terme qui rendraient obsolètes certaines spécifications actuelles.
Je crois que cette période de style jungle luxuriante parsemée de multiples sentiers va se poursuivre encore quelques années, favorisant le défrichage, avant que des mastodontes ne viennent y construire leurs autoroutes une fois certains de la rentabilité pérenne des investissements consentis.
Amen. 😂
Dans les zfe , remplacer les parcmètres par des bornes de recharge ! Ce serait déjà pas mal …😉
Perso, je crois à la voiture électrique quand on a un point de recharge perso (pavillon dans mon cas), mais je n’y crois pas du tout à l’échelle globale.
Ce que vous demandez est techniquement très différent de Free à ses débuts (puisque c’est le point de comparaison) : Free a commencé en utilisant l’infrastructure cuivre d’Orange, avant d’être en mesure de financer ses propres infrastructures (partiellement en mobile, totalement en fibre). Le problème de la recharge en ville, c’est justement l’infrastructure physique, pas les services par dessus.
En zone urbaine d’accord mais aussi un peu partout.
Prenons le cas d’une ville assez touristique : Gerardmer… Y’a peu de bornes publiques dispo (enfin 2 qui ont le mérite d’être gratis), et quelques point de recharges à destination non ouvert au public.
On ne peux pas dire que cette ville n’est pas touristique : station de ski l’hiver (quand y a de la neige), et festival de films.
La seule borne « assez rapide » est a St Dié-des-Vosges… (50kW)… Bah y a pas a dire si toutes les places de parking (ou aller 30%) avais une prise 16A dans le coin ça serait plus facile pour pouvoir respirer…
Donc dans les grandes villes y a des Ionity/Total/Tesla pas loin, dans les petites villes c’est zone sinistrée.
Du coup j’ai toujours 2 rallonges de 20m de câbles 2,5mm2… Au cas où… Et elles m’ont souvent sauvé la mise en voyage… (ok y a bcp de pertes, mais entre panne de batterie et avoir de quoi charger pour que la famille me casse pas les pieds…).