Suzuki kei car

On en parle de plus en plus : et si ces drôles de voitures déferlaient dans une version électrique ?

Il était une fois, dans les ruelles sinueuses du Japon, des créatures singulières appelées les kei cars. Petites, charmantes, et électriques, elles ont séduit le Pays du Soleil Levant, évoluant dans un écosystème où l’espace est précieux et les rues étroites.

Le sujet est tendance ces dernières semaines. Après les monospaces et les berlines qui commencent à peupler le paysage de la voiture électrique, voici qu’émergent sous nos yeux ébahis divers débats sur les kei cars, l’interprétation nippone des micro-cars ou des mini-voitures que nous connaissons par ici, version électrique.

En matière de voitures microscopiques, nous avions en son temps déjà fait un recensement des forces en présence, avec des produits plutôt alléchants, parfois étonnants, la plupart du temps imaginés et conçus par des start-up “pure players” créées pour l’occasion. Alors qu’a contrario, les kei cars japonaises sont souvent issues de grands groupes industriels et de marques automobiles bien établies, comme Suzuki, Honda, Toyota, Nissan ou autres. Et qu’elles ne sont pas nées d’hier.

Les kei cars sont de vraies autos

Ce qui nous amène à définir ce qu’est réellement une kei car. D’un point de vue étymologique, le terme est une contraction de keijidosha, ou « véhicule léger » en japonais. Popularisées dès la fin des années 40 au Pays du soleil levant, elles sont devenues “kei cars” dans le langage courant. Mais surtout, elles correspondent à une réalité très normée en termes de gabarit : une une longueur inférieure à 3,40 m, une largeur qui ne doit pas dépasser 1,48 m, et une hauteur est limitée à 2 m. Quant à la motorisation, bien évidemment thermique à l’origine, on est sur de la petite cylindrée de 660 cm3 maxi. Leur tarif est également limité puisqu’il se situe généralement aux alentours des 15 000 euros. Attention cependant à ne pas faire de confusion, une kei car est une “vraie” auto, et pas un quadricycle lourd comme peuvent l’être une Citroën AMI ou une Fiat Topolino.

Cela étant, si elles se situent dans une catégorie intermédiaire entre l’AMI et par exemple une VW e-up, vous l’avez compris, ces petites bagnoles correspondent en tous points à l’idéal de sobriété que certains appellent de leurs vœux pour fournir l’essentiel de la mobilité urbaine et individuelle du futur.

Et bien sûr, en version électrique, donc.

Cependant, alors que les partisans imaginent un avenir où les ruelles urbaines européennes seraient redessinées par ces petites voitures électriques, les critiques soulèvent des questions qui méritent un peu d’attention.

L’un des principaux arguments en faveur des kei cars en Europe réside dans la crise de circulation et de stationnement qui sévit dans de nombreuses métropoles. Leur petite taille, conçue pour naviguer habilement dans les espaces restreints, pourrait potentiellement résoudre la question. L’idée d’avoir des rues moins encombrées, dégagées des maux du manque d’espace, séduit certainement.

Bonnes pour le stationnement et l’environnement

Mais c’est surtout le volet environnement qui plaide en faveur de ces petits véhicules. Car qui dit taille réduite dit poids réduit, et donc des batteries plus petites également, et moins énergivores. Et des voitures nécessitant forcément moins de matières premières à la construction, et un recyclage plus facile. Le succès de la Citroën AMI et de la Dacia Spring sont là pour le démontrer, et prouver aussi qu’il y a une vie en dehors des SUV de 2,5 tonnes avec des batteries de 100 kWh. Côté usages, la question de l’autonomie reste subalterne dans un contexte de déplacements urbains et péri-urbains puisque l’on sait que les français parcourent en moyenne moins de 40 kilomètres par jour. Au risque de se répéter, à confort et sécurité équivalents (à savoir un habitacle chauffé –  ou climatisé, relativement bien isolé phoniquement, une sono correcte, et 4 places habitables sans trop de contorsions), à quoi bon se déplacer en ville avec un engin de 2 tonnes et de 5 mètres de long quand on peut le faire avec une petite boîte à chaussures, qui de surcroît sera beaucoup plus facile à garer ?

Je veux dire, à part un égo quelque peu surdimensionné ?

Cependant, tout n’est pas encore tout rose dans le monde merveilleux des kei cars. Ce rêve d’urbanisme plus fluide est contrebalancé par la réalité des normes de sécurité, qui ne sont pas les mêmes en Europe. En effet, les Kei Cars, développées pour répondre aux normes japonaises, devraient subir des modifications substantielles pour s’aligner sur les exigences strictes de l’Union européenne. Ces adaptations nécessaires pourraient compromettre la nature même de ces petites voitures, notamment en matière de poids.

Le marché automobile européen, dominé par les SUV spacieux et polyvalents, constitue un terrain de jeu difficile pour les kei cars. Convaincre les conducteurs européens de renoncer à leurs véhicules plus grands au profit de ces petites voitures nécessiterait une refonte de la mentalité des consommateurs. Les habitudes de conduite ancrées et la préférence pour la polyvalence pourraient s’avérer des obstacles importants.

Luca de Meo, avec sa vision ambitieuse de transposer le modèle des kei cars en Europe pour abaisser les prix des véhicules électriques, incarne un optimisme bienvenu. Cependant, les défis sont nombreux. Les coûts associés à leur homologation pour répondre aux normes européennes strictes, ainsi que les modifications nécessaires, soulèvent des questions financières cruciales. Les constructeurs devront jongler avec ces considérations économiques tout en cherchant à les rendre abordables pour les consommateurs européens.

Les kei cars, une question de positionnement ?

À l’intersection de ces défis, la question de la concurrence se pose. Les alternatives plus économiques, telles que les vélos électriques et les solutions de mobilité légère incarnées par les véhicules intermédiaires, pourraient constituer une concurrence féroce. Dans un contexte où l’efficacité et la praticité sont des éléments clés, les kei cars devront démontrer leur pertinence face à ces alternatives.

L’idée qu’un équivalent des kei cars version électriques se développe en Europe est intéressante mais complexe. Les avantages potentiels en termes de stationnement, d’efficacité énergétique et de coûts sont contrebalancés par des défis majeurs liés à l’autonomie, à la sécurité, à l’acceptation des consommateurs et aux contraintes financières. Le récit de l’adaptation de ces drôles de puces au marché automobile européen est encore en cours d’écriture, et chaque chapitre doit être pesé et évalué avec soin. La route à parcourir est probablement encore un peu longue et parsemée d’obstacles, mais dans l’évolution constante du paysage automobile, des solutions novatrices peuvent souvent surgir là où on les attend le moins.