Luxeed S7

Photographie : Huawei

Pendant que Tesla fait la une avec son Cybertruck aussi inutile que contondant, les constructeurs chinois continuent discrètement à s’activer pour essayer de séduire l’Europe avec une offre différente.

Il fut un temps où la composition du paysage automobile était assez simple. Il y avait les berlines, et les breaks. Qui étaient généralement les mêmes berlines rhabillées avec un volume de rangement plus grand à l’arrière pour caser les valises et le chien, et une cinquième porte pour y accéder facilement. Ces déclinaisons étaient souvent tellement élégantes qu’on les appelait communément des bétaillères. Et puis, à l’opposé, côté exotique et frime, on avait quelques coupés sport et leur déclinaison décapotable.

Alors est arrivée une nouvelle catégorie venue de nulle part et que personne ne semblait attendre : les monospaces. Et, presque en même temps, les SUV, que l’on appelait à l’époque 4×4. Étrangement, suite au succès de la première, puis de la deuxième un peu plus tard, ces deux catégories ont fusionné, donnant naissance à ce que l’on connait aujourd’hui sous le nom de SUV. Et aussi aux compactes avec hayon, la VW Golf représentant l’archétype de cette catégorie passe-partout.

Attention, j’en vois qui protestent déjà au fond de la salle. JE SAIS, monospaces et SUV n’ont rien à voir. Sauf qu’en termes d’usages et de clientèle type, le premier a littéralement été supplanté par le deuxième, au point qu’il n’existe quasiment plus. Alors d’accord, ça n’a rien à voir, mais dans les faits, ceux qui roulent en SUV aujourd’hui sont très majoritairement ceux qui roulaient en monospace avant, à savoir une clientèle qui recherche l’aspect familial, pratique et sécuritaire. On pourra toujours débattre sur ces caractéristiques, mais c’est en tout cas comme cela que les SUV ont peu à peu remplacé les monospaces, et, dans une certaine mesure, les breaks.

Et les berlines classiques dites “3 volumes”, dans tout ça ? A part quelques modèles premium, elles ont quasiment disparu du paysage automobile, en tout cas en Europe. Pire, elles ont été ringardisées par leurs remplaçantes, car jugées moins pratiques, et plutôt destinées aux flottes d’entreprises et aux boomers nostalgiques de la Peugeot 504 de papa. Ou de grand-papa.

La berline persona non grata en Europe, pendant ce temps, en Chine…

Il existe cependant des contrées ou la bonne vieille berline trouve encore sa clientèle, comme les USA et la Chine, et peut-être certaines régions d’Asie et du Golfe Persique. Une question d’image et de statut, probablement. Une façon d’envoyer le message qui dit qu’une voiture “utilitaire” ou “pratique” est un truc de famille de classe moyenne, alors que se rendre des bureaux de son entreprise à l’aéroport privé est beaucoup plus stylé en berline (de préférence noire). Je caricature, bien sûr, mais il y a un peu de ça, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nombre de berlines se déclinent en version “executive”.

Les européens ont donc résolument pris la voie de l’utilitaire, euh pardon, du SUV, qu’ils déclinent donc désormais à toutes les sauces en électrique, de la plus petite Dacia Spring à la plus imposante BMW iX ou Audi Q8 e-tron. En dehors de ce format et d’une poignée de compactes à tendance plutôt citadine, l’offre est littéralement famélique. A part une Tesla Model 3 et Model S, une BMW i4 ou i5 et une VW ID.7, pas grand chose à se mettre sous le volant si l’on a un petit faible pour ce qui reste quand même la catégorie ayant produit parmi les plus belles autos de l’histoire.

C’est à ce moment du film que les constructeurs chinois font leur entrée. Une intrusion sans tambours ni trompettes, mais qui interroge sur les disparités culturelles et marketing dans l’approche du marché. Pendant que les européens annoncent chaque jour de nouveaux SUV, les chinois poussent leur pions avec d’étonnantes et souvent séduisantes berlines.

Et l’offre ne cesse de s’étoffer. Même si tous les modèles sont encore loin d’être disponibles en Europe, l’offensive est déjà assez consistante pour que l’on s’y intéresse de près. Ainsi, du côté de Nio, la ET5 et la ET7 commencent à pointer le bout de leur nez, et pour avoir parcouru un petit bout d’essai à leur volant respectif, je peux dire que c’est du sérieux. Côté BYD, ce sont la Seal et la Han qui font ouvrent la voie, avant l’arrivée d’une gamme plus large. Mais ces deux marques – les plus en vue actuellement – sont loin d’être les seules à frapper aux portes du Vieux Continent avec des berlines électriques. On pense notamment aux Xpeng P5 et P7, à la Luxeed S7 (Huawei), ou encore à la Xiaomi SU7. Ce qui commence à faire un peu de monde. En fait, chaque constructeur réellement chinois (en opposition aux chinois déguisés en européens comme MG, Smart ou Volvo) propose une ou plusieurs berlines dans sa gamme.

La Tesla Model 3 dans le viseur

Ce sont généralement des voitures pensées et bâties sur un modèle identique, celui de la berline moyenne, avec clairement en ligne de mire et en point de référence la Tesla Model 3, à l’aune de laquelle s’effectuent toutes les comparaisons, que ce soit en termes de finitions, de puissance, d’autonomie ou encore de vitesse de recharge. Des berlines qui sont également hautement technologiques, montrant au passage le savoir-faire acquis dans ce domaine par les développeurs et ingénieurs de l’Empire du Milieu. Un savoir-faire dont nous avions déjà eu un aperçu du côté de la tech, notamment dans l’univers de la téléphonie mobile, de la photographie ou des drones de loisirs.

Si l’on se place du côté de la demande, on se dit que les chinois n’ont pas tout à fait tort. S’il parait acquis que nous sommes dans une période où la demande des consommateurs va vers les SUV (puisque de toute façon ils représentent la quasi-totalité de l’offre électrique), il suffit de se pencher sur les attentes du marché en termes de voitures électriques pour comprendre que nous sommes sur un drôle de paradoxe. Car la vraie demande va clairement vers des voitures sobres, efficientes, pas trop lourdes, avec une autonomie réelle d’au moins 400 kilomètres, et bien sûr à un prix abordable, ou “raisonnable”. Or, quelle est la catégorie qui répond le mieux à cette requête ? Les berlines, bien sûr, ne serait-ce que par leur capacité à répondre à la quête d’efficience, rendue bien plus facile avec des autos sans embonpoint inutile et idéalement profilées. Oui mais pour l’espace, le côté pratique alors ? Je crois que dans ce domaine, une Tesla Model 3 a, de par sa conception parfaitement optimisée, a démontré que l’on pouvait proposer une berline de taille moyenne avec un espace intérieur gigantesque, pour les passagers et les bagages. Sans parler de la Model S…

Alors, où sont les Audi A4, Peugeot 508, Toyota Camry, Honda Civic et autres Mercedes Classe A électriques ? Nulle part. Et peut-être même pas encore à l’état de croquis dans les bureaux d’études, sauf éventuellement pour Benz, ce qui est quand même une très bonne nouvelle. Même Ford trouve le moyen de faire un SUV pour la version électrique de la Mustang, qui certes n’est pas une berline, mais qui aurait peut-être mérité une déclinaison “berline-coupé” plus dynamique et plus proche de l’esprit originel !

Les constructeurs chinois auraient-ils compris et intégré ce paradoxe avant les européens, alors que ces derniers s’entêtent à proposer des SUV lourds, encombrants et peu efficients ? Peut-être. En tout cas ils semblent orienter leur offre vers ce qui apparait comme le plus naturel afin qu’elle rencontre son public. Et encore, nous n’avons rien vu. Car un format pourrait mettre tout le monde d’accord : le break. Nio nous en donne déjà un aperçu avec sa splendide ET5 Tourer.

Vous aimez les berlines ? Tant mieux. Sinon, êtes vous prêts pour le grand retour de la bétaillère ?


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