Citroën a allumé la Toile en annonçant l’arrivée d’une déclinaison en petite série de l’Ami Buggy. Les 50 exemplaires prévus ont tous été vendus en un temps canon. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Témoignage.

La ringardise des voitures populaires ne tue plus, notamment depuis que certaines mal-aimées défrayent la chronique sur les sites de petites annonces : les Citroën BX, Renault 14, Porsche 924 ou même le Fiat Multipla voient leur popularité grimper en flèche. Et donc aussi leur prix sur le marché de l’occasion. S’afficher à bord de l’une de ces machines de rêve est désormais assumé et loué. D’abord moquée, la Citroën Ami profite déjà de cet effet de mode. Pas franchement belle, dénuée de toute technique, elle est toutefois rapidement devenue un objet cool et tendance à avoir dans son garage. Le succès est tout relatif, l’Ami étant une voiture sans permis. Mais les résultats sont encourageants justement, pour une voiture qui, en règle générale, est tout en bas de l’échelle du charisme automobile.

La Bugatti Chiron ne fait pas mieux

Preuve de cette modestie exacerbée assumée, Citroën a lancé une campagne de communication non sans autodérision. Oui, l’Ami n’a rien pour elle. Et c’est en cela qu’elle est géniale, comme l’ont pu être les BX et Multipla avant elle (la masse ne découvrira le génie de ces voitures que trop tard). Sans crainte, la marque au Double Chevron est allée plus loin en présentant le My Ami Buggy qui, contre toute attente, a connu une version de série. Du moins en petite série, Citroën de faire comme les grands en limitant la production à 50 exemplaires seulement. De quoi faire de l’Ami Buggy une machine tout aussi exclusive qu’une Bugatti Chiron, à l’autre bout du marché automobile et de l’automobile française. Cocorico !

Le chant du coq résonne aussi dans les couloirs de Rueil-Malmaison. Au terme d’une vente orchestrée en ligne, Citroën s’est félicité de l’engouement porté à sa nouvelle star des plages. Avec un tirage aussi limité, se féliciter d’une rupture de stock peut sembler capillotracté. Mais les résultats sont là, surtout pour une puce des villes vendue plus cher de l’ordre de 32,47 %. C’est presque la différence de prix entre une Bugatti Chiron d’entrée de gamme et la surpuissante Super Sport. D’autant que la vente a été expéditive : la marque indique que toute la production a trouvé preneur en 17 minutes et 28 secondes. L’Ami rougit, c’est son premier chrono avec lequel elle peut fanfaronner. Près de trois exemplaires par minutes ? Molsheim en rêve.

Tout comme ce client, qui a été le plus rapide pour dégainer sa CB sur Internet en effectuant tout le parcours d’achat en 2’53. Mais pourquoi donc Citroën trouve-t-elle si important de noter les performances des clients, à travers un « parcours » d’achat ? Titillés par cette information, nous n’avons pas tardé à comprendre qu’il s’agissait en fait d’un parcours du combattant pour repartir avec un exemplaire. C’est ce que nous a confié Christophe* (son prénom a été changé, comme on dit dans les grands journaux d’investigation).

Des faux départs évidents

Nous sommes le 21 juin, en fin de matinée. Le soleil est écrasant et la canicule est au plus fort. Mais ce n’est pas tant la météo exceptionnelle qui donne des coups de chaud et des sueurs à ce potentiel client Citroën. Les yeux rivés sur l’horloge de son écran, la souris dans la moite main droite, la CB dans la main gauche, il est prêt à dégainer pour repartir avec une Ami Buggy. Un objet de mobilité avec lequel il rêve de fraîcheur, laissant sa chevelure luxuriante vivre sa meilleure vie sur le bord des plages, en continuant d’ignorer ses 31 000 mails en attente. Il est l’heure, mais rien ne se passe comme prévu.

Dès le lancement de la vente, le site de la marque française connait des avaries. Il est ainsi impossible de s’inscrire en bonne et due forme pour accéder à la plateforme dédiée. Ne se laissant pas faire, le client décide de prendre un autre chemin : « Tu pouvais mettre la voiture dans le panier. Mais en étant adroit puisque c’est en passant par le configurateur que j’ai pu le faire », nous précise le client. Lueur d’espoir, la procédure fonctionne, mais un message d’erreur apparaît aussitôt. Il est 12 h 12, le temps presse (cf. les copies écran réalisées à ce moment).

À 12 h 13, Christophe décide de contacter la hotline par téléphone pour obtenir de l’aide ou tenter une autre méthode pour repartir avec un exemplaire. Mais face à une forte demande et une apparente instabilité informatique, le service client s’annonce submergé : « J’ai appelé la hotline à 12 h 13, et ils ont répondu à 12 h 19 pour me dire que tout était vendu ». Une longue attente qui se solde par un coup de massue : circulez, la cour est vide. Tristesse !

La précision de Citroën sur la performance de son plus rapide client tombe sous le sens, tant un très grand nombre d’entre eux, comme Christophe, n’ont sans doute pas pu commander un exemplaire pour une triste panne informatique. Aussi, il apparaît que ces 17 minutes de vente correspondent davantage au temps que le 50e client a dû passer avant de valider sa commande. Cela signifie aussi que si tous les systèmes avaient gardé la tête hors de l’eau, Citroën aurait pu écouler ses 50 Ami Buggy plus rapidement.

Pas de Citroën Ami Buggy pour Elon Musk non plus

Que s’est-il donc passé chez Citroën ? Personne ne le saura vraiment. Mais il semblerait que les premiers à être servis aient pu se connecter avant à la plateforme. Des faux départs donc, qui ont engendré de l’insatisfaction. Certes, il n’allait pas y avoir que des satisfaits dans ce genre de vente, où l’offre est bien plus faible que la demande. C’est d’ailleurs l’une des stratégies de Ferrari et autres constructeurs d’exception avec leur multitude de séries spéciales : selon eux, la frustration des clients restés sur le carreau les poussera à être partis les premiers pour la prochaine vente. Mais Citroën n’est pas Ferrari, et la frustration d’une panne informatique avec une vente exclusivement en ligne ne poussera pas Christophe à se précipiter sur un prochain tirage.

D’autant que la méfiance règne désormais, pour ce client qui voulait s’acheter une Citroën Ami conventionnelle, mais dont le délai de livraison de sept mois s’est avéré bien trop long. Initialement, le communiqué de presse annonçait des livraisons à partir du 8 août prochain. Pile à temps pour en profiter durant les vacances d’été. Mais le configurateur indiquait des dates de livraison pour le mois de septembre. Du moins en théorie, la Citroën Ami n’étant pas réputée pour tenir ses délais de livraison. À ce titre, précisons que la marque française pourrait s’attirer les foudres des clients n’ayant pas le budget pour s’offrir un Buggy à la polyvalence limitée (l’Ami, un produit de luxe ?) : cette série limitée ne mettrait donc que deux mois à arriver dans les mains des 50 clients, contre cinq mois de plus pour les autres !

Enfin, alors que la marque aux chevrons était fière d’indiquer « des livraisons VIP à domicile » (sans préciser la gratuité ou non de l’opération), la marque a rapidement changé ses accroches. Le configurateur affichait « livraison non incluse » sous le récapitulatif du prix, alors qu’une annonce préalable présentait la clause « livraison à domicile non incluse » là encore.

En tout état de cause, il existe une sérieuse différence entre l’autoproclamation du communiqué de presse post-vente et la réalité du terrain selon le témoignage documenté de ce client. Très rapidement, Citroën s’est empressé de lancer une campagne de publicité sur support papier s’il vous plaît (tout le monde n’a pas le budget de s’offrir une campagne pour une voiture qui n’est plus en vente), où l’on pouvait y lire « Désolé Elon, il y a au moins un truc que tu ne peux pas te payer ». Effectivement, même s’il le voulait, il n’aurait pas pu acheter la Citroën Ami Buggy en ligne face à une informatique et un support client perfectibles…