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L’électromobilité est l’un des nouveaux terrains de jeu des entreprises innovantes. Un secteur qui pourrait favoriser l’émergence de géants d’un nouveau genre.
De Hewlett-Packard à Google en passant par Apple, la légende dit que les plus grandes entreprises de la Tech sont nées dans un garage, avec souvent à peine plus qu’un dollar en poche. Si l’allégorie du garage n’est pas étrangère au monde de l’automobile, le parallèle s’arrête ici, car les investissements sont aujourd’hui autrement plus conséquents, et il ne viendrait à personne l’idée de lancer un nouveau Ford avec des bouts de ficelle du fond de la remise parentale.
Cela étant, si l’histoire ne se répète pas, elle bégaie parfois, et quelques signes semblent indiquer que la saga en cours de la voiture électrique pourrait bien à son tour produire des géants qui n’existent peut-être encore même pas à l’heure où nous écrivons ces lignes. Et, contrairement à ce que nous avons connu avec les GAFAM, il se pourrait aussi que ces géants en devenir ne soient pas américains. Ou, en tout cas, pas seulement.
Car, que ce soit dans le domaine de la voiture électrique ou dans les secteurs connexes, les USA ne sont plus seuls sur le marché comme ils ont pu l’être – et le sont encore – dans le domaine de l’informatique, d’internet et des technologies numériques. On pense bien sûr à la Chine, qui en termes de production, semble mener le bal, que ce soit dans le nombre pléthorique de ses marques automobiles ou celui des batteries et de leurs composants. Mais l’Europe, forte d’une longue et solide tradition automobile, n’est pas en reste, en se positionnant davantage dans l’innovation et les services. Une Europe qui avance à marche forcée vers le tout électrique grâce à des engagements environnementaux qui pourraient lui donner un avantage décisif, si tant est que l’on considère la contrainte réglementaire comme un stimulateur de créativité, et donc l’innovation (oui oui il y a débat sur ce point, et il ne sera pas tranché ici).
Alors bien sûr, quand on parle de GAFAM et que l’on transpose le concept au secteur de la voiture électrique, le premier nom qui vient en tête est bien américain, et oui il s’agit bien de Tesla. En effet, le constructeur texan d’origine californienne coche à peu près toutes les cases du géant de la tech : pertes abyssales au départ puis croissance météorique, innovation, gestion de la (big) data, et relation directe avec le client via un outil technologique, la voiture – connectée, il va de soi – remplaçant ici le smartphone ou l’ordinateur.
Mais d’autres acteurs sont en train de se faire la main, et se développent très vite en s’appuyant sur les mêmes ingrédients qui ont fait le succès des GAFAM : agilité, innovation et bien sûr une solide assise financière faite de fonds propres (un peu) et de levées de fonds (beaucoup). On pense d’abord aux opérateurs de recharge qui sont un peu à l’électromobilité ce que les FAI ou les data centers sont à internet : des infrastructures de réseaux qui permettent d’accéder au contenu (la route). Ainsi, dans ce secteur, la course est enfin définitivement lancée, avec par ici des acteurs qui marquent leur territoire à grands coups de levées de fonds. C’est le cas de Ionity (700 millions récemment auprès de Blackrock) mais aussi de Power Dot (150 millions), de Fastned (150 millions) ou encore d’Electra (15 millions et une prochaine levée à venir). D’autres acteurs sont en lice, plus discrets, peut-être un peu moins riches, mais qui pèseront probablement dans le jeu au cours des années à venir, qu’ils soient opérateurs ou qu’ils évoluent dans des secteurs voisins de l’électromobilité, comme les applications (ABRP, Chargemap, Plugshare, Nabla Connect…), les services innovants (Dreev, Yespark ReCharge, Clem…) ou encore les dispositifs de charge intelligents (Sparklin…).
Un marché qui offre une autre similarité avec celui du numérique, celle d’être soutenu par un écosystème fait de business angels, de sociétés de capital-risque (Serena a par exemple fait partie du tour de table d’Electra) et même d’incubateurs spécialisés comme l’AVERE France et son programme Advenir.
Si toutes les voitures électriques se ressemblent dans leur conception et les fonctionnalités proposées, à l’instar du digital, c’est dans la gestion pointue de la donnée que la différence se fera, qu’il s’agisse de la connaissance du conducteur et de ses comportements (et donc de ses attentes) ou de l’intelligence artificielle qui régit celle de la voiture et la gestion des batteries. Il se pourrait que de ce point de vue, l’industrie automobile ait aujourd’hui davantage besoin de data scientists que de mécaniciens. Dans ces domaines, la Chine (et ses dizaines de constructeurs) et la Silicon Valley semblent encore avoir un train d’avance, mais l’Europe, forte de ses acteurs historiques, n’a pas dit son dernier mot, que ce soit Mercedes avec son record d’autonomie ou Audi et Porsche avec leur architecture 800 Volts permettant les plus grandes vitesses de charge au monde sur des véhicules de série.
On sait cependant que quand on parle de GAFAM (ou de GAFA), c’est rarement en termes élogieux, et que la critique n’est pas loin. On leur reproche souvent leur mainmise sur les données, leur traçage et leur travers intrusifs. Sans compter le procès qui leur est fait régulièrement sur leur capacité à influer sur la vie de la cité, jusqu’à modifier le résultat des élections. En sera-t-il de même avec les géants nés de la haute technologie automobile ? Difficile de le dire. Quelques indices cependant laissent entrevoir ce que pourrait être un Big Brother à la sauce automobile, comme par exemple le déjà controversé Safety Score de Tesla, qui pourrait influer sur les tarifs d’assurance. Sans parler de cette histoire de boîte noire qui pourrait faire son apparition dans les voitures. Bref, en matière de données et de leur exploitation, les voitures actuelles, équipées de dizaines de capteurs, constituent une mine d’or quasi inépuisable.
Data, innovation, technologies de pointe… Des concepts un peu fumeux pour privilégiés au portefeuille bien garni ? Pas si sûr. L’histoire de l’automobile a démontré au cours des dernières décennies que l’innovation, d’abord réservée au haut de gamme, finissait toujours par ruisseler sur l’ensemble du secteur, jusqu’à l’entrée de gamme. Il en ira probablement de même dans le secteur de la voiture électrique.
Reste à savoir sur le futur Google ou Meta du secteur existe déjà. Et si son garage est situé en Asie, en Amérique ou en Europe. Et surtout, quelle(s) innovation(s) de rupture il proposera…
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