Permis de conduire

La conduite d’une voiture électrique paraît facile, mais elle se différencie pourtant de celle d’une thermique sur plusieurs points.

Voiture particulière, fourgonnette, camion, autobus, moto, à chacune de ces catégories correspond un type de permis de conduire, avec ses règles et ses contraintes.

La voiture électrique ne semble pas demander de compétences particulières puisqu’elle est classée d’emblée dans la première de ces catégories. Il est vrai que conduire une électrique paraît a priori très facile, certainement même plus facile que conduire une thermique. Et pour la plupart des automobilistes, c’est une évidence.

Mais n’y a-t-il pas pour autant quelques subtilités à connaître lorsque l’on prend pour la première fois les commandes d’une électrique, voire certains pièges à éviter, qui nécessiteraient sinon un permis spécial, tout au moins une formation ? Après tout, il y existe bien un permis spécial pour conduire les voitures à boîte automatique, ou plus précisément une mention additionnelle au permis B, qui limite la conduite aux seuls véhicules à changement de vitesse automatique.

L’idée n’est évidemment pas de restreindre ou compliquer la vie de l’électromobiliste en ajoutant des tracas administratifs, d’autant qu’en la matière notre pays est généralement champion du monde, mais au contraire de faciliter sa prise en main en le sensibilisant à certains points qui différencient la conduite d’une électrique de celle d’une thermique. Et ainsi d’aider les novices notamment à devenir rapidement des conducteurs avertis.

Maîtriser la puissance

Bien sûr, toutes les électriques ne possèdent pas une cavalerie digne d’une F1, mais le standard de puissance a quand même sensiblement évolué avec la motorisation électrique. Il n’est pas rare aujourd’hui qu’une banale berline familiale affiche autant de chevaux qu’une Porsche 911 des années 2000/2010. La version la plus basique et la moins puissante de la Tesla Model 3 propose déjà 286 chevaux, et abat le 0 à 100 en 6,1 secondes. De quoi surprendre plus d’un débutant, a fortiori si c’est sa première voiture. Et ne parlons pas de l’avion de chasse qu’est la version Performance. Mais Tesla n’est pas (ou plus) seul dans ce domaine. Une Kia EV6 Intégrale au look plutôt pépère culmine à 325 chevaux, une puissance aberrante frérot qui a de quoi largement t’envoyer en enfer (*).

Du coup, il m’est déjà arrivé d’entendre ici ou là des remarques sur le risque de laisser ce genre d’auto dans les mains de personnes inexpérimentées, ce qui peut s’entendre. Car si celui qui achète une vraie sportive est généralement un conducteur chevronné au portefeuille bien garni, qui effectue un achat en pleine connaissance de cause, ce n’est pas forcément le cas du geek à peine équipé de son permis de conduire et dont la Model 3 sera le premier achat… Est-ce que cela ne mériterait pas une petite formation, une initiation, une prise en main au couple et à l’immédiateté de la réaction de l’électrique ?

Maîtriser l’absence de vitesses (et de boîte de vitesses)

Quand on a conduit toute sa vie une auto à boîte mécanique, passer à l’automatique ou à l’absence de boîte peut parfois dérouter. En fait, c’est surtout l’absence de pédale d’embrayage qui peut conduire à de mauvais réflexes, quand le pied gauche enfonce malencontreusement le frein en croyant accompagner un passage de vitesse. Ne rigolez pas, c’est l’erreur la plus courante quand on passe à la boîte auto. Mais il n’y a pas que cela. Même pour quelqu’un qui est habitué à rouler automatique, l’absence de boîte, et donc la disparition de la notion de rétrogradage ou de kick down peut aussi surprendre. Sans parler de ceux dont les doigts continuent à chercher les palettes derrière le volant, même si elles sont encore là pour gérer le freinage régénératif.

Maîtriser le freinage régénératif

Le freinage justement, parlons-en. Certains modèles électriques sont dotés d’un dispositif de conduite à une pédale, puisque le frein moteur est tellement puissant qu’il permet à la voiture de s’arrêter complètement au lever de pied, sans avoir à toucher la pédale de frein. Une caractéristique qui demande un petit temps d’apprentissage pour en tirer le meilleur parti tout en évitant de devoir distribuer des sacs à vomi à tous ses passagers pour cause de conduite saccadée. D’autant qu’une bonne maîtrise du freinage régénératif est très bonne pour l’optimisation de la consommation, et donc de l’autonomie, et donc du rayon d’action. Et permet en outre d’économiser ses freins et de rejeter moins de particules fines des plaquettes. Un vrai cercle vertueux.

Maîtriser le mode roue libre

Ce chapitre est complémentaire du précédent. Contrairement à ce que l’on croit généralement, activer le réglage le plus puissant du frein moteur ne garantit pas une meilleure autonomie dans tous les cas. Si c’est pertinent en ville ou en périurbain, cela le sera peut-être moins sur route et autoroute, où l’adoption du mode roue libre, quand il est disponible, est plus favorable à l’allongement de l’autonomie. Encore faut-il le savoir. Et savoir aussi que contrairement au thermique, l’électrique consomme moins en ville et davantage sur route.

Maîtriser le silence (ou l’absence de bruit moteur)

Dans l’esprit du grand public, électrique est synonyme de silence. On sait que ce n’est pas tout à fait exact, car les bruits émis par un véhicule en mouvement ne proviennent pas seulement du moteur, mais également du frottement de l’air sur la carrosserie et du roulement des pneumatiques sur l’asphalte. Mais l’absence de bruit moteur peut signifier pour de nombreux conducteurs une perte de repère importante. Alors bien sûr il y a l’AVAS en dessous de 20 km/h, et les sons « de moteur » artificiels ou amplifiés comme le proposent surtout les premiums allemands, mais nombre de voitures électriques n’émettent absolument aucun son, comme c’est le cas pour une partie de la production d’avant juillet 2019, date d’entrée en vigueur de l’AVAS. L’enjeu de maîtrise est alors double, et relève de la sécurité : d’une part, « sentir » sa voiture sans le bruit du moteur, d’autre part, prendre soin des piétons en anticipant le fait qu’ils ne nous entendent peut-être pas arriver.

Au final, on sait que le permis de conduire ne concerne pas juste le fait de conduire, mais également la connaissance des fondamentaux de son véhicule et du Code de la route. En matière d’électrique, les codes évoluent, et la conduite n’est plus la même. Une petite initiation ne semblerait pas de trop.

(*) pour ceux qui ne comprennent pas cette fin de phrase, je vous laisse trouver la référence (indice : monégasque)


PS : le dernier point de mon édito de la semaine dernière a suscité quelques réactions (passons sur les attaques ad hominem). Peut-être que ma formulation était maladroite, mais il est évident que je ne confonds pas emplacements de bornes de recharge et places de parking, et je n’encourage personne à le faire, puisque je me bats contre cela moi-même au quotidien dans mon parking. Je disais juste que dans certains cas qui restent exceptionnels, cela peut représenter une commodité. En disant cela, j’avais en tête ces grandes surfaces qui proposent plusieurs emplacements de recharge, souvent inoccupés, alors que dans le même temps leur parking est saturé. Dans ce contexte, mon propos était de dire qu’il ne me paraissait pas totalement infamant de s’y garer juste le temps d’une course de quelques minutes, et d’en profiter pour faire une petite charge, même si elle n’est pas indispensable à ce moment précis, à condition bien sûr qu’il reste plusieurs autres bornes disponibles et que l’on soit sûr que cela ne gêne personne.