Née de la volonté de son président Jean-Christophe Martin d’assurer une continuité de service, l’entreprise TEMLab n’était pas prédestinée à proposer de nouveaux produits très différents de l’habituel matériel disponible sur le marché pour recharger les véhicules électriques. L’heureuse évolution est la suite logique d’une réflexion poussée avec un autre personnage important dans la société, Didier Beaulieu. Depuis, le catalogue s’est étoffé avec des solutions originales et astucieuses Made in France.
En Charente-Maritime
S’étant fait connaître d’Automobile Propre il y a déjà quelques années, TEMLab espérait bien le passage de quelqu’un de la rédaction. C’est pourquoi l’équipe s’est montrée très ouverte à nous présenter son activité réalisée en France de façon artisanale.
Trouver le site d’installation à Saint-Genis-de-Saintonge en sortant de l’autoroute A10 n’a pas été difficile. Une pépinière d’entreprises dans une commune d’un peu plus de 1 200 habitants, ça se repère vite. Et lorsque nous avons aperçu deux Renault Zoé stationnées l’une à côté de l’autre, nous avons su que c’était là.
« L’une est notre voiture de fonction, et l’autre est mon véhicule personnel. Ce modèle est parfait pour effectuer les tests de recharge », nous explique Jean-Christophe Martin. Gérant de l’entreprise, il est venu à notre rencontre lorsque nous avons garé notre voiture électrique devant le bâtiment. Il est responsable du développement de la PME. Et c’est lui qui se charge de la conception électronique du matériel.
L’équipe
En notre présence, deux autres personnes s’activaient chez TEMLAb. Caché derrière 2 larges écrans en enfilade, Louis est informaticien. L’entreprise développe elle-même et sur place les logiciels de ses bornes de recharge. L’intégration du jeune homme à l’équipe lui a permis de découvrir et d’apprécier la voiture électrique.
Naviguant entre les différentes zones de l’entreprise, Sébastien a pour principale responsabilité la production. Il effectue ainsi l’assemblage des produits. Ou leur mise à niveau. Lors de notre passage, par exemple, plusieurs exemplaires de la borne Premy attendaient le remplacement du connecteur T3 devenu obsolète, par une prise T2. « C’est notre premier modèle, lancé en 2018, et classiquement utilisé pour la recharge publique ou en entreprise. Celles-là proviennent de la métropole de Bordeaux. Nous en avons diffusé plusieurs centaines d’exemplaires », souligne Jean-Christophe Martin.
Ce vendredi 17 mars 2023, Didier Beaulieu n’était pas sur place, mais à Toulouse, à plus de 300 km. Cette distance, le responsable de la stratégie et du développement commercial la parcourt régulièrement avec sa Ford Mustang Mach-E. Dans la ville rose, TEMLab a créé il y a 6 mois une entité spécialisée dans l’installation de bornes pour le grand Sud-Ouest.
Une bonne rencontre au bon moment
De formation, Jean-Christophe Martin est électronicien : « J’ai fait mes armes en laboratoire universitaire à Bordeaux, entre 2005 et 2010. Puis je suis revenu dans la région où j’ai développé les parties électroniques et informatiques de bornes de recharge à installer en voirie. C’était pour une entreprise qui souhaitait se diversifier. Elle avait d’autres activités, notamment dans le domaine de la radio ».
Mais en arrivant à l’aube des années 2020, les choses vont changer pour lui, mais aussi pour Didier Beaulieu : « J’effectuais des missions comme consultant dans le groupe Cahors. C’est là que j’ai rencontré mon partenaire Didier Beaulieu, lui aussi à une charnière de sa carrière. Les repreneurs de l’entreprise dans laquelle il travaillait poussaient les anciens à partir à la retraite ».
Le profil du responsable de la stratégie et du développement commercial aujourd’hui pour TEMLab est riche, avec 35 ans de service dans le secteur industriel, dont 10 ans comme prescripteur pour le groupe Cahors. Il s’est aussi illustré en s’engageant dans le monde associatif, notamment au bureau de l’Avere Occitanie.
Recharge mutualisée, recharge partagée
Lors de la création de TEMLab, Jean-Christophe Martin avait une idée bien précise en tête : « Je voulais continuer mon activité pour ne pas laisser les anciens clients en plan. Je souhaitais faire survivre le produit tel qu’il était, et rien d’autre au départ ».
Il est ressorti des discussions avec Didier Beaulieu une nouvelle orientation : « Nous avions échangé sur notre vision du déploiement des véhicules électriques. Comment pouvait-on imaginer l’avenir de la recharge et adapter les produits aux usages ? C’est pourtant bien l’inverse que l’on constate : avec une wallbox, par exemple, ce sont les personnes qui doivent s’adapter au matériel ».
Au cours de leurs entretiens, le futur responsable de la stratégie et du développement commercial voyait un déport de la partie électronique des bornes dans une armoire industrielle. Ce qui a fait cogiter Jean-Christophe Martin : « De là ont fusé 2 idées communes : la recharge mutualisée, et la recharge partagée. Ce qui permet de réaliser des économies d’échelle et de sécuriser le matériel. L’électronique peut ainsi être déportée dans une armoire logée dans un bâtiment, à l’abri par exemple des intempéries et du vandalisme ».
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Les bornes 22 kW AC fleurissent en France un peu partout dans l’espace public depuis des années : « D’une certaine manière, 22 kW, c’est très puissant par rapport aux besoins réels. Ces bornes sont la plupart du temps sous-exploitées. D’où l’idée que plusieurs personnes puissent se partager un système potentiellement tout au long de la journée. Ce qui lisse la consommation et facilite les prédictions d’utilisation, comme l’espèrent les énergéticiens ».
De ce constat sont nées différentes solutions. Ainsi Many, Multi et Mixy. Pour faire simple, à la place d’une borne de recharge 7 kW (monophasé) ou 22 kW (triphasé) AC, il est possible d’installer un système composé d’une unique armoire de raccordement Many à laquelle sont reliées entre 4 et 12 points de recharge qui eux sont plantés devant les places de parking. Le système va passer automatiquement d’une voiture à une autre en changeant toutes les 30 minutes (durée paramétrable).
Cette architecture, exploitée de façon plus efficace, est au finale bien moins coûteuse qu’en installant une wallbox par voiture. Elle est adaptée aux sites où les véhicules électriques restent stationnés par exemple une dizaine d’heures. Ainsi en habitat collectif, mais aussi dans les entreprises : « Pour ces dernières, une même armoire peut même gérer 2 zones différentes, par exemple la recharge la nuit de 12 véhicules de la flotte de service, et, en journée, sur un autre parking, celle de 12 voitures de membres du personnel ».
C’est pourtant simple
Une question taraudait cependant les 2 partenaires : « Puisque ça nous paraissait si simple, pourquoi les grands fabricants ne proposaient-ils pas une architecture modulaire similaire ? Ils y arrivent aujourd’hui, mais en rajoutant de l’électronique à leurs bornes, ce qui les complexifient. Alors que notre système est structuré et automatisé pour la recharge mutualisée. Nous avons même effectué une recherche d’antériorité en matière de brevets ».
Il a fallu aussi à TEMLab démêler les textes législatifs : « En particulier la norme IEC 61851-1. Comment en arriver à la prise en compte de plusieurs voitures quand les textes sont orientés sur la façon de recharger unitairement les véhicules. Nous avons mis 1 an pour parvenir à un démonstrateur. Nous avons déposé un brevet avec l’idée de passer rapidement à une application technique ».
Le produit final tient même plus que les promesses du prototype : « C’est curieusement après avoir développé Many que nous nous sommes aperçus de sa très grande souplesse d’usage. Ce qui rend cette solution particulièrement adaptée pour prendre en charge jusque 12 véhicules électriques dans les gares et dans les aéroports. Nous avions craint d’accoucher d’un système pas viable, alors que nous sommes tout simplement en avance de phase ».
Déclinaisons Multi et Mixy
TEMLab a décliné à deux autres systèmes le principe de la recharge mutualisée. Tout en conservant l’unique armoire de raccordement qui centralise tout l’électronique, Multi permet de recharger jusque 6 voitures électriques en simultanée à une puissance de 7 kW.
Comme le laisse supposer son nom, Mixy se situe entre les 2. Il peut alimenter 3 systèmes individuellement à 7 kW avec un raccordement 22 kW : 2 peuvent fonctionner selon le scénario Multi en alimentant individuellement et en simultanée une voiture électrique, et le dernier servir cycliquement plusieurs véhicules.
« Mixy permet ainsi de privilégier certains usages dans une entreprise avec une recharge plus rapide. Nous pouvons aussi adapter nos systèmes pour des besoins spécifiques réels. Par exemple, pour un hôtel-restaurant, une recharge de type Many la nuit au bénéfice des clients qui dorment sur place, mais plus rapide et simultanée pour ceux qui viennent déjeuner dans l’établissement », illustre Jean-Christophe Martin.
Clientèle
Les clients de TEMLab sont des communes et collectivités de communes, entreprises privées ou publiques, commerces, maisons de la santé, copropriétés, etc. : « Notre première installation d’ampleur, c’était pour Sorégies, le fournisseur d’énergie de la Vienne, avec 30 points de charge. Les syndicats de l’énergie sont nos clients les plus représentatifs. Non seulement ils disposent d’une flotte de véhicules électriques, mais en plus ils sont prescripteurs sur leur territoire ».
Il y a aussi les hôtels de police : « Avec ces derniers, ça marche beaucoup par le bouche à oreille. Quand ces établissements convertissent leur parc à électrique, ils rencontrent relativement souvent des problèmes de puissance s’ils sont installés dans d’anciens bâtiments avec le chauffage électrique et la climatisation ».
La clientèle apprécie la réactivité et la disponibilité de l’entreprise, ainsi que sa faculté à s’adapter aux besoins : « La disponibilité est notre grande force. En outre, nous avons la maîtrise sur tout concernant nos solutions de recharge : rien n’est sous-traité. Nous ne commercialisons pas des produits industriels figés. Ce qui nous permet de vraiment adapter nos systèmes à la demande. Nous pouvons par exemple inclure des prises pour les vélos à assistance électrique ».
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Si les professionnels forment l’essentiel de la clientèle de TEMLab, une solution a été développée aussi pour les particuliers. Ils s’agit de Tiny, une borne miniature et intelligente : « Développer nos bornes mutualisées nous a amenés à nous intéresser à la recharge individuelle. Pourquoi ne pas concevoir une borne avec le juste nécessaire pour charger à la maison ».
Ce qui n’empêche pas la Tiny d’être connectée : « Elle peut être pilotée par le compteur Linky, avec, en option, le couplage à une production photovoltaïque individuelle. Ainsi, quand les panneaux produisent, la recharge démarre ». Afin de ne pas avoir à s’embarrasser à sortir le câble du véhicule, la Tiny, à peine plus grosse qu’une prise renforcée de type Green’Up, possède le sien en présentation enroulée, à la matière des combinés téléphoniques.
D’autres solutions intéressantes figurent au catalogue de TEMLab, dont les modèles portatifs Moby et Mini Moby : « Le prototype a été testé sur le circuit Beltoise de Haute-Saintonge ». En revanche l’entreprise ne propose rien concernant la recharge en courant continu. Ses dirigeants partent du principe que l’offre du marché est déjà suffisante à ce niveau.
Automobile Propre et moi-même remercions toute l’équipe de TEMLab pour son excellent accueil et le temps consacré à notre visite.
Bravo a la société TEMLab, c’est exactement ce que je n’arrête pas de dire sur ce forum, faudrait démultiplier les bornes 22kW inutiles pour la plupart des voitures électriques !
Mais c’est un poisson ou pas ?
Je tiens à apporter une précision sur la phrase suivante : » Elle peut être pilotée par le compteur Linky,… » : Ceci est complétement faux.
Le compteur linky ne peut pas piloter d’appareil et n’est pas conçu pour cela. La seule chose qu’il possède est un petit relais pour le ballon d’eau chaude ( Heure creuse ).
Je sais bien que les discours commerciaux font des raccourcies pour faire imaginer des fonctionnalités rêvées mais le compteur Linky (comme l’ancien compteur électronique) ne peut qu’informer, via la sortie TIC, de la consommation actuel du bâtiment.
C’est donc bien le produit de cette entreprise qui décide, in fine, de la consommation possible du véhicule.
Une petite note sur cette précision serait la bienvenue. Je suis électronicien et j’ai travaillé sur le compteur électronique ainsi que le compteur Linky.
Sujet intéressant,mais pas assez détaillé.
C’est quoi le principe de fonctionnement?
12 prises qui délivrent 1/12eme de la puissance totale? Dans ce cas, si la carte de gestion de charge est déportée dans l’armoire, elle gère 12 connexions de CP/PP (le protocole 61851 en effectivement point à point, donc une ligne de communication par véhicule).
Une charge de 30mn sur une prise, puis on passe à la suivante, etc? Dans ce cas il faut encore 12 liaisons de communication, mais en plus il faut gérer l’arrêt d’une charge, son redémarrage etc…
Ou un autre système?
Parce que bon, que ça soit un partage de puissance, ou une charge « tournante », il n’y a pas vraiment de quoi en déposer un brevet :)
Par contre s’il s’agit de dialoguer avec les 12 voiture, de calculer une puissance de charge différente pour chacune d’elle en fonction du besoin (SOC à récupérer et à quelle heure), et répartir la puissance globale de façon intelligente, tout en se servant du Linky pour faire un délestage ou un réajustement de la puissance distribuée en fonction de ce qui est reste disponible par rapport à la conso du batiment, donc un délestage gradué et pas tout ou rien, alors là oui il y a nouveauté.
Si c’est alterner 30mn de charge sur chaque prise, bofbof.
Bref, dommage de ne pas aller plus loin dans les articles d’Automobile Propre…
Plein de nouvelles idées, c’est super!! Bravo et continuez!
A ce stade, autant installer des prises green-up… C’est encore moins cher, plus simple et tout aussi efficace
bravo !
Le concept me paraît genial. Exemple : sur un parking de covoiturage sur lequel il m’arrive de laisser ma voiture pour la journée, il y a 2 bornes 22kW AC. Elles sont pratiquement constamment désertées (malgré la presence régulière de VE sur l’aire), car la charge est limitée à 4h maxi avant application d’une surtaxe dissuasive. Or les automobilistes laissent leur voiture garée de 7h30 à 17h00-18h30, c’est le propre d’un parking de covoiturage… Une ‘charge tournante’ de nombreux VE raccordés à ces deux bornes serait à coup sûr un must !
Merci pour cet article.
Ça me fait plaisir de voir que la recharge stationnaire peut enfin être prise en compte avec une connexion et du matériel limité.
Je ne recharge pas beaucoup à l’extérieur, mais j’ai déjà connu plusieurs situations où la borne était occupée par une voiture qui ne chargeait plus. Ce n’est pas toujours simple de venir déplacer sa voiture en fin de charge quand on a une réunion qui dure toute l’après-midi ou quand on s’est éloigné de la voiture. Dans ces conditions, ce type de matériel me semble être la solution idéale en permettant la connexion de plusieurs voitures en même temps, même si elles ne chargent pas toutes en même temps.
Il me semble cependant qu’il y aurait quelque chose à inventer du côté du DC parce que la plupart des voitures à l’exception des Renault n’ont pas un chargeur AC très rapide. Etre capable de fournir du 22 kW DC (ou même 43kW) à quasiment toutes les voitures permettrait une gestion plus fine de la répartition de charge : en AC, certaines voitures doivent rester connectées plusieurs heures même si la borne disposerait de suffisamment de puissance pour aller plus vite. Tant qu’il n’y a qu’une voiture connectée, la borne DC pourrait la recharger rapidement, laissant la disponibilité de la puissance pour une autre qui arriverait ensuite. En permettant la puissance maxi sur presque toutes les voitures, l’organisation serait plus facile : il suffit d’avoir une estimation du temps de stationnement prévu par l’utilisateur et la borne peut gérer ses priorités pour que toutes les voitures soient chargées au moment du départ. En AC, il faut en plus tenir compte de la puissance admissible et de la capacité de batterie de chacune, et donc du temps qu’il faudra charger pour arriver à un niveau acceptable au moment du départ.
Or, à ma connaissance, ce type d’équipement n’existe pas, à part sur les bornes Tesla qui peuvent partager la puissance entre 2 voitures.
Mon idée serait créer une borne avec 4 câbles CCS qui se positionnerait au milieu de 4 places de parking. L’utilisateur annoncerait son heure de départ prévu et serait facturé au temps de connexion après cette heure annoncée. Ensuite, la borne gère la charge des 1-4 VE en fonction de la puissance disponible et des heures de départ annoncées.
Evidemment, ça ne remplacerait pas les bornes de recharges rapides, mais ça améliorerait déjà grandement le problème des voitures ventouses devant les bornes.
Dans certains parking d’hôtel, j’ai parfois vu 2 ou 4 places avec 2 ou 4 bornes, toutes occupées. Avec ce système, 4 bornes permettent le stationnement de 16 voitures, et elles peuvent toutes être rechargées après une nuit de stationnement !