Sponsor-titre de la Formule E, ABB est investi dans la mobilité électrique. Nous avons rencontré le directeur de la branche française du groupe suédois, Jacques Mulbert, nous parlant de cette alliance et des ses investissements.

Inconnu du grand public, la société ABB s’est tout de même fait un nom depuis 18 mois au travers de son implication dans la Formule E, dont elle est devenue sponsor-titre depuis janvier 2018. Vaste groupe aux solutions technologiques variées, la firme est notamment présente sur le domaine de l’électrique. Un choix que nous explique Jacques Mulbert, directeur d’ABB France.

Automobile-Propre : Pourquoi ABB et La Formule E ?

Jacques Mulbert : L’alliance avec la Formule E est complètement naturelle puisque d’un côté nous sommes un des leaders de fournisseurs de technologies et de l’autre côté on a la plus belle vitrine de cette technologie dans le monde, qui est la course automobile.

En 1 an et demi, cette alliance a largement dépassé nos espérances. Premièrement sur sa popularité. Elle s’étend géographiquement, avec par exemple le Moyen-Orient cette année, et prochainement plus de courses en Asie, en particulier en Corée.

L’ePrix ABB Formule E de Paris 2019

C’est un championnat qui passionne. Contrairement à d’autres courses, il est très ouvert. On voit aussi que peu à peu tous les grands constructeurs automobiles se rallient, avec BMW, puis Mercedes et Porsche en saison 6.

Vous pensez que cela concurrencera vraiment la F1 ? A l’opposé, il y a un vrai rapport avec la voiture de tous les jours ?

Oui, cela montre la réalité de la technologie au plus grand nombre, c’est un ambassadeur de la technologie. On que sur les véhicules de tourisme ou les transports en commun, il y a une arrivée massive de l’électrique. Cela va être pareil sur la course automobile.

Pour l’avenir, je n’ai pas la baguette magique, mais nous sommes convaincus qu’il y aura un croisement entre Formule E et F1 à un moment donné. Je pense que la Formule E la remplacera. Si vous avez observé, la FIA a investi dans la FE, ce qui n’était pas le cas au départ.

La future formule E de Mercedes EQ

Chez ABB France, on la ferme ambition de contribuer au développement de la mobilité électrique, sur la terre, sur la mer, et sur les rails, on a des initiatives de développement communes avec par exemple la SNCF, la régénération pour les trains lourds fret, et le remplacement des diesel de secours par des batteries.

D’autres disciplines en vue ?

Il faut définir les priorités, on a choisi de sponsoriser la Formule E, je ne pense pas que l’on aille sponsoriser d’autres initiatives. En revanche, que l’on contribue technologiquement à la naissance de ces initiatives, oui ! Il y a d’autres belles initiatives dans la mobilité durable et électrique, sur mer, avec l’initiative à la Rochelle Esprit de Vélox par François Fret à laquelle on contribue. Pour que cela se développe, on a besoin de vitrine, on a besoin de réalisme dans la capacité à servir les gens.

Dans la recharge, vous avez de nombreux projets, d’autres sont-ils à venir en Europe ?

Nous sommes déjà les leaders de la recharge rapide, mondialement, et en France aussi. Nous avons une base installée dans 73 pays et nous avons plus de 10.500 chargeurs rapides installés.

En Europe et en France, on déploie les recharges de Ionity. On représente environ 30% du parc installé, que ce soit des acteurs privés ou des grands réseaux en création.

Au Royaume-Uni, le projet Gridserve parle de 500 kW. Vous envisagez encore plus rapide ?

Nous avons créé des technologies de rupture dans le secteur en lançant notre dernier chargeur rapide, le TerraHP, le plus puissant du marché. Il permet en 8 minutes de recupérer 200 km d’autonomie. À un moment donné, la course à la puissance n’a de sens que si les batteries suivent.

Aujourd’hui, peu de batterie peuvent se charger à 350 kW. Nous avons des chargeurs plus puissants, à 600 kW, mais seulement pour les bus, donc cela dépend du marché auquel nous nous adressons. 500 kW pour le marché automobile, c’est trop tôt.

Il y aura un compromis à trouver entre la rapidité et la puissance […] Ce sera compliqué de mettre des chargeurs de 500 kW partout compte tenu de l’impact que cela aura sur le réseau électrique.

Justement, chez les bus, vous faites partie du projet Tossa à Genève. Cela est-il fructifiant et allez-vous étendre cette solution ?

Oui tout à fait, car nous allons en installer un à Nantes, il sera inauguré en septembre ou octobre. C’est un bus qui présente la particularité d’être rechargé aux arrêts, soit une quinzaine de secondes.

Cela permet de ne pas embarquer beaucoup de batterie, c’est la clé. Vous pouvez donc utilisez le poids pour ses passagers, donc des bus doublement articulés, soit la capacité d’un tramway, sauf que le coût d’investissement pour les infrastructures est 5 à 6 fois inférieur. Nous sommes convaincus de l’avenir brillant de ses solutions. Nous avons déjà des discussions en France, que ce soit à Paris ou à Bordeaux.

Vous êtes investi aussi sur d’autres formes de mobilité, comme les navires avec des projets électrique et hydrogène. Vous envisagez aussi l’hydrogène pour la route ?

Notre objectif, c’est de fournir la technologie rendant la mobilité électrique réelle, sur route, sur rails ou sur mer, nous sommes agnostiques. Dans le domaine maritime, cela fait des dizaines d’années, nous sommes passés du thermique à du diesel en générateur électrique avec 30 à 40% d’économie. La majorité des bateaux de croisière sortant des chantiers de l’Atlantique sont motorisés par ABB. C’est le premier pavé de la mobilité électrique sur la mer. On voit poindre la vraie propulsion hybride, en Norvège par exemple où on passe en 100% électrique dans les fjords. Il y a aussi du 100% électrique, mais la limite c’est la charge. On le fait à condition que l’on puisse les recharger, par exemple entre le Danemark et la Suède.

C’est compliqué de parier sur l’hydrogène. Dans les développements à venir, c’est quelque chose que l’on regarde, qui peut être une solution pour donner plus d’autonomie. Nous voyons d’abord se développer les réseaux de charge pour les batteries. La vraie question qui se posera, c’est le coût d’obtention d’un hydrogène propre car aujourd’hui l’électrolyse est chère. Pour nous, ce n’est qu’un moyen de stocker l’électricité. Dans la marine cela va se développer et nous avons des projets en cours.

Vous prenez part également au développement de grandes usines de batteries en Europe ?

Aujourd’hui, il y a au moins deux gros projets, il y a celui de Northvolt, et celui franco-allemand, avec Peugeot, Siemens [ndlr : “l’Airbus de la batterie”]. Ces projets ont une volonté d’une meilleure maîtrise de la technologie en Europe.

Celle à l’état solide vont arriver, probablement avec une rupture, et rééquilibrer le marché car toutes les cellules sont fabriquées en Asie. La manière dont on va énergiser ces batteries est importante, la raison pour laquelle on délocalise en Suède, c’est l’hydroélectricité.

En France, on est privilégié, nous avons l’énergie nucléaire, qui ne dégage pas de CO2 mais qui a d’autres difficultés qu’il faut opposer. Il y a une problématique sur l’amont de tout ce qu’on fabrique et ce qui est supposé vert.