Pour de nombreuses voitures électriques, il est impossible de réparer ou d’évaluer les dégâts sur un pack de batteries, même légèrement endommagé après un accident. Cela pousse les assureurs à envoyer à la casse des voitures avec parfois seulement quelques kilomètres au compteur, augmentant les primes au passage et annulant les bénéfices dans ce domaine de passer à l’électrique.

Un pack de batteries sur une voiture électrique peut coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros et représenter jusqu’à la moitié de la valeur d’une voiture électrique. Et si vous avez une panne ou un accident, les remplacer est bien souvent une décision qui ne fait pas sens financièrement parlant. C’est ce que révèle une enquête publiée par Reuters en association avec des assureurs britanniques et américains.

L’agence de presse a ainsi fait une recherche dans les casses outre-Atlantique et sur le Vieux Continent sur les ventes d’épaves de voitures électriques et a découvert une forte proportion de Tesla, de Nissan, de Hyundai, de BMW, de Renault et de voitures du groupe Stellantis, toutes avec de faibles kilométrages.

Des réparations difficiles et un diagnostic impossible

Pourquoi ? Cela vient en fait du choix fait par le constructeur dans le développement de son modèle. Ainsi, Ford et General Motors ont fait des efforts pour rendre leurs packs de batteries plus faciles à réparer, mais d’autres, comme la marque d’Elon Musk, ont choisi le chemin inverse. Ainsi, les cellules 4680 du Tesla Model Y sont collées ensemble pour former un pack qui devient de plus un élément structurel du châssis, ce qui limite les coûts de production, mais le rend trop complexe, voire impossible à enlever et/ou à réparer, l’envoyant directement à la casse au moindre problème.

Même avant d’arriver au stade de la réparation, il est déjà difficile ne serait-ce que d’évaluer l’état du pack de batteries, de nombreux constructeurs ne permettant pas à une tierce partie d’accéder aux données liées aux cellules. Dans le doute, et pour ne pas prendre de risques, les compagnies d’assurance préféreront donc déclarer la voiture épave, même si le pack est juste légèrement rayé et avec des cellules probablement intactes, comme le confie un porte-parole d’Allianz. Michael Hill, responsable des opérations chez Synetiq, plus grand opérateur de casses outre-Manche, estime qu’au moins 95 % des cellules des centaines de voitures électriques (et des milliers d’hybrides) sur ses sites sont intactes et devraient être réutilisés au lieu de passer directement à la case recyclage, le Royaume-Uni n’ayant de toute façon pas d’usines locales s’occupant de cette dernière activité.

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Des conséquences écologiques et économiques

Les conséquences sont ainsi écologiques, puisque la voiture électrique n’aura alors bien souvent pas accompli le kilométrage nécessaire pour compenser les émissions de CO2 supérieures lors de sa production par rapport à un homologue thermique, mais aussi économiques. Statistiquement, les voitures électriques, plus modernes et bardées d’aides à la conduite, ont moins d’accidents. Ajoutez cependant dans la balance un pack de batteries à éventuellement remplacer de façon prématurée et cela donne des primes d’assurance plus élevées.

Ainsi, la moyenne américaine pour un propriétaire d’un véhicule sans émission à la conduite s’élève en 2023 à $206 (environ 192 €), soit 27 % de plus qu’un autre avec une essence équivalente. En Allemagne, chez Allianz, les dommages liés aux batteries ne représentent que quelques pourcents des sinistres déclarées, mais 8 % des coûts.

Il existe des solutions

Les réglementations européennes récemment adoptées sur les batteries n’abordent pas la question de façon spécifique, mais encouragent tout de même à établir des standards qui “faciliteraient la maintenance, les réparations et la réutilisation”.

Pour les assureurs, cela passe par deux chemins parallèles : séparer physiquement les batteries en modules pour les rendre plus simples à réparer ou à remplacer indépendamment des autres, et autoriser systématiquement l’accès aux données des batteries à des indépendants pour leur permettre d’effectuer des diagnostics.

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