Les longs voyages en électrique prendraient plus de temps qu’en thermique ? Peut-être, mais c’est de moins en moins vrai, et la différence est insignifiante.
Si l’on met de côté les anti-VE par principe, compulsifs et épidermiques, qu’aucun argument objectif ne convaincra, la grande majorité des automobilistes qui envisagent de passer à l’électrique hésitent encore pour de nombreuses raisons qui peuvent paraître légitimes.
Des raisons multiples qui finalement se rejoignent autour de la même question, celle de l’autonomie et, d’une façon plus générale, celle de la liberté de circuler sans stress et sans les contraintes liées à la recharge. Parmi ces contraintes, celle de la durée des temps de trajets allongés par les arrêts recharge est souvent évoquée comme un frein à l’électromobilité.
Si l’on peut comprendre cette préoccupation tout à fait légitime, souvent illustrée par des expériences désastreuses, y compris par nos propres journalistes, force est de reconnaître que si l’on y apporte un regard objectif, dans les faits elle est souvent surestimée. Car, bien préparé (c’est peut-être là la principale différence avec un voyage en thermique, et encore…) un déplacement au long cours en électrique ne devrait pas prendre beaucoup plus de temps qu’en thermique. En tout cas, pas au point de constituer une raison valable pour ne pas passer à la voiture électrique, si tant est que l’on ait envie de le faire par ailleurs.
Déconstruction d’un préjugé souvent très exagéré.
Éliminons tout de suite le cas particulier du professionnel de la route (commercial par exemple) qui parcourt en moyenne 300 à 400 kilomètres par jour été comme hiver, voire plus, souvent sur autoroute, parfois dans des régions mal desservies par les réseaux de recharge. Pour lui, rouler en électrique autre que Tesla (grosses autonomies, bonne efficience, mais surtout réseau de Superchargeurs très dense et bien maillé) peut effectivement s’avérer difficile, voire impossible, a fortiori si l’on ajoute le facteur temps, souvent compté pour effectuer une tournée de plusieurs clients dans une journée. L’électrique sera bientôt aussi possible dans ce cas de figure, mais pour le moment il va falloir encore attendre un peu que les réseaux des différents opérateurs se développent. Au rythme actuel, qui semble de plus croître de façon exponentielle, c’est l’affaire de deux ou trois ans maximum pour qu’un gros rouleur du quotidien tel que décrit ici puisse passer à l’électrique sans changer ses habitudes, juste en revoyant légèrement son organisation. Dans ce contexte, la multiplication des points de recharge à destination (hôtels mais aussi restaurants pour pouvoir charger pendant le déjeuner avec un client par exemple) est un élément stratégique du développement de l’électromobilité. Un élément clé dont on ne parle peut-être pas suffisamment, d’ailleurs.
Quelques minutes de plus pour beaucoup de fatigue en moins
Pour les autres cas d’usage, concernant essentiellement les automobilistes qui effectuent seulement deux ou trois grands trajets dans l’année (week-ends, vacances d’été et d’hiver, roadtrips d’agrément, rejoindre de la famille…), le prétendu allongement du temps de trajet ne devrait même pas être une question.
Alors bien sûr, cela dépendra de la voiture, de son rayon d’action, de la vitesse de recharge, et du réseau utilisé, et de la… chance, mais qui ne serait pas en mesure d’accepter qu’un trajet de départ en vacances dure 10 % de plus (et encore, seulement sur un long trajet de plus de 600 km…), si en contrepartie il coûte moins cher qu’en thermique, et génère moins de fatigue ?
Prenons un exemple concret, soit un trajet Lyon-Ile de Ré en juillet avec un mix route-autoroute avec une Volkswagen ID.3 Pro 58 kWh sans pompe à chaleur, soit un modèle désormais assez courant.
Avec ABRP (dont l’UX et l’ergonomie sont toujours aussi abominables), le temps de trajet indiqué avec un départ batterie chargée à 100 % est de 7 h 33, incluant 3 recharges d’une durée totale de 1 heure.
Avec le planificateur d’itinéraire Chargemap, le temps de trajet indiqué est de 7 h 9, incluant 3 recharges d’une durée totale de 54 minutes.
Pour être complet et avoir un point de comparaison, dans la même situation, mais à bord d’une Tesla Model 3 Autonomie Standard, le planificateur Chargemap indique un temps de trajet de 6 h 53, incluant 3 recharges d’une durée de 38 minutes. Si le nombre de recharges est le même, la durée est moindre, ce qui permet de gagner du temps de trajet.
Il est à noter cependant que dans la même situation, le planificateur web Tesla indique bizarrement 8 h 12 de trajet, incluant 3 recharges d’une durée totale de 55 minutes. Il semblerait que le planificateur Tesla soit assez pessimiste, car la réalité est certainement plus favorable et devrait se situer a minima au niveau du temps de trajet des deux autres planificateurs.
Comparons maintenant à ce que nous indique Google Maps, qui fournit des données par défaut fondées sur un trajet en véhicule thermique, puisque le choix de l’électrique n’est pas encore proposé par le service de cartographie de Google. Le résultat est beaucoup moins éloigné des temps indiqués en électrique puisque le trajet le plus court et le plus rapide s’effectuerait en 6 h 50, soit une durée seulement inférieure de 3 minutes au meilleur temps en Tesla, et de 43 minutes par rapport au temps estimé en VW ID.3 par ABRP.
Autant dire que sur un tel trajet, qui consiste quand même à traverser plus de la moitié de la France dans un contexte de vacances, trois quarts d’heure de différence dans le pire des cas ne semblent pas insurmontables. Et encore, Google ne tient pas compte d’un éventuel arrêt pour reprendre de l’essence (même s’il n’est pas forcément nécessaire avec un diesel proposant plus de 700 kilomètres d’autonomie) et les pauses nécessaires toutes les deux heures (qui sont absorbées par les arrêts recharge en électrique).
Il reste cependant un élément important qui n’est pas vraiment pris en compte dans ces simulations, c’est celui du pourcentage de charge restant à l’arrivée. Ici, on est à 10 %, ce qui est un peu juste pour envisager ensuite de se déplacer autour de son lieu de villégiature. Dans ce cas, on revient à la nécessité indiquée précédemment de trouver sur place un hébergement avec recharge à destination. Cela fait partie des éléments qu’il faudra prendre en compte lors de la préparation des vacances, ou de l’itinéraire.
Concernant les arrêts recommandés toutes les deux heures, cela semble tellement tomber sous le sens que seuls quelques extrémistes du volant (et du thermique) affirment être capables d’enquiller 6 ou 8 heures de conduite non-stop « parce que je n’ai pas de temps à perdre et que l’autonomie de mon diesel le permet ». Hormis le fait que l’on puisse émettre quelques doutes sur la véracité de ces affirmations et de la notion de temps à quelques dizaines de minutes près lors d’un départ en vacances, ce n’est à mon humble avis pas avec ces quelques cas isolés que l’on construit un argumentaire. La plupart des automobilistes, même en thermique, s’arrêtent au moins deux fois sur un tel trajet de plus de 600 km ou 7 heures, ne serait-ce que pour prendre un café, déjeuner et/ou faire une pause-pipi. Dans ce cas, les arrêts recharge permettent précisément de faire la même chose, et de fait ils ne comptent plus dans l’équation.
Alors, le temps de trajet en électrique est-il réellement un faux problème ?
Probablement, mais nous parlons là dans un monde idéal, avec des données extraites d’applications, et non d’expériences vécues. Dans la réalité, il faut bien admettre que c’est parfois un peu différent, essentiellement en raison de deux facteurs : la fiabilité des bornes de recharge et leur disponibilité, notamment pour les points de recharge uniques, qui – quand ils fonctionnent – peuvent être pris d’assaut durant les grandes migrations, générant de longues files d’attente.
Pour justement parvenir rapidement à ce monde idéal dans la réalité, il faudra que chacun y mette du sien. Que les opérateurs développent rapidement des réseaux avec une fiabilité optimale, que les hébergeurs et points d’étapes s’équipent de recharges à destination, que Tesla se dépêche d’étendre l’ouverture de tout son réseau aux autres marques (un véritable game changer), que les éditeurs de planificateurs d’itinéraires affûtent encore davantage leurs données (dans l’équation, ce sont cependant les plus performants actuellement) et aussi que les utilisateurs s’acculturent sur le voyage en électrique afin de mieux préparer et planifier leurs itinéraires.
Alors oui, nous pourrons affirmer que la durée de trajet en électrique n’est plus une question.
On y est presque, non ?
Commentaires
allez, un petit témoignage pour le fun :-D
Lorsqu'on calcule la durée que doit passer un automobiliste à la pompe pour faire le plein sur toute l'année, on dépasse de beaucoup le temps nécessaire pour brancher et débrancher la voiture électrique à la maison, soit, quelques secondes. Autre calcul à effectuer : le coût d'un plein d'essence nécessite combien d'heures de travail pour être en mesure de payer la note? Donc, qui sauve du réellement du temps?
je fais le plein 1 fois par semaine, et cela me prend 5 mn à chaque fois.
( report de l'heure d'arrivée par Waze entre le moment ou j'emprunte la voie d'accès à la station, et le moment où je reviens sur la route )
ouvrir le coffre, prendre le câble, le brancher à la voiture puis à la borne, fermer le coffre, ne prend pas 3 ou 4 secondes mais plusieurs dizaines.
avec l'opération inverse le lendemain matin, on atteint sans problème la minute.
si on fait cela tous les jours, le temps gagné est nul ... voir négatif.
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je n'ai pas la possibilité de charger chez moi, je devrais donc utiliser une borne payante qui me reviendra au moins aussi cher que rouler à l'E85.
le surcoût à l'achat d'un véhicule électrique demande combien de mois de travail pour être payé ?
donc qui sauve réellement du temps ?
Évidemment, je comprend que dans votre cas, c'est plus compliqué que d'avoir une borne à la maison. Au Québec, nous n'avons pas à sortir de câble du coffre puisque les bornes sont déjà équipées de câbles. J'ai calculé moins de 10 secondes total pour brancher et débrancher ma voiture chez moi et une économie de plus de 20 000$ depuis 2013 puisque je n'achète plus d'essence et qu'il n'y a plus de changements d'huile. De plus, mon employeur a mis des bornes gratuites à notre disposition ce qui diminue encore plus mes coûts de recharge. Je parcours facilement 20 000 km par année. Je ferai deux voyages en auto cet été : un de 1400 km et un autre de 1600 km. En 2013, le paiement mensuel pour l'acquisition de mon véhicule électrique additionné aux recharges faites à la maison était inférieur à celui de mon véhicule à essence additionné au coût pour l'essence.
L'homme pourri gâté de 2022, qui a vu constamment les choses aller en s'améliorant au cours des décennies passées, ne supporte pas l'idée que dans certains domaines il y ait une régression quelconque, fut-elle minime et toute relative.
Moi je fais ce trajet en 7 heures, madame, le progrès c'est de le faire en 6 heures, pas en 8.
Eh bien il va être déçu le monsieur. Parce que des régressions il va y en avoir dans les décennies qui viennent, et des beaucoup moins anecdotiques que des temps de trajets qui s'allongent.
Je pense que nous touchons le fond du problème. Pas grand monde n'accepte de modifier ses habitudes en y intégrant de nouvelles contraintes, dans le but de prévenir un risque lointain et du coup nébuleux. On préfère continuer sur sa lancée et puis il sera temps de changer quand on aura le nez dans le mur. Sauf que le changement sera à ce moment-là plus brutal et plus désagréable.
Mais c'est humain, on est fait pour ressentir du stress quand le danger est immédiat, sinon on épuiserait notre stock d'adrénaline 😂. Cependant, le propre de l'homme c'est son intelligence, qui devrait être capable de dominer son instinct. Hélas, pour une majorité, c'est raté. 😥
J'ai commencé avec une Kona électrique en 2020, j'ai parfois galéré sur longs trajets. Entretemps beaucoup de Ionity ont ouvert en 2021, ce serait moins un souci. Mais il y a un an j'ai vendu la Kona et pris une Model 3 SR+, je fais souvent Paris Montpellier (750km) avec étape hôtel vers Clermont, les trajets sont devenus très cool: je roule à 120 au lieu de 130, je m'arrête 3 fois pour les charges, je suis bien plus détendu et je ne sens plus de fatigue. Et en plus j'apprécie bien plus les magnifiques paysages entre les Cévennes et Clermont.
Ok, sauf que vous oubliez (et le reconnaissez) que les temps de parcours théoriques affichés ici sont à recalculer avec les temps de pause (VT, y compris GPL, ethanol ou hybride) auquel vont s’ajouter les temps d’accès aux bornes, qui est déjà rédhibitoire aujourd’hui alors qu’il y a peu d’usagers pour une couverture théorique sur autoroute très satisfaite. Et là où un VT va mettre du coup 7h de trajet réel contre 5h théorique, le VE (encore plus sur les modèles entrée de gamme qui se démocratiseront si le gouvernement persiste dans sa lancée actuelle) mettra 9h au lieu de 6h pour le même trajet. Et c’est tout de suite beaucoup de fatigue et de stress en plus. Tous mes collègues ayant choisi en voiture de fonction une Modèle 3 le reconnaissent : il s’agit d’une voiture pour la ville, ou pour un week-end à 2h de Paris. Au delà, ils passent à une voiture de loc, ce qui est idiot quand on pense que l’entreprise prendrait en théorie en charge l’intégralité de leurs trajets avec n’importe quel VT… Ce type d’article tire des généralités de cas parfaits théoriques, c’est du lobbying quoi…
Et ils louent quoi comme voiture pour les longs trajets vos collègues ?
Une Twingo ou une Up! ?
Dire de la TM3 qu’elle ne peut pas aller plus loin qu’à 2h de Paris (150 km quand ça ne bouchonne pas), déjà il fallait oser.
Mais dire qu’avec son rayon de braquage de camion elle est plus adaptée à la ville qu’à la route, ça dépasse tout !!!
Vos collègues n'ont vraiment envie de faire aucun effort, parce que voyager avec une Model 3 ne pause absolument aucun problème.
Franchement, rallonger un trajet de quelques km en contrepartie d'une empreinte carbone bien plus réduite et d'une belle économie financière (en plus du confort), ce n'est pas cher payé.
Souvent, la recharge est plus rapide que le café/pause pipi.
Les gens ne vont donc vraiment jamais comprendre qu'il faudra changer nos habitudes si on veut faire quelque chose pour le climat ? Ca me désespère, on va continuer à devoir donner des chèques gasoil pour ne pas avoir des gens dans la rue (les mêmes qui seront dans la rue parce que l'état ne résout pas les problèmes climatiques)
La Tesla est vraiment la dernière voiture électrique qui nécessite une seconde voiture pour les longs trajets... vos collègues sont soient imaginaires, soit ils sont contre l'électrique quitte à donner des arguments... qui ne tiennent pas la route !