Nicolas Hulot / Crédit Fondation Nicolas Hulot

Hier, jeudi 9 mai 2019, Nicolas Hulot a donné 2 conférences de 2 heures : l’une devant des lycéens en matinée, et l’autre devant un large public, en début de soirée. L’ancien ministre de l’Ecologie a rappelé qu’il croit fermement à la la nécessité de développer la mobilité durable dans un contexte social apaisé en France, en Europe, et dans le monde.

De 6 lycéens…

Devant la grogne montante parmi les élèves sensibles aux valeurs de l’écologie, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, avait pris dans l’urgence la décision de programmer des débats sur le climat dans tous les lycées de France. Et ce, en imposant un créneau : vendredi 15 mars 2019, entre 16 et 18 heures. Soit seulement 4 jours après l’annonce officielle de ce temps de discussion, alors que les épreuves préparatoires au bac tendent déjà les emplois du temps.

De quoi fâcher enseignants et étudiants ! D’autant plus, pour ces derniers, que la date correspondait à celle fixée par la jeune militante suédoise Greta Thunberg pour l’émergence de manifestations de jeunes, un peu partout en Europe, sur le même sujet.

Au lycée des Cordeliers, à Dinan, la direction avait pris la décision de transformer l’injonction ministérielle en un rapide temps d’échange après le déjeuner, entre les élèves les plus intéressés.

… à toutes les classes de terminale

Si certains de ces lycéens ont répondu à l’appel de Greta Thunberg, 6 autres – des élèves de terminale, pas des mêmes classes, ne se connaissant pas forcément – ont décidé d’agir autrement, avec l’aval du chef d’établissement. Culottés, ils ont tout simplement invité Nicolas Hulot à s’exprimer devant les plus de 200 élèves répartis dans les classes de terminale des Cordeliers.

L’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire a accepté. « Sur la question de la mobilité, il a beaucoup parlé des voitures électriques, et j’ai eu peur qu’il n’aborde pas les autres solutions alternatives », rapporte Tanguy, l’un des 6 élèves organisateurs. « Mais il est ensuite passé à l’hydrogène en nous disant qu’il y croit fermement », complète le lycéen.

Des propos repris devant les adultes

En soirée, Nicolas Hulot était l’invité des porteurs du projet de parc naturel régional Vallée de la Rance Côte d’Emeraude. A nouveau 2 heures pour lui à s’exprimer, cette fois-ci devant un public principalement adulte, rassemblé au Théâtre des Jacobins. Un lieu décidé quelques jours plus tôt pour faire face aux nombreuses présences exprimées.

Si l’ancien ministre s’est à nouveau répandu sur une palette de sujets très divers en lien avec l’avenir de la planète, la mobilité a de nouveau été abordé, à la faveur d’une question posée dans le public.

Qu’est-ce que je fais de mon vieux diesel ?

Parmi les plus de 600 personnes qui assistaient à la seconde conférence de Nicolas Hulot, une femme l’a ainsi interpellé : « Avec tout ce que l’on entend sur les voitures électriques, sur l’origine des batteries, sur la pollution et le CO2 dont elles sont responsables, qu’est-ce que je fais de mon vieux diesel ? ».

Sa réponse, l’ancien ministre va la donner en plusieurs temps, de façon morcelée, au fur et à mesure que des éléments à transmettre concernaient aussi d’autres problématiques.

Pour les spectateurs qui auraient encore un doute sur l’avenir de la mobilité, le conférencier a été très clair : « Il faut organiser la décroissance des énergies fossiles ».

Parmi les raisons listées, outre celles en rapport avec la pollution, il a réaffirmé la nécessité de sortir de la dépendance aux pays producteurs de pétrole, afin, à la fois de retrouver une politique intérieure apaisée, et surtout, selon le principe de l’économie circulaire, produire de la valeur sur le territoire français plutôt que d’entretenir le déficit de la balance commerciale.

Le vrai prix du pétrole

Dans l’assemblée, quelqu’un a souhaité mettre en avant que lorsque le coût des énergies est comparé, il n’est jamais pris en compte les frais engagés pour faire face aux impacts environnementaux et de santé publique induits par l’exploitation du pétrole. Pour Nicolas Hulot, ce sont « des milliers de milliards de dollars qui sont dépensés à cause du pétrole pour la santé et l’environnement ».

Il souligne : « développer les énergies renouvelables sur le territoire, c’est choisir un instrument de paix ». Peu importe finalement si le rendement de certaines solutions sont moins bonnes que le pétrole, du moment qu’il est possible d’obtenir, des solutions alternatives, la quantité d’énergie suffisante pour assurer l’autonomie du pays à ce niveau.

Voitures électriques

« En écologie, tout est complexe et il faut choisir le moindre mal, et ne pas provisionner les déchets pour demain. Le diesel pollue plus, mais il émet moins de CO2 que les voitures à essence ; les électriques, c’est pas bien à cause des problèmes d’extraction des matériaux ; etc. Il y a du tri à faire dans tout ce que l’on entend. Les voitures électriques produisent des particules en roulant, mais elles atteignent différemment la santé », a détaillé Nicolas Hulot.

Lui qui roule, entre autres, en BMW i3, a poursuivi sa réponse en justifiant indirectement son choix de modèle : « Quand elle est livrée, une voiture électrique a déjà une bonne partie de son bilan carbone et de polluants avec elle. Les bonnes voitures électriques sont celles qui sont construites avec des matériaux recyclés, dans des usines alimentées par les énergies renouvelables, et dont les batteries utilisent des éléments obtenus en préservant les valeurs humaines, sociales et environnementales ».

Voitures à pile hydrogène

« L’hydrogène, c’est un peu mon dada ! Je me réjoui d’avoir pu lancer le plan hydrogène quand j’étais ministre. Nous avons tous les acteurs en France pour produire proprement ce gaz et l’exploiter déjà dans les véhicules routiers et maritimes, puis demain dans le secteur aéronautique. Je suis un émule de Jeremy Rifkin [NDLR : Economiste, essayiste, conseiller politique et activiste américain, spécialiste de prospective économique et scientifique, militant du développement de l’hydrogène] », plaide Nicolas Hulot.

Des propos qui ont fait réagir un auditeur : « Moi, je suis un enfant de l’Amoco Cadiz [NDLR : Pétrolier qui a fait naufrage en mars 1978 sur les côtes finistériennes]. Nous les Bretons, on a déjà assez donné avec les catastrophes pétrolières. Si de l’hydrogène va dans la mer, au moins, il n’y a pas de pollution ! ».

Soutien fort

« Je crois fermement en l’avenir de l’hydrogène. A Pau, des bus à hydrogène vont bientôt circuler. Les Coréens ont réussi à diviser par 10 en relativement peu de temps le prix des piles à combustible. Eux, les Japonais et les Chinois risquent de passer avant nos industriels français si l’on ne fait rien. Chez Alstom, on fabrique des trains alimentés à l’hydrogène. Mais pas un seul projet en France avec eux. En revanche l’Allemagne est intéressée par ces modèles, pour les faire circuler dans la Ruhr », a complété Nicolas Hulot, toujours applaudi de façon très nourrie par les auditeurs, hier soir.

Tanguy, également présent à cette deuxième conférence, estime que le ministre « a davantage développé le soir les arguments en faveur de la mobilité durable exprimés le matin devant les lycéens ».

Gilets Jaunes

L’ancien ministre se devait aussi d’aborder le volet solidaire qu’il juge nécessaire avec toute action écologique : « On a invité pendant longtemps les Français à acheter des voitures diesel. Des taxes peuvent être modulées pour favoriser la mobilité alternative. Mais il ne faut mettre personne dans l’impasse. Il faut un coussin social. Personnellement, je tenais à ce que l’intégralité de la taxe carbone soit affectée aux personnes qui en avaient besoin du fait des choix fait pour la mobilité durable ».

Il témoigne en outre : « Quand on est au gouvernement, on est sous le feu permanent d’injonctions contradictoires. A l’instant où vous êtes nommé, vous n’avez plus de temps pour la réflexion. Il en faut pourtant pour prendre les bonnes décisions ».

Réfugiés climatiques

« Aujourd’hui, il y a 4 fois plus de déplacés climatiques que de déplacés en raison de conflits. Il y a une situation d’humiliation qu’il faut désamorcer. Autrefois, quand une catastrophe climatique survenait, ceux qui la subissaient pensaient : ‘C’est la fatalité’. Mais maintenant, avec Internet, les personnes qui endurent de tels événements découvrent qu’ils sont créés par l’activité des pays plus développés, pour produire des biens dont eux ne profitent pas, et sur leur dos, par l’exploitation de ressources présentent chez eux. Quand la nature humaine est humiliée, elle réagit, d’autant plus fortement quand des enfants sont touchés par cette humiliation », a prévenu Nicolas Hulot.

« Nous n’avons pas d’autre option que de réduire les inégalités. Il n’est pas normal que 1% de l’humanité concentre entre 60 et 70% de richesse. La marche triomphante du progrès a du plomb dans l’aile. Ce qui m’effraie, c’est quand les gens se voilent la face », s’inquiète l’ancien ministre venu à Dinan en voisin.