Automobile-Propre retrace pour vous l’histoire de Mendrisio, en Suisse, qui a lancé entre 1995 et 2001 un test grandeur nature de véhicules 100 % électriques.

Au cours des années 90,  Les petits et grands constructeurs tentent de se lancer dans le Véhicule Electrique… mais le grand public n’adhère pas en raison du surcout à l’achat et de contraintes inacceptables : moindres performances, temps de recharge, nombre de cycles …. Plusieurs tests seront menés comme sur l’Ile de Rugen (de 1992 à 1997 avec une trentaine de VEL de marque allemande : BMW, Mercedes ou VW). L’auto partage peinera à démarrer : Procotep à Montpellier en 1971 et plus tard Praxitèle à Saint Quentin en Yvelines testant la recharge par induction en 9 stations (50 Clio dédiées) de 1997 à 1999 … il faudra attendre La Rochelle  par la volonté de son député maire emblématique Michel Crépeau pour voir s’installer Lisélec avec 50 VEL (25 Peugeot 106 et 25 Citroen AX – SAXO..) devenu Yelomobile aujourd’hui…

Mais c’est en Suisse qu’un essai de grande envergure va être mené de 1995 à 2001 à Mendrisio.  Initié par les autorités sous la houlette de l’OFEN (Office Fédéral de l’Energie), cette expérience de mises à disposition de véhicules électriques au grand public suscitera un grand intérêt aupres des décideurs de la planète toute entière. L’avènement du VEL aurait vraiment démarré là !

Le projet poursuivait principalement trois objectifs:

  • démontrer l’intérêt d’une utilisation judicieuse des VEL dans la vie de tous les jours,
  • tester et évaluer les mesures incitatives et promotionnelles,
  • intégrer les VEL dans une conception de la mobilité progressiste et écologique.

De 1995 à 2001

L’essai a démarré officiellement le 23 juin 1995 et a duré jusqu’au 30 juin 2001. Il a permis de démontrer qu’une voiture électrique consommait l’équivalent de 2,5 litres d’essence aux 100 kilomètres avec un degré de satisfaction élevé. L’objectif initial de 350 VEL a été dépassé puisque 396 VEL*  seront en circulation (objectif atteint à 110 %).

Dans la pratique, les habitants de Mendrisio (20 000 habitants) mais aussi des communes environnantes  ont été incité à utiliser des Véhicules Electriques (essais, location, autopartage et achat) en bénéficiant d’aides très incitatives  (60% de subvention à l’achat, absence de taxe de circulation, assurance à tarif préférentiel, parking et recharge gratuit).

Les premiers VE mis à disposition (location et vente) étaient de petites voitures et des berlines 4 – 5 places et utilitaires : Peugeot, Citroen, Renault et Fiat, VW …).

Au départ, une poignée d’habitants s’est montré intéressée par cette nouveauté puis, le bouche à oreilles aidant, la promotion et l’engagement de la puissance publique et les économies réalisées,  ont favorisé l’engouement pour le véhicule électrique.

*Peugeot 106, Citroën AX/Saxo, Renault Clio, VW CitySTROMer , Honda EV+ (1997)  Toyota Prius 1 (2000 et 2001) , Fiat Panda Elettra, Mini Evergreen, Microcar light, Kewett El-jet 4, Ligier Optima Sun, CityEl, Ligier Ambra, Twike/S-Lem Et des utilitaires : Renault Express, Mercedes 308, Citroën Berlingo, Peugeot Partner, Volta, Boxel  …

Des usagers globalement satisfaits

Publiée à l’époque par l’AVERE Europe, la revue Mobil E rendait compte à chaque numéro d’interviews d’utilisateurs, tous globalement satisfaits mais soulevant des problèmes d’autonomie, de temps de recharge et de surcoût à l’achat. En voici quelques extraits :

  • Mme Ursual Oberli a parcouru 15 000 kms avec une Peugeot 106 dont l’autonomie d’environ 45 km est un peu faible, surtout l’hiver. Le coup de pouce financier aura été déterminant,
  • Garard Mocceti a conduit une City El durant 36 000 km puis 25 000 km en MICROCAR … Il trouve le temps de recharge long et un cout à l’achat qui reste élevé a regard des prestations,
  • Renato Salvi a fait 10 000 km en 3 années avec une Renault Express E l. Après le réglage des incidents du début, tout est rentré dans l’ordre,
  • Karl Schroff se félicite de sa Citroen AX notamment par son autonomie de 80 à 90 km,
  • Mme Suzanne Vegmann est satisfaite de sa Peugeot 106 : sur le plat elle monte à 90 km/h  et j’ai fait jusqu’à 100 km en record mais plus généralement je fais entre 60 et 80 kms une recharge complète dure entre 6 et 8 h.
  • Mme Catherine Muller a utilisé une Kewet donnant 50 kms d’autonomie avant d’utiliser une Clio plus spacieuse et confortable et offrant une autonomie de 80 kms

Honda EV+ et Toyota Prius 1

En milieu de période, Honda est venu tester son modèle EV+, une berline 2 portes et 4 places équipée de batterie Nickel Métal Hydrure de 30 kWh  avec un limiteur électronique de vitesse à 130 km/h et consommant 22 kWh/100 km. L’autonomie réelle atteignait 130 km, voire 170 sous certaines conditions.

Uniquement mises en location, ces voitures offraient des performances largement supérieures aux autres en termes d’accélération, de vitesse, d’autonomie réelle et de confort. Elles furent récupérées par Honda pour réapparaitre en 2002 équipées d’une pile à combustible (EV1 puis EV2)  et furent proposées en location au Japon et USA …

A partir de 2000, Toyota a  également mis en test  sa PRIUS 1,  présentée au salon de l’auto de Genève en 1997. Cette voiture hybride essence-électrique a d’emblée séduit les utilisateurs qui n’avaient plus la contrainte de la recharge ni de l’autonomie limitée.

A Mendrisio, Honda a testé sa petite voiture électrique EV+

Un engagement variable des concessions

Part essentielle de l’expérience, le degré d’engagement des revendeurs s’est révélé très variable. Alors que le garagiste qui a obtenu le meilleur résultat a vendu une voiture électrique sur trois voitures neuves en 1999, l’intérêt pour les VEL a faibli chez d’autres. En cause, un suivi parfois insuffisant de la part des constructeurs et des importateurs et  l’arrêt de la production de certains modèles.

Lors des bilans intermédiaires et dans le bilan final, les mesures promotionnelles ont été jugées indispensables pour encourager les utilisateurs à faire le choix du véhicule électrique :

  • Contributions à l’achat de véhicules : à long terme, soit les prix des véhicules baissent, soit les propriétés qui leur sont liées ont une telle valeur qu’elles contrebalancent les surcoûts.
  • Information : ces mesures servent, d’une part, à familiariser les acheteurs potentiels avec le VEL et, d’autre part, à améliorer le niveau des connaissances.
  • Essais de conduite: outre de brèves courses d’essai, il faudrait aussi offrir des essais de plusieurs jours (vivre avec un VEL).
  • Durée de la garantie sur les batteries: 36 mois sont un minimum.
  • Bornes de recharge publiques: elles sont importantes aussi bien pour les usagers (meilleure exploitation de l’autonomie des véhicules) que pour les acheteurs potentiels (pour abolir les préjugés quant à l’autonomie des véhicules) et pour le grand public (afin de faire mieux connaître le VEL).

Consommation d’énergie : un bilan positif et encourageant

L’école d’ingénieurs de Bienne a mesuré la consommation des voitures électriques sur banc d’essai ET en conditions réelles d’utilisation de plus de 250 véhicules électriques, allant du vélo électrique au bus de 27 places.

Les véhicules électriques de type Citroen Saxo, Peugeot 106 ou Renault Clio consomment en moyenne 24 kWh/100 km dans cette région Montagneuse … Ce qui a permis d’économiser 8 000 litres d’essence en 8 ans  (pour 12 000 km/ an)  selon l’Office Fédéral de l’Energie.

La consommation moyenne d’énergie au quotidien varie beaucoup d’un véhicule à l’autre et selon les modes de conduite. Les voitures de tourisme affichent une consommation moyenne de 25,5 kWh/100 km (voitures à 3 et 4 places) et 23,1 kWh/100 km (voitures à 1 et 2 places). Comme on s’attendait, ce sont les utilitaires qui consomment le plus d’énergie (36,4 kWh/100 km en moyenne) et les scooters électriques le moins (8,4 kWh/100 km).

Ces VEL ont permis de réaliser des économies annuelles se chiffrant à 35.000 l d’essence, 142.000 kg de CO2, 220 kg de NOx et 3 kg de particules (PM10). L’emploi de VEL a également permis de réduire la consommation d’énergie moyenne des véhicules à moteur des ménages tessinois considérés de 14% en un an, soit de 8,5 l à 7,3 l d’essence aux 100 km.

Les émissions occasionnées par le trafic motorisé individuel des ménages propriétaires de VEL ont reculé d’environ 12% en un an pour les polluants atmosphériques considérés.

Si l’on considère les 351 VEL, particuliers et professionnels confondus, il résulte des économies annuelles s’élevant à 65.000 l d’essence. Quant à la réduction totale des émissions due à l’emploi de VEL privés et d’entreprises, elle se chiffre à 240.000 kg de CO2, 420 kg d’oxydes d’azote (NOx) et 10 kg de particules (PM10).

Une voiture électrique consomme 70 pour cent d’énergie en moins qu’une voiture classique équivalente, roule plus silencieusement et ne produit pratiquement pas d’émissions polluantes. Les VEL peuvent donc contribuer à abaisser la consommation d’énergie des transports et les émissions qu’ils produisent.

Coûts du projet

Le cout total de l’essai de grande envergure à Mendrisio se monte à 18 millions.  Le projet en lui-même  a couté 13 millions de francs Suisse. L’OFEN en a pris en charge 53%,  le canton du Tessin 16% et le reste a été endossé par la commune de Mendrisio, divers sponsors et les fournisseurs de véhicules. La participation usuelle de l’OFEN prévue à 40%, a donc été dépassée.

Ces chiffres ne comprennent pas les coûts des véhicules, de l’ordre de 4,4 millions de francs, à la charge des acheteurs de VEL. A la fin du projet, la valeur totale du parc de véhicules électriques se chiffrait à 9,5 millions de francs. En moyenne, les véhicules ont obtenu des subventions de 12.000 francs chacun.

Des retombées techniques économiques ont été  significatives en lien direct avec l’essai de grande envergure :

  • Développement de la batterie ZEBRA par l’entreprise MES DEA SA de Stabio
  • L’entreprise Protoscar SA de Rovio a développé une borne de recharge peu coûteuse.
  • L’entreprise Pitagora SA de Lugano a développé un système bon marché de saisie et d’évaluation des données des véhicules électriques. Ce système a été utilisé dans l’essai de grande envergure.
  • De nombreux visiteurs suisses et étrangers se sont fait une idée du projet en venant sur place et en demandant des informations. Cela s’est traduit notamment par une augmentation des nuitées estimée à 1’000 unités par an.
  • La location de VEL Easy Move lancée à la fin de 1999 dans cinq gares tessinoises ne représente pas seulement un élément central d’une nouvelle conception de la mobilité, mais étend l’offre dans le secteur du tourisme doux.
  • De par l’essai de grande envergure, Mendrisio s’est taillée pendant six ans une renommée internationale en tant que centre de compétence pour les véhicules électriques. La haute considération dont ont joui Mendrisio et le stand communautaire suisse géré par l’InfoVEL lors du congrès mondial annuel «Electric Vehicle Symposium» le démontre de manière impressionnante.
  • Comme le confirme le rapport d’évaluation des secteurs biomasse et transports de l’OFEN en 1999, l’essai de grande envergure mené par Mendrisio et le canton du Tessin a permis d’établir un important know-how dans le domaine de la commercialisation de véhicules économiques : «Mendrisio possède une expérience unique du lancement d’un nouveau système de transport. Il est conseillé de tirer parti de cette expérience pour le lancement à l’échelon de la Suisse de modes de transport efficients et économiques. On recommande par ailleurs d’étendre le centre de compétences de Mendrisio au lancement de la voiture 3 litres et aux véhicules à piles à combustible.» (hiver 1999).
  • Le projet pilote et de démonstration de Wil a montré que les autobus électriques sont supérieurs aux autobus diesel en ce qui concerne la pollution de l’environnement, les émissions de bruit, la consommation d’énergie, le confort et la fréquence de l’entretien. L’autobus électrique a aussi pu être exploité de manière compétitive dans des conditions topographiques difficiles. Des réserves doivent cependant être émises quant à leur autonomie. Par ailleurs, les instruments de management des batteries disponibles au moment de la réalisation de ce projet (1996 – 1998) constituent un réel point faible sur le plan technologique.
  • Pour ce qui est des véhicules hybrides, qui ne sont arrivés sur le marché que vers la fin de l’essai de grande envergure, l’avènement de la Toyota Prius est frappant. Les six premiers mois, 300 de ces véhicules ont été vendus en Suisse et 600 en un an ! Cela montre que cette catégorie pourra s’implanter rapidement sur le marché si l’on parvient à combiner à peu de frais moteur électrique et moteur à combustion.

Moralité : lorsque la puissance publique encadre et s’engage dans la durée aux cotés des constructeurs, revendeurs et autres « pédagogues »  le VEL intéresse le plus grand nombre pour peu que les infrastructures et les mesures promotionnelles incitent à sauter le pas en s’équipant !