L’Europe a voté hier l’autorisation des méga-camions sur ses routes. Ces énormes engins motorisés sont pointés comme un non-sens écologique et politique.

Les camions interminables avec plusieurs remorques sont monnaie courante aux États-Unis. En Europe en revanche, le format maximal est le poids lourd de 38 tonnes. Celui-ci se compose d’une cabine et d’une longue remorque, mais cela pourrait changer bientôt.

Le Parlement européen a voté hier leur autorisation prochaine. On devrait donc retrouver bientôt sur nos routes des méga-camions. Ceux-ci peuvent tirer une remorque en plus de celle attachée sur la cabine. Cela peut créer des mastodontes des routes, pesant 60 tonnes et mesurant 25 mètres de long.

La loi en question implique aussi de rehausser à 44 tonnes le poids maximal des camions électriques et à hydrogène. Actuellement, les camions ‘zéro émission’ ne peuvent pas dépasser 38 tonnes.

Dans les deux cas, l’objectif de cette loi est de réduire le nombre de transports et les émissions liées. En embarquant plus de marchandises dans chaque camion, le législateur espère réduire leur quantité. C’est pour cela que le Parlement a voté à 330 votes pour et 207 votes contre.

Une concurrence déloyale pour le rail ?

D’après le cabinet allemand D-fine, l’effet de cette loi sera totalement inverse de ce qu’elle tente de faire. En effet, ses chercheurs pensent que l’autorisation des méga-camions va faire chuter le fret ferroviaire. Selon D-fine, le trafic ferroviaire de transport de marchandises pourrait baisser de 21 %. Cette diversion de moyens entraînerait 10,5 millions de trajets annuels supplémentaires en camion.

Nous sommes fermement opposés à l’augmentation des poids et tailles des camions non-électriques, aux flux transfrontaliers de méga-camions qui circuleraient sans entraves de la Pologne à l’Espagne“, lance Sigrid Nikutta, patronne de DB Cargo, géant du fret ferroviaire. “Cela engorgera nos routes déjà encombrées et mettra sous pression les ponts. L’impact anéantira les gains environnementaux, en encourageant la route, même quand le rail est plus efficace et écologique“.

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Et l’écologie dans tout ça ?

Oui, le projet de loi comporte une partie sur les camions électriques et à hydrogène. En théorie, cela doit permettre de plus facilement se tourner vers le ‘zéro émission’ pour du fret lourd. Mais dans les faits, on doute que ce soit le principal effet qui sortira de ce projet.

Compte tenu du prix des transports routiers et des profits visés par les entreprises du secteur, il est peu probable de voir beaucoup d’industriels se tourner en priorité vers les camions électriques, plutôt que vers les méga-camions thermiques.

Et si les chiffres du cabinet D-fine sont corrects, les 10,5 millions de trajets annuels supplémentaires auront un coût écologique important. Il estime en effet que cela provoquerait une hausse des émissions polluantes à hauteur de 6,6 millions de tonnes de CO2.

C’est loin de ce qu’avancent les soutiens du projet de loi sur le plan politique. En effet, ceux-ci assurent que grâce à ce système, les émissions polluantes baisseront de 1,2 %. “Le rail est sept fois plus économe en énergie que la route”, soupire Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, du groupe SNCF.

Des dépenses publiques pour entretenir les routes

Outre le coût écologique et la menace sur le fret, un autre problème plane dans le cas où ses méga-camions arrivent. Il s’agit de celui des dégâts causés sur des infrastructures routières trop faibles pour les supporter.

Selon le cabinet D-fine, il faudrait ajouter un coût de 1,15 milliard d’euros chaque année. Cet argent servirait à entretenir les infrastructures routières face aux “détériorations disproportionnées”. D’après le cabinet, “dix camions de 44 tonnes font plus de dommages que 15 de 40 tonnes”.

Face à tous ces doutes, certains eurodéputés sont vent debout pour faire interdire cette loi. Les acteurs du rail, quant à eux, acceptent bien qu’elle existe, mais uniquement pour les cas où il n’y a pas d’alternative au fret ferroviaire.

Ils sont au total une soixantaine, en majorité Verts, et de nombreux Français, à signer des propositions d’amendements. Ceux-ci laisseraient en place la partie sur les camions électriques, mais supprimeraient les méga-camions.