Lucid

La Lucid Air entend redéfinir l’approche de la voiture électrique avec un niveau d’ingénierie sans équivalent. Peter Rawlinson, le PDG de la marque, nous emmène au cœur de la berline électrique.

Présentée à la fin de l’année 2016, La Lucid Air entend bien grimper tout en haut de la hiérarchie, que ce soit en matière d’automobile ou de technologie électrique. Succédant à l’entreprise Atevia, aussi connue des experts pour la fourniture de batteries des Formula E, Lucid dispose d’une costaude expertise. Derrière le projet se cache Peter Rawlison, un ingénieur de formation qui a notamment exercé chez Jaguar et Lotus. Mais il a surtout été l’ingénieur en chef pour développer une berline électrique, aujourd’hui connue sous le nom de Tesla Model S.

Désormais, la Lucid Air est une réalité et arrive sur les routes américaines. L’occasion pour la berline de faire ses premières preuves concrètes, mais aussi de révéler la plupart de ses arcanes. Il est assez difficile de trouver par où commencer concernant la Lucid, tant le plumage et le ramage ne font qu’un, et tant les innovations sont nombreuses. Mais qui dit voiture électrique, dit avant tout batterie de traction. Et pour en parler, rien de mieux qu’un exposé de Peter Rawlinson lui-même, qui va vous faire regretter de ne pas l’avoir eu comme professeur de physique-chimie, à une époque où vous n’aviez rien de mieux à faire que dessiner des voitures sur les cahiers.

Batterie : I².R

Il s’agit là de l’une des plus importantes pièces de la Lucid Air, et non des moindres. L’unité électrique a fait l’objet d’un développement complet en interne depuis une page blanche. C’est l’autonomie au centre du cahier des charges qui a déterminé toute l’ingénierie autour de cette batterie, exclusivement composée de cellules cylindriques. Ce qui ressemble donc à une vulgaire pile de voiture radiocommandée est, au terme d’une recherche poussée, le point de départ qui permet, entre autres, à la Lucid Air de monter en haut du panier en matière d’autonomie.

Comme Tesla ou Rivian, Lucid fait donc le choix de cellules en forme de cylindres, pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons thermiques. Plus abordables et déjà intégrées dans un boîtier propre, elles présentent une résistance mécanique inhérente, surtout en cas d’emballement thermique. Lucid Motors utilise dans ses packs des cellules 21-700 (ou 2170) en provenance de Samsung SDI pour la Dream Edition et de LG Chem pour les autres modèles de la gamme. La marque indique que la chimie est différente, sans entrer dans le détail. Dans les deux cas toutefois prennent place 6 600 de ces cellules, réparties en 22 modules de 300 piles chacun.

La raison de ce schéma : la loi d’Ohm. Une basique règle électrique au demeurant, mais qui impose un challenge pour le constructeur. Car désormais, la puissance est le produit de la résistance (exprimée en Ohm) et de l’intensité au carré. Ou P=I²xR. Et plus l’intensité augmente, plus la chaleur augmente, entrainant avec elle des pertes physiques. Dès lors, pour réduire l’intensité, il est nécessaire d’augmenter la tension, exprimée en volt, tout en prenant en compte les besoins en puissance. 

Les équipes de Lucid ont donc fait le choix de combiner les deux types de montage avec, par module, 10 groupes en série de 30 cellules montées en parallèle. Cela donne donc 220 cellules branchées en série et 30 groupes en parallèle, pour une tension maximale de 924 V, ou de 800 V selon la valeur nominale, comme nous l’apprend l’un des rapports de l’EPA. Voilà qui permet en outre d’appréhender la capacité à peine plus réduite des cellules embarquées dans la Lucid Air Grand Touring, qui affiche une capacité utile totale de 112 kWh, contre 118 kWh dans la Dream Edition.

Chaque module dispose d’une plaque de refroidissement placée au dos des cellules, dans laquelle est injecté le glycol. Peter Rawlinson explique ainsi que si la chaleur se dissipe dans plusieurs directions, elle est plus importante axialement que radialement. Aussi, un refroidissement latéral, bien qu’il puisse se montrer efficace, impose l’installation de canaux entre les cellules, élargissant le pack tout en se montrant plus complexe à industrialiser. C’est ainsi que les ingénieurs ont décidé de reprendre l’architecture des batteries de course d’Atevia en fixant au dos des cellules, là où le contact est le plus important, les plaques de refroidissement. 

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Pour mieux profiter de cette solution technique, les piles sont dirigées vers le bas (le pôle positif en direction du sol), de sorte que les plaques et le liquide caloporteur forment un pare-feu supplémentaire pour assurer la protection des passagers en cas de pépin. En dessous des modules se trouve un petit espace avec le plancher du boîtier pour aérer la batterie. Le caisson embarque des ouvertures latérales pour laisser s’échapper les gaz en cas d’emballement thermique et une fois formé, le pack fait partie intégrante de la structure de la Lucid Air.

Avec cette disposition, Lucid a donc dû trouver une solution pour connecter les cellules entre elles via la barre omnibus en aluminium. Un élément qui a lui seul pourrait aussi faire l’objet d’une longue description. Mais nous nous contenterons de préciser que ce processus de fabrication de cet élément est inédit, puisqu’il est directement moulé avec le caisson qui contient les cellules. Une solution unique et brevetée pour optimiser l’industrialisation. C’est là que sont reliées les cellules par deux fils-rubans, sans que les secrets en matière de soudure ne soient révélés. L’un est plus large et moins résistant dans le but de diminuer la chaleur et les pertes. L’autre, plus fin et résistant, assure son rôle de fusible en cas de problème. À titre de comparaison, Tesla utilise des liaisons par fils ronds, qui ont les inconvénients naturels de faire augmenter la chaleur et la résistance. Lucid indique que l’air perdrait 100 ch avec cette solution par fils.

Moteur : all inclusive

L’autre prouesse de Lucid en matière de développement des composants n’est autre que le moteur. La marque a ainsi imaginé l’une des plus petites machines électriques au monde, qui a aussi l’avantage d’embarquer la transmission et l’onduleur dans un seul et unique pack. Côté chiffres, l’ensemble ne pèse que 73 kg pour une puissance produite maximale de 679 ch. Cela représente donc une densité de 9,30 ch/kg. C’est près de 3,5 fois mieux que l’unité arrière de la Porsche Taycan représentée dans cette infographie (les autres étant les moteurs des Tesla Model 3 et de Model S sans être nommées).

Peter Rawlinson se montre pour l’heure moins transparent dans ses explications pour d’évidentes raisons de secrets industriels. Mais avec la miniaturisation des éléments, en repensant la disposition des aimants sur le rotor, et la forme des bobines dans le stator, Lucid promet un champ magnétique plus dense. Ce sont au total 24 fils de cuivre carrés qui sont tressés et pressés dans le stator. Ces innovations propres à Lucid permettent au moteur de développer plus de couple de réluctance pour une même quantité d’aimants. Aussi, Lucid affirme que, si son moteur utilise la techno’ à aimants permanents, il est aussi possible de s’affranchir de sa résistance naturelle. Il se comporterait ainsi comme un moteur à induction (ou presque) aux régimes les plus élevés. D’autant que cette machine peut grimper jusqu’à 20 000 tr/min. Mais aucune précision n’est encore connue concernant ce procédé.

Reste à solutionner les problèmes de refroidissement. Car plus un fil chauffe, plus il se montre résistant. Pour cela, les ingénieurs ont indiqué avoir découvert plusieurs zones mortes dans le bobinage du stator. Des zones qui n’assurent pas la conduction des courants électriques et qui peuvent être utilisées pour le refroidissement, au plus proche des fils qui dégagent physiquement de la chaleur. Le refroidissement est logiquement assuré par de l’huile. Elle est directement injectée dans la bobine via le collecteur à canaux axiaux. Une pièce qui fait l’objet de plusieurs brevets, tant pour sa forme et son fonctionnement, que pour son intégration au centre du stator.

Cet ensemble mécanique, encapsulé dans son boîtier, est en sandwich entre la transmission à train planétaire, où les dents ont fait l’objet de dépôts de brevet : selon les concepteurs, leur forme a été optimisée pour transmettre le maximum de couple tout en offrant le moins de résistance possible. À l’opposé se trouve le réducteur. Au-dessus de la machine électrique est positionné l’onduleur. Ce dispositif repose sur des MOSFET (pour transistors à effet de champ à semi-conducteurs oxyde métallique) qui optimisent l’efficacité pour amplifier et commuter les tensions des circuits. Le système est réalisé avec du carbure de silicium (SiC) plutôt que du silicium standard, plus régulièrement associé à un système IGBT (pour transistors bipolaires à grille isolée). 

Cela apporte de nombreux avantages en matière de refroidissement, de volume et de résistance électrique (encore). Mais c’est surtout sa capacité à gérer les commutations à haute fréquence avec des tensions élevées qui ont intéressé les équipes de Lucid. Cette technologie acquise en Formula E et héritée d’Atevia permet donc de gagner encore en efficience dans le processus de conversion des courants selon les phases d’accélération ou de ralentissement. Mais elle est plus chère à appliquer.

Chargeur embarqué : la boîte à rêve

La dernière pièce qui se distingue au sein de la Lucid Air est baptisée Wunderbox. Installée à l’avant, servant également à encaisser les déformations en cas de choc, elle pilote tout le système 900+ V de la berline électrique. C’est par elle que transite les courants AC et DC pour la recharge de la Lucid Air. 

La recharge sur courant alternatif (prise domestique, borne publique…) se fait via le port Type 2, avec une puissance pouvant grimper jusque’à 22 kW de puissance, selon les informations communiquées par la fiche européenne (19,2 kW en Level 2 aux USA). Elle dispose aussi d’une capacité de recharge en courant continu (sur les bornes de recharge rapide Mode 4) pouvant viser les 350 kW de puissance maximale. Peter Rawlinson est convaincu que la puissance peut aller plus loin, mais aucun réseau de recharge n’en promet autant. Pas même Electrify America, avec qui Lucid a noué un partenariat commercial (les berlines profitent de 3 ans de recharge gratuite), mais aussi pour le développement de la voiture.

 

Peter Rawlinson préférant calculer l’autonomie gagnée par temps de recharge, c’est de cette manière que la Lucid Air communique ses données. En recharge AC, il faudrait compter 128 km d’autonomie gagnée par heure. Sur les bornes rapides, ce sont 32 km par minute qui pourraient être récupérés, ou 482 km en 20 minutes. Ce qui correspond à près de 60 % de batterie, soit l’équivalent d’un 20-80 %.

Entre autres fonctionnalités, le Wunderbox peut convertir la tension des bornes de recharge d’ancienne génération pour se calibrer au système 900 V de la voiture. Elle devrait donc être capable, par un effet turbo inexpliqué pour le moment, de redresser un courant 400 V et inversement. De plus, c’est elle qui assure la fonction de recharge inversée. Celle-ci n’est pas encore effective, mais elle pourra alimenter une maison via la Lucid Connected Home (V2G) ou un autre véhicule électrique (V2V).

Une nouvelle référence ?

La Lucid Air n’est pas seulement une nouvelle voiture électrique. Elle n’est pas non plus qu’une concurrente de plus à la Tesla Model S, sa demi-sœur spirituelle. Elle est une nouvelle référence en matière d’ingénierie, quels que soient ses aspects. Conçue de l’intérieur vers l’extérieur, tous les éléments ont été pensés les uns liés aux autres, pour former un ensemble harmonieux, le plus plus efficace et efficient possible. Sur le papier, les promesses sont grandes.

Pour cela, Lucid s’appuie plus de 10 ans d’expérience, notamment en compétition, et sur plusieurs millions de kilomètres d’essais routiers. Voilà six ans que la Lucid Air a été présentée. Six années durant lesquelles les ingénieurs ont en partie mis au point ces technologies pour servir l’efficience. Sur les bancs de l’EPA, la Lucid Air Dream Edition Range (sur roues de 19 pouces), vise une autonomie de 836 km. La version Grand Touring est créditée de 830 km ou 754 km selon sa configuration.

Il ne lui reste plus qu’à faire ses preuves sur la route entre nos mains. Restez connecté !