Depuis que l’OMS a officiellement déclaré les particules fines produites par les moteurs Diesel comme potentiellement cancérigènes, les langues commencent tout doucement à se délier, y compris chez les professionnels de l’automobile.
Je ne vais pas vous faire un nouvel article sur l’urgence à sortir la France du tout gazole. Des propositions claires ont déjà été faites en ce sens et j’espère que les lecteurs d’Automobile Propre ne manquent pas une occasion de les relayer auprès d’élus locaux et/ou nationaux. Des propositions fiscales pour l’essentiel, qui visent en priorité à rééquilibrer la part du gazole et de l’essence dans la consommation totale de carburant en France.
Car avec près de 82% de la consommation totale de carburant, le gazole n’en finit plus de battre des records dans l’hexagone. Si en valeur absolue la consommation totale en gazole commence à stagner (+ 0,2% en 2012), celle de l’essence continue de baisser dans des proportions importantes (- 6,5% sur la même période). La part des petites motorisations à essence de plus en plus économes et surtout la poursuite de la diéselisation du parc roulant en sont les deux principales causes.
Dans ces conditions, difficile d’être très optimiste concernant la qualité de l’air en ville pour les toutes prochaines années. Et le scandale n’est plus uniquement environnemental : il est aussi économique et, de plus en plus, social. Explications.
Une aberration économique
Non seulement l’excès de gazole rend l’air des villes françaises de plus en plus irrespirable, mais en plus, il accentue le déficit abyssal de la balance commerciale française. Pour répondre aux normes européennes en vigueur sur la qualité des carburants routiers, la teneur en soufre du gazole doit être très basse (gazole TBTS), accentuant d’autant son coût de raffinage par rapport à l’essence (+ 5 c€/L en moyenne). Pour combler son addiction au gazole, en 2012, la France a du importer de Russie et d’Amérique du Nord près de 15 milliards de litre du précieux fluide. À grand renfort de supertankers et au diable les émissions de CO2 qui vont avec…
L’an dernier, ces échanges commerciaux entre gazole et essence ont coûté à la France près d’un milliard d’euros. 1 milliard d’euros pour soit disant aider les français à maîtriser leur budget carburant grâce à des véhicules plus sobres que leur homologue à essence. Combien de millions de conducteurs aurait-on pu former à l’éco-conduite avec les milliards d’euros lamentablement dépensés depuis toutes ces années pour au final, surdiéseliser le parc automobile français ?
Mais il y a plus grave encore : ces subventions déguisées au moteur Diesel pour soi-disant sauver des emplois en France ont largement bénéficié à la concurrence : en affichant ouvertement sa préférence pour le gazole, la France a même réussi à convaincre des constructeurs réputés « anti-Diesel » (Honda) d’investir en faveur de ce type de moteur. Car même si le marché automobile français ne constitue pas un gros marché à l’échelle mondiale, il est le seul qui réussit aujourd’hui à écouler 1,5 millions de voitures neuves équipées d’un moteur Diesel chaque année.
Des conséquences sociales de plus en plus négatives
C’est un fait, jusqu’au début des années 2000, les petites voitures Diesel « made in France » ont permis à des millions d’automobilistes de parcourir des centaines de milliers de kilomètres à petits prix. Avant que l’électronique et les technologies de pointe ne prennent place sous le capot de nos voitures, les moteurs Diesel rimaient très souvent avec fiabilité et la longévité. PSA en a longtemps fait un argument commercial de poids face à la concurrence1. C’est aussi une des raisons qui a contribué au succès croissant des motorisations Diesel en France. Malgré un agrément de conduite et un dynamisme très inférieur à ce qu’offre n’importe quel moteur Diesel moderne, il n’est pas rare d’entendre encore aujourd’hui d’anciens propriétaires de ces vieilles mécaniques vanter leur longévité et leur coût d’utilisation imbattable.
Hélas, depuis quelques années, cette fiabilité a évolué très négativement. L’électronique embarquée est souvent désignée comme la principale cause à l’origine des pannes constatées. Les automobilistes ont aussi leur part de responsabilité : en choisissant des mécaniques pas toujours adaptées à leurs besoins (petits trajets, circulation en milieu urbain, etc…), ils sont parfois les premiers responsables des pannes constatées !
Le drame, c’est que ces mécaniques modernes mises sur le marché depuis plus de 10 ans affluent désormais en quantité sur le marché de l’occasion à des prix parfois très bas dès lors que leur kilométrage est élevé. Elles deviennent alors la cible des travailleurs pauvres et autres acheteurs d’occasion visant les autos à petit prix. Les professionnels, et plus encore les particuliers, se gardant bien de dire que le coût d’entretien de ces belles mécaniques peut vite exploser à la première panne venue : Turbo, vanne EGR, pompe à gazole, injecteurs, filtre à particules, etc…
J’arrête là pour ce bilan accablant. Comme beaucoup d’autres politiques menées dans l’excès, la démonstration n’est plus à faire que celle du tout gazole est en train de conduire la France dans une impasse. De plus en plus de professionnels de l’automobile en sont convaincus. Même constat chez les citoyens un temps soit peu conscients du problème. À croire que seuls nos dirigeants ou presque continuent de minimiser l’étendue du problème. Pour combien de temps encore ?
1. Nombre de moteurs Diesel PSA de la génération « XUD » ayant équipés les peugeot 205/405, Citroën BX et autres ZX sont aujourd’hui à classer dans la catégorie des moteurs « indestructibles ».
En suisse, le diesel est plus cher à la pompe que l’essence, ce qui n’empêche pas sa progression:
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/22895893
Salut, évidement la responsabilité de l’état est grande, surtout qu’ils savent tous depuis au moins 1983. Mais comme ils nous enfument avec des histoires de mariage et autres, il vaut mieux agir par nous même. En partageant, et en faisant chacun ce qu’il peut, le diesel finira par mourir tout seul. Je vois bien, comme vous j’espère, l’intérêt que mes choix provoque autour de moi. Confiance!
@alain @Murier : pour les VRAIS chiffres de conso dans la VRAIE vie, le mieux est encore de prendre le temps de consulter l’excellente BDD allemande spritmonitor http://www.spritmonitor.de/fr
La preuve par les chiffres, que c’est d’abord et avant tout l’usage, et surtout la conduite, qui fait qu’une auto est économe ou ne l’est pas.
dernier essai perso (éco-conduite) en date au volant de Clio IV :
4,9L/100km avec la version 0.9 TCe 90
4,0L/100km avec la version 1.5 dCi 90 (bcp plus dynamique que la version essence, il faut l’avouer)
@Murier : tu as raison pour tous les problèmes de diesel, volants moteur, boites, vannes, turbos …
Ceci dit, ces pannes ne sont pour la plupart pas liées au carburant en lui même mais au downsizing imposé aux moteurs pour consommer moins. Aujourd’hui on fait sortir 150cv et un couple de camion (350 Nm) d’un diesel 1.8 … mais ses organes internes ne sont pas aussi massifs que lorsqu’il fallait un moteur de 3.0 de cylindrée pour fournir ce couple et cette puissance, au début des années 80.
Hors, pour l’essence, on assiste au même phénomène. En 1970, Porsche sortait 125 cv d’un 6 cylindres 2.2. En 2013, Renault sort 122cv d’un 1.2. Ford Sort un moteur 3 cylindres 1.0 de 125cv (http://www.auto-ecologique.com/2012/02/ford-focus-ecoboost-3-cylindres-la-meilleure/). Les chiffres sont impressionnants, mais qui peut objectivement penser que ces moteurs également truffés d’électronique, de turbos, de variateurs d’admission, etc … auront la longévité d’une R20 essence des années 78-80 ???
Le problème de l’homo-politicus c’est qu’il est incapable d’agir avec une vision à 30 ans. Pour 2 raisons : ses interets (sa ré-élection) sont à échéance de 5 ans. Et ses clients (pardon, électeurs) veulent du concret tout de suite, pas dans 30 ans. Personne ne pourra jamais se faire élire avec la promesse d’un monde meilleur et plus beau dans 30 ans. On a beau lever les bras au ciel, se lamenter … C’est comme ça.
N’oublions pas que l’Etat (donc: nous) a BESOIN des subsides que lui rapporte la consommation de produits pétroliers. 34 milliards d’Euros en 2010. Dilemne : l’Etat ne PEUT PAS se passer de cette manne. Sinon, plus d’école, plus d’hopital, plus de justice, plus d’armée …
Ensuite, personne ne SAIT voir à 30 ans. Quand les grands chantiers d’urbanisme des années 60-70 (les tours et barres d’immeubles) ont été lancés, ça répondait à une problématique des années 60-70. Personne n’imaginait la détresse sociale que ça allait générer 20 ans plus tard. Il y a 15 ans, les ingénieurs de France Télécom avaient jugé « irréalisable » la technologie ADSL. Avant le 11 septembre 2001, les USA n’avaient pas prise au sérieux le risque d’attentat, etc …
C’est toujours facile de ré-écrire l’histoire APRES. Je ne crois pas au big-bang « haro sur le diesel » … je crois très fort à la transition, par l’hybride et l’électrique pour les déplacement locaux.
@Murier : objectivement, les moteurs essence « modernes » ne tiennent pas leur promesses. Il est impossible de consommer moins de 7 l en réel avec un moteur 1.4 Tsi VW ou 1.2 TCe Renault. Alors qu’avec un DCi 110 Renault/Nissan, il est fréquent de réaliser des consommations inférieurs à 5 l en réel, soit 30% de moins. Alors je suis comme vous convaincu que le coût TOTAL (achat, entretien, …) du diesel n’est pas forcément favorable. Mais le diesel a CONVAINCU les masses. Son agrément de conduite (couple à bas régime) y est aussi sans doute pour beaucoup.
Il me semble que l’on est dans un domaine où l’irrationnel prime sur la raison.
Tout d’abord, même si l’écart entre l’essence et le gazole reste à une valeur proche de 0,20 €, cette valeur n’a pratiquement pas changée (sauf en été 2008). Ce qui veut dire qu’en pourcentage, l’écart diminue au fur et à mesure que le coût du carburant augmente. En 1995 avec un gazole à 0,60 € l’écart était de l’ordre de 40 % et aujourd’hui, avec un gazole à 1,35 €, cet écart s’est réduit à environ 15 %.
Ensuite, les véhicules diesel sont maintenant plutôt moins fiables et d’un coût d’entretien nettement supérieur aux véhicules essence.
Sans même parler des véhicules hybrides essence/électrique, de nouveaux moteurs essence consommant beaucoup moins ont fait leur apparition, réduisant l’écart de consommation entre les deux motorisations.
Toutefois, dans l’imaginaire collectif, les véhicules diesel sont encore considérés comme des véhicules permettant de dépenser moins. En période d’incertitude sur l’avenir de nos emplois, avec un chômage proche de 10,5 %, les consommateurs continuent donc à plébisciter ce type de motorisation, même si, le plus souvent, ils n’arriveront jamais à les « rentabiliser » et pour dépenser moins, ils auraient sans doute mieux fait d’acheter une voiture avec une motorisation essence.
Une campagne de sensibilisation du type de celle des antibiotiques, me paraitrait salutaire, avec ce slogan :
« Le diesel c’est pas automatique », en mettant en avant la pollution engendrée par ces véhicules, nos capacités réduites de raffinage du gazole et surtout que ces véhicules ne permettent pas toujours de faire des économies.
Pour terminer, je vois mal nos élus mettre en place une politique visant à défavoriser les véhicules diesel, comme par exemple, une augmentation du prix du gazole au niveau du prix de l’essence, la réforme du bonus/malus, des mesures de restriction de circulation dans les villes, car ils ont été élus par ceux qui possèdent ces véhicules.
Merci pour ce beau billet, mais je reste sur ma faim: A qui profite le crime?
Oui, il y a bien un crime, et oui l’Etat est le coupable. Mais l’Etat, c’est nous tous finalement, pas uniquement notre élite qui nous gouverne.
Tout comme l’état à décider dans les années 70 de nous sevrer à l’élec à grands coups de centrales nucléaires, au nom de l’indépendance énergétique, l’Etat nous a endormi avec le diesel pour une automobile beaucoup moins énergivore.
Je pense que ce crime profite surtout aux constructeurs français qui avec cette spécificité française ont protégé leur marché au dépend de toute logique économique et environnementale, et que cette protection de nos marchés (automobile, énergie.. ) sont la cause de nos maux les plus sévères et chroniques: crises, chômage, moral en berne….
et la seule solution, c’est le réveil de la société civil pour contrer la force de nos élites qui ne gouvernent que pour leurs « propres » intérêts…
Le débat mériterait un autre cadre que celui des commentaires. Il faudrait revenir à l’origine de l’encouragement français au diésel : la création des centrales nucléaire (pour écouler tous les surplus de production de l’époque), il faudrait reparler de Kyoto et des engagements (tenus) de la France à avoir le parc auto européen qui rejette le moins de CO2, il faudrait ne pas comparer que le taux de diésélisation des pays, mais AUSSI comparer la composition du parc (parc Allemand à base de Touaregs V6 3.0/ Mercedes ML 4.8 vs. 206 et Clio, pour caricaturer un poil), etc …
Sur tous ces sujets, rien n’est tout noir (bouh, les vilains gouvernants français), rien n’est tout blanc (ohhh, les jolis gouvernants allemands) … tout est éminemment complexe et imbriqué.
Et je ne pense pas que « cliver » (terme à la mode) soit le meilleur moyen d’assurer la nécessaire transition vers une mobilité eco-responsable…
Cet article me parait incomplet et assez masochiste, affublant la France et les constructeurs hexagonaux de tous les maux du diesel. C’est un peu trop simpliste…
C’est oublier un peu vite que c’est Mercedes qui a produit (en 1936) le premier moteur diesel de série et en a fait le fer de lance de son milieu de gamme à partir des années 60 C’est oublier que VW a commercialisé sa 1ere Golf Diesel en 1976, trois ans avant le 1er diesel Renault (sur la R20). BMW a renchéri en 1983 avec sa 524TD…
C’est oublier un peu vite que c’est Fiat qui a développé le 1er common-rail dans les années 80 et VAG qui a développé les générations suivantes à très haute pression, etc … c’était il y a 30 ans.
Le developpement du diesel est tout sauf un phénomène franco-francais, mais bien un phénomène européen. L’espage et la belgique ont un taux de dieselisation (un peu) supérieur au notre. L’italie et l’angleterre sont aux portes des 50% de taux de dieselisation de leur parc.
Si Honda a developpé un moteur diesel, c’est pour exister commercialement sur le marché européen surement pas pour céder aux injonctions de « la France ». D’ailleurs, Honda vend 4 fois plus de Civic Diesel en UK qu’en France !
Arretons donc un peu de nous auto-flageller avec des arguments incomplets ou carrément erronés …
Bravo pour cet article et cet argumentaire très bien construit.
J’ai l’impression que les lignes commencent à bouger sur internet : il y a de plus en plus d’articles et de commentaires sur ce sujet.
Le problème, comme toujours, c’est la volonté politique…
Et sans changer les taxes :
on a des paquet de cigarette « Fumer Tue », on a des pub de barres chocolatées « manger bouger », on a des pub d’alcools « à consommer avec modération ».
On a pas de diesel avec un bandeau « Ce véhicule provoque le cancer » ?? ou au moins de pompes à essence avec un « ce produit nuit gravement à la santé de vos enfants » ??
Bien entendu l’efficacité réelle serait proche des formules précédentes (donc pas très élevée) mais tout de même, ce serait une première étape, non?
Notre ministre des transport a dit très clairement dernièrement qu’il était hors de question d’augmenter la fiscalité sur le gasoil car cela nuirait fortement a la compétitivité de nos entreprises :
http://www.bfmtv.com/economie/gazole-ministre-transports-oppose-relevement-prix-416846.html
Il faudrait lui rappeler qu’il est toujours possible de détaxer les pros, mais bon, je pense que ces gens là sont irrécupérables :(
C’est pas gagné…
Un article de plus qui décrit la catastrophe écologique et économique à laquelle conduit la politique du tout Diesel en France. Mais pour quel effet? Les politiques sont tétanisés à l’idée de modifier la fiscalité sur ce carburant qui trompe pourtant de plus en plus les consommateurs (leurrés par le prix à la pompe plus bas, 75% des utilisateurs de Diesels seraient en fait perdants financièrement).
Alors qu’on arrête :
– de subventionner le gazole à la pompe (20cts/l de détaxe qui coûte 10 milliards par an à l’Etat).
– la politique de bonus/malus écolo (!) qui favorise le Diesel en ne prenant en compte que le CO2.
– les avantages fiscaux (cartes grises professionnelles notamment) qui font que tous les véhicules d’entreprises sont Diesel.
Bonjour,
Petit rectificatif.
Tu dis : « Depuis que l’OMS a officiellement déclaré les particules fines produites par les moteurs Diesel comme potentiellement cancérigènes… »
En fait, ce qui a changé dernièrement c’est qu’avant les émanations des moteurs diesel étaient dans le groupe 2A des « substances probablement cancérogènes » et que maintenant le Centre International de Recherche sur le Cancer, qui est l’agence pour le cancer de l’OMS a désormais classé les émanations des moteurs Diesel dans le groupe 1 des « substances cancérogènes ».
Les émanations des moteurs diesel ne sont donc plus probablement ou potentiellement cancérogènes, mais sont des substances cancérogènes.
Très bien vu l’article, en effet nous nous sommes bien faits avoir, mais à présent nous pouvons prendre notre revanche en choisissant efficacement son mode de véhicule , pour moi aujourd’hui c’est l’électrique pour les petits trajets quotidiens et l’hybride essence/electrique pour le reste.
Excellente argumentation, Guillaume. Cet aspect économique est en effet trop souvent ignoré ou oublié.
Pour en revenir au problème de santé publique, j’ajoute que les rejets des gazoleuses me posent un sérieux problème, surtout avec le froid actuel: après un trajet (je roule principalement sur autoroute), je commence à avoir mal à la gorge ces jours-ci tellement les odeurs m’incommodent, et il est difficile de garder l’arrivée d’air fermée en permanence dans l’habitacle.