Le gouvernement français a personnellement accrédité des cadres de TotalEnergies à la COP28. Une posture qui s’oppose aux discours écologiques et que les ministres nient.

Cette semaine, la COP28 a permis d’arriver à un accord sur la sortie des énergies fossiles. Cette convention pour le climat, qui se tenait à Dubaï, a permis d’aboutir à un traité qui se veut historique.

Cependant, il n’est pas sûr que cet accord change grand chose à la transition déjà initiée. Cet objectif est ainsi en phase avec ce qui était déjà prévu, puisque la sortie des énergies fossiles est maintenant visée à l’international à l’horizon 2050.

Emmanuel Macron peut ainsi se targuer d’avoir rempli son objectif, lui qui déclarait au début de la COP28 que “la priorité des priorités” était de sortir des énergies fossiles. Mediapart révèle cependant que derrière ce beau discours, les dirigeants ont agi autrement.

En effet, le gouvernement a accrédité lui-même six cadres haut placés de TotalEnergies. On trouve parmi ceux-ci le PDG du groupe, Patric Pouyanné. Marina Perez, la vice-présidente chargée des affaires publiques internationales, faisait aussi partie de la délégation, tout comme Samir Oumer, le DG de la filiale de TotalEnergies aux Émirats Arabes Unis.

Des portes grandes ouvertes aux discussions

L’exemple de TotalEnergies n’est pas isolé à la COP28. On compte plus de 2 500 lobbyistes des énergies fossiles ayant reçu une accréditation. Mais comme le souligne Mediapart, le fait qu’ils fassent partie de la délégation française pose problème.

Interrogé par le journal numérique, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, a simplement répondu que les participants “demandent un badge à leur pays d’origine”.

Mais le problème est bien plus profond que cela. Le gouvernement a invité lui-même TotalEnergies au sein de sa délégation. Une délégation qui a une place privilégiée à la table des négociations.

Cela veut donc dire que ces six cadres de la firme pétrolière ont donné leur avis sur la sortie des énergies fossiles. On peut aisément comprendre ici le conflit d’intérêts qui pourrait se mettre en place.

Et Mediapart a eu confirmation que les accréditations de TotalEnergies viennent directement du gouvernement. Les badges qu’ont obtenu ces six cadres leur ouvrent des portes “où les délégations des États vont, notamment dans des espaces de réunions ministérielles où ni la presse ni les ONG ne peuvent aller”, a expliqué Pascoe Sabido, spécialiste du lobbying pour l’observatoire européen des entreprises.

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Une politique pro-hydrocarbures difficile à cacher

Pourtant, la même Agnès Pannier-Runacher avait récemment critiqué la stratégie de TotalEnergies. Après avoir annoncé l’an dernier qu’il augmentait sa production d’énergies renouvelables, le géant pétrolier a fait machine arrière et va finalement augmenter sa production de gaz et garder celle de pétrole stable.

Malgré les promesses et le changement d’identité, les hydrocarbures restent au centre de la stratégie de Total. De plus, la firme travaille toujours sur un des projets les plus dangereux pour la biodiversité en Afrique.

En effet, le plus long oléoduc chauffé au monde est en construction et menace la biodiversité. Par ailleurs, Total continue d’obtenir de nombreuses validations pour creuser 400 puits de pétrole en Ouganda, en parallèle de l’oléoduc EACOP (East African Crude Oil Pipeline).

L’État français le soutient d’ailleurs dans cette démarche, Emmanuel Macron ayant salué la construction de l’oléoduc. Le président de la république y voit en effet “une opportunité majeure pour étendre la coopération” entre la France et l’Ouganda.

Dès lors, on peut afficher quelques doutes face aux propos d’Agnès Pannier-Runacher, lorsqu’elle déclare espérer “l’accord le plus ambitieux possible sur les énergies fossiles”.

En gardant cela à l’esprit, il est plus facile de croire que le gouvernement a bien voulu inviter TotalEnergies à la table des négociations de la COP28, malgré la communication niant ces faits.