Ils sont déjà plusieurs possesseurs de voitures électriques de la génération lithium-ion à avoir reçu une bonne douche froide en découvrant un devis sur une panne présumée de leur batterie de traction. Sans parler de Tesla, on frise, voire même on dépasse, les 20.000 euros parfois. Et s’il était possible de réparer pour seulement quelques centaines d’euros ? C’est la direction prise par Sabine Prévost et Jérôme Chevalier associés dans l’entreprise CMJ Solutions installée sur le secteur de Lamballe, dans les Côtes-d’Armor.

Dans les coulisses d’une interview

« Il faut absolument que tu les rencontres, et en plus ils ne sont pas loin de chez toi ! » : C’est la teneur d’un message adressé en mai 2018 par Renaud Lemaire, président de Mobil’Eco, et qui m’invitait à rencontrer l’équipe de CMJ Solutions, représentée par Sabine Prévost, – responsable du commercial et de l’administratif -, et Jérôme Chevalier, – responsable technique et SAV, titulaire des habilitations de travail sous tension B2VL et BT2L. En clair, ce dernier peut non seulement intervenir sur une voiture électrique, mais il est aussi en capacité d’ouvrir une batterie de traction.

Rapide coup d’œil sur leur site Internet, puis le temps a passé… Et voilà qu’un autre ami électromobilien, depuis sa Champagne, me donne le même conseil en août dernier, ne tarissant pas d’éloges sur cette jeune société. Le message est clair : il se passe donc chez CMJ Solutions des choses très intéressantes, à capter au plus vite.

Jérôme Chevalier et Sabine Prevost

2 Citroën C-Zero à démonter

J’entre alors rapidement en contact avec Sabine Prévost, et une première interview est prise par téléphone. Quelques jours après, nous avons de part et d’autre le sentiment que la rencontre n’est pas complète. La responsable du commercial me propose de passer sur place les rencontrer, elle et Jérôme Chevalier.

Ce dernier insiste : « Venez maintenant, je suis en train de démonter une batterie de Citroën C-Zero, et les propriétaires sont là, arrivés d’Alsace ! ». Pas possible pour moi le jour même, mais le lendemain, ça l’est. Rendez-vous est donc pris pour mardi 11 septembre 2018 à 11 heures. Enfin une interview à portée d’autonomie aller et retour de ma propre Citroën C-Zéro. Et une borne rapide pas loin, au cas où !

Déjà remontée

Quand j’arrive sur place, Jérôme Chevalier m’indique que la batterie du couple Keller est déjà remontée, et que la voiture est en cours d’essai. Mais une autre Citroën C-Zero demande également une intervention. Je vais donc pouvoir assister en direct à la dépose et à l’ouverture d’un pack 16 kWh, en respectant le fameux cordon de sécurité. En décor, une batterie descendue d’une Mia est en cours de recharge.

Tout en discutant, le travail semble avancer très vite. « Quand tout va bien, il ne faut pas plus d’une heure pour ouvrir un pack de Citroën C-Zero, le double si la boulonnerie est rouillée », assure le responsable technique de CMJ Solutions, outil électroportatif en main. Ayant l’habitude d’intervenir sur ces modèles, il m’apprend que 3 types différents de cellules ont été montés dessus, pas compatibles entre eux.

558 contre 17.000 euros

Qui s’est déjà frotté à PSA pour faire changer son pack 14,5 ou 16 kWh sait que le devis est particulièrement salé : 17.000 euros et plus, le simple document étant parfois facturé lui-même plusieurs centaines d’euros. M. Keller, qui revient de son essai avec une recharge de vérification, décolère à peine, ayant dû amener sa C-Zero sur un plateau depuis l’Alsace. Même si venir en Bretagne permet d’en profiter pour faire du tourisme.

« Je leur balancerais bien les cellules remplacées sur le comptoir », dit-il, cependant soulagé de savoir que sa belle voiture électrique ne va donc pas connaître la casse tout de suite. Il faut dire qu’en gris métallisé, elle est particulièrement belle. On voit de suite qu’elle est bichonnée. M. Keller a ouvert un post sur le forum d’Automobile Propre pour expliquer sa mésaventure. Il est prévu, en prolongement du présent article, une interview dans laquelle il nous racontera tout !

En attendant, après un bon repas familial que nous avons pris tous ensemble, il règle la facture de CMJ Solutions qui comprend le remplacement des cellules défectueuses et la main d’œuvre : 558 euros TTC. « C’est le transport Alsace-Bretagne et retour qui coûte le plus cher, dans un tel cas », commente Jérôme Chevalier, qui, tout comme Sabine Prévost, se montre très à l’écoute et prévenant avec ses visiteurs.

Carte BMS HS

Et pour l’autre C-Zero ? « Citroën a aussi indiqué qu’il fallait changer la batterie, mais les cellules ne sont pas en cause. Ici, c’est la carte BMS qui a un problème, je pense à ce niveau-là », me dit-il en désignant un point précis dessus. « La carte en elle-même doit coûter dans les 150 euros. Avec environ 5 heures de main d’œuvre, la facture sera comprise entre 700 et 800 euros », évalue Jérôme Chevalier.

« La panne la plus courante, sur une voiture électrique comme celle-là, c’est un élément qui flanche », rapporte-t-il. « Nous savons faire un diagnostic sur une batterie PSA en 20 minutes pour une panne franche : on branche, on lit, et on sait tout de suite ce qu’il y a. Parfois, un essai routier peut être nécessaire », poursuit-il.

Avec les constructeurs

Sabine Prévost et Jérôme Chevalier souhaiteraient travailler avec les constructeurs. « Dans les concessions, il est très peu courant de rencontrer du personnel ayant l’habilitation pour ouvrir et réparer les batteries de traction des voitures électriques. Moi, je l’ai. CMJ Solutions pourrait donc intervenir à la demande des concessions. Aujourd’hui, nous sommes les seuls à pouvoir ouvrir les packs lithium-ion », confirme ce passionné d’automobile qui s’est dirigé vers les modèles branchés, avec l’idée que les systèmes de dépollution sur les thermiques sont globalement peu efficaces.

Une certitude née de ses précédentes expériences professionnelles où il a collaboré à la rédaction, l’assistance et la formation techniques. Jérôme Chevalier est un véritable passionné de l’automobile, avec une préférence pour les youngtimers sportives, comme la Toyota Corolla GT, la Citroën Saxo VTS ou encore les BX vitaminées.

Naissance par accident

CMJ Solutions est né un peu par hasard. Après son passage à l’assistance technique de Nissan, Jérôme Chevalier à travaillé autour de petits camions électriques, pour ElecTruckCity, – lancé par Deret -, qui assurait la vente, le SAV et l’entretien d’utilitaires 5,5 tonnes Modec, puis chez Muses, constructeur de la gamme Mooville.

« Modec et Muses ont mis la clé sous la porte. Les camions Modec marchaient très bien, mais tombaient en panne souvent. J’ai fait le tour de la France pour les réparer. Je me suis retrouvé à travailler sur l’un d’eux, pour son propriétaire, à 5 kilomètres de chez moi, qui voulait en refaire l’électronique. Il me fallait des batteries. Sabine travaillait dans le magasin où je suis allé en chercher. C’était en 2015. Nous avons eu l’intuition qu’il fallait créer une structure pour la maintenance des véhicules électriques et la réfection des batteries », détaille Jérôme Chevalier. « Avant de parler de seconde vie des batteries, il faudrait déjà s’intéresser à ce que la première vie se déroule bien », ajoute-t-il.

Du moribond à la gamme actuelle

« Après avoir travaillé sur des modèles moribonds, on a voulu se diriger vers des véhicules électriques actuellement commercialisés, afin de pérenniser l’activité de CMJ Solutions. Je tiens à préciser que nous n’intervenons que sur les batteries qui ne sont pas louées », explique Jérôme Chevalier.

Un Hyundai Kona électrique de service devrait prochainement arriver dans l’entreprise, qui permettra d’intervenir sur une plus longue distance tout en se déplaçant avec une voiture électrique. Une excellente carte de visite ! L’activité de l’entreprise est loin de se limiter au diagnostic et à la réparation des batteries de traction. CMJ Solutions vend des véhicules électriques neufs et d’occasion, et s’affaire également à réaliser des audits et à produire des conseils.

Ventes de VE

« On a un jour récupéré 2 Mia que nous avons revendues ensuite en état avec un petit bénéfice. Ca nous a donné l’idée d’ajouter à CMJ Solutions la vente de véhicules électriques. On est alors rapidement passé aux Citroën C-Zero qu’il nous fallait pouvoir réparer complètement », révèle Jérôme Chevalier. Concernant cette activité commerciale, nous sommes dans le domaine de Sabine Prévost.

« Nous ne vendons que des modèles auxquels on croit, et sans location de batteries », précise-t-elle d’emblée. Travaillant parfois avec des concessions locales, l’entreprise propose déjà, par exemple, des Nissan Leaf et e-NV200, et des Peugeot Partner, neuf ou d’occasion. « Nous allons aussi nous intéresser aux Hyundai et Kia électriques », ajoute la responsable commerciale. Les fondateurs de CMJ Solutions ont une préférence pour les modèles conçus dès le départ pour la propulsion électrique.

Avec les SDE

« Je me suis déjà déplacée dans différents coins de France pour ramener par leurs propres moyens des voitures électriques à revendre d’occasion », souligne Sabine Prévost qui a vécu ainsi nombre d’épisodes difficiles pour recharger en cours de route. Elle modère : « Les différents syndicats de l’énergie sont tous coopératifs lorsque je prépare nos trajets au long cours. Des liens privilégiés ont été crées avec le SDEML (49), le représentant de Bouygues Energie 35 et le SDE22 suite à nos retours terrain ».

S’il faut intervenir lors d’événements en rapport avec la mobilité électrique ou participer à leur réalisation, Sabine Prévost répond le plus souvent par l’affirmative. « Notre objectif est de faire avancer la mobilité électrique, en répondant aux demandes formulées depuis les 4 coins de France », assure-t-elle.

Des quadricycles aux camions et bus

Nous distribuons actuellement les quadricycles Ligier et Little. Pour 2020 ou 2021, nous pensons étoffer notre catalogue avec des bus et camions électriques.

Plus proche, CMJ Solutions s’apprête à diffuser un concurrent au Renault Master Z.E. : le Maxus EV 80. « C’est un produit chinois, mais qui sera bien plus abordable que son équivalent chez Renault. Avec sa batterie de 50 kWh rechargeable sur les bornes rapides en Combo CSS, il dispose d’une autonomie réelle de 160 kilomètres », commenteJérôme Chevalier.

Conseils à l’achat

« Nous ne sommes pas anti-diesel, mais cette technologie n’est finalement faite que pour peu de personnes. Nous ne conseillons pas l’électrique dans tous les cas de figure. Pour les petits rouleurs, une voiture à essence est parfois préférable. Mais il est vrai que la plupart des automobilistes auraient intérêt à se déplacer avec une voiture électrique, notamment ceux qui parcourent 40-50 kilomètres par jour. Quand nous mettons en avant pour un client un modèle de VE, c’est parce qu’il correspond bien à ses propres besoins », assure Jérôme Chevalier, qui imagine que dans quelques années le lithium-ion sera peut-être une technologie du passé pour les batteries de traction.

Des VE d’occasion à 4.000 euros ?

« Aujourd’hui, nombre d’automobilistes à petit budget s’arrêtent à 2.000 euros pour s’acheter une voiture d’occasion. Avec une électrique, en prenant en compte la réduction du budget énergie et entretien, la limite pourrait être portée à 4.000 euros. Mais si on ne peut pas réparer les voitures électriques, on n’arrivera pas à descendre sous ce seuil avec des engins en état de fonctionner, d’où l’importance de ne pas laisser partir à la casse des exemplaires avec lesquels il est possible de faire quelque chose. On ressent de la part de certains constructeurs comme une volonté de gâchis. Or, s’attacher à réparer, c’est promouvoir l’achat durable en faisant vivre plus de personnes localement », milite Jérôme Chevalier qui espère installer CMJ Solutions dans le centre de Lamballe, l’activité de l’entreprise pouvant contribuer à maintenir les commerces alentour.

Des partenariats

CMJ Solutions s’apprête à nouer plusieurs partenariats clés, – quand ce n’est pas déjà fait -, autour de son activité. Ainsi avec l’Indra, spécialiste du recyclage automobile. « Nous espérons créer un système de recyclage des véhicules électriques qui nous permettrait de récupérer des éléments pour notre activité de réparation », indique Sabine Prévost. « L’Afpa nous a sollicités afin de connaître nos attentes en termes de compétences professionnelles pour créer une formation en adéquation avec le marché VE de demain », poursuit-elle. « Autour des voitures électriques, il y a tellement à faire », complète Jérôme Chevalier. Des idées, nos interlocuteurs en ont un volume impressionnant qui mériterait un article à part entière !

Automobile Propre et moi même remercions grandement Sabine Prévost et Jérôme Chevalier pour leur disponibilité et leur accueil, le même qu’ils réservent à leur clients et prospects, et qui donnent véritablement envie de pointer les projecteurs vers leur entreprise. Je remercie personnellement Renaud Lemaire et Gilles Goret pour m’avoir suggéré fortement de rencontrer les fondateurs de CMJ Solutions.

Plus d’information sur leur site officiel : http://www.cmj-solutions.com/