La voiture électrique est plus écologique. Que cela plaise ou non, c’est aujourd’hui largement démontré : sur l’intégralité de son cycle de vie, de sa fabrication à sa mise au rebut, une voiture électrique émet entre 3 et 5 fois moins de CO2 qu’une thermique. Les détracteurs de l’électrique ont beau essayer de retourner sans relâche les chiffres pour les faire coller à leur narratif, la réalité est cruelle puisqu’elle leur donne systématiquement tort.
Bref, c’est une affaire entendue. Ce qui ne signifie pas qu’une voiture électrique soit entièrement “propre” et totalement vertueuse, loin de là, et loin de nous l’idée de vouloir accréditer cette thèse. Aucune énergie n’est entièrement dénuée d’effets délétères pour l’environnement, a fortiori quand on parle de moyens de transports, qui plus est individuels.
On le sait, la sagesse voudrait que l’on s’oriente résolument vers des modes de déplacement sobres et bas carbone. La solution du vélo – musculaire ou électrique – ou des véhicules intermédiaires parait être une une bonne option, et c’était d’ailleurs le sujet de la passionnante interview de la semaine dans la dernière édition de notre podcast. Mais tout le monde ne peut encore adopter ce type de moyen de locomotion, et ce pour plusieurs raisons, qu’elles concernent les distances à parcourir, la topologie des lieux, la météo ou encore les capacités physiques et cognitives.
Dans ce cas, il est désormais d’usage de recommander aux constructeurs de proposer des voitures moins énergivores, plus efficientes, plus légères, avec de plus petites batteries, couvrant au moins 300 km avec une charge, et accessoirement, moins coûteuses. Bref, l’antithèse de la frime et de la recherche de performance.
Certains constructeurs semblent commencer à le comprendre et à l’admettre, mais d’autres semblent toujours s’inscrire dans une espèce de course effrénée au gigantisme, que ce soit par la taille des véhicules ou leur puissance. Il faut dire que l’adoption de l’électrique permet de fournir des sensations d’un autre monde à moindre prix, en tout cas à la fabrication, parce qu’à la vente c’est une autre histoire, alors pourquoi se priver ?
C’est aberrant, frérot
C’est ainsi qu’on a vu arriver sur le marché des engins dont on peut s’interroger sur la pertinence et l’utilité, tant leurs concepteurs semblent s’évertuer à aller à l’encontre de tous les principes “écologiques” à tel point que l’on peut se demander si leur bilan environnemental n’est pas sinon pire, au moins pas meilleur qu’un équivalent thermique.
Parmi les véhicules électriques qui défient la logique et donnent immédiatement des sueurs et de l’urticaire aux plus écolos d’entre nous, en voici 5 qui pourraient remporter haut la main la palme du Watt the fuck (désolé). Âmes sensibles ne lisez pas ce qui suit.
Hummer EV SUV
Commençons par le plus emblématique, celui que l’on adore détester tant il représente tout ce que la raison recommande de ne pas ou de ne plus faire. Sa puissance de 600 à 1000 chevaux devrait être suffisante pour aller chercher le pain, mais c’est surtout son poids qui rend fou, puisqu’il s’affiche à non pas 2 tonnes, non pas 3 tonnes, mais plus de 4 tonnes ! Oui mesdames et messieurs, vous avez bien lu, on est précisément sur 4111 kilogrammes. La batterie quant à elle offre une capacité de… 212,7 kWh. Mais comme le Hummer EV affiche une consommation moyenne de 40 kWh, cela donne difficilement un peu plus de 500 km d’autonomie WLTP (donc à peine 300 sur autoroute vu le tank). Respirez un bon coup, ça va aller.
Tesla Cybertruck
Là on est approximativement dans le même délire, mais avec le savoir-faire Tesla, donc un engin un peu plus “léger”, c’est à dire aux alentours de 3,5 tonnes, un peu plus efficient, avec une batterie un peu plus petite (même si Tesla reste muet sur ce point). Mais bon le truc est tellement immonde qu’on se demande finalement si le Hummer ne serait pas un meilleur choix pour aller en boîte avec Dr Dre ou Drake à fond dans la sono.
Lotus Eletre
“Light is right” était parait-il la devise de Sir Colin Chapman, l’illustre fondateur et patron de Lotus. L’ennemi c’est le poids, surtout quand on doit gérer la performance de bolides sur circuit. Mais cela n’a pas beaucoup changé, et le surpoids est aussi l’ennemi de l’électrique pour un usage routier quotidien. Un principe qui semble avoir été oublié quand les ingénieurs Lotus ont mis au point le SUV électrique Eletre, avec ses plus de 2,6 tonnes à vide. Certes l’engin est beau et dégage une classe encore très british, mais on est aux antipodes de la philosophie des origines de la marque. En plus il est cher, ce qui ne devrait pas plaider en sa faveur auprès des tenants de la décroissance.
Tesla Model S Plaid
Bien sûr, Tesla a tant fait pour la popularisation de la voiture électrique qu’on ne lui en voudra pas vraiment d’avoir lancé sur le marché cette version survitaminée de sa désormais historique berline avec laquelle tout a commencé il y a un peu plus de 10 ans. D’autant que l’engin, dont la motorisation dépasse les 1000 chevaux, et qui est capable des plus fortes accélérations de la planète pour une voiture de série (qui plus est à ce prix), reste une référence en termes d’efficience, d’aérodynamisme et de technologie. Et qu’il ne s’agit pas d’un monstrueux SUV, a fortiori quand on sait que sa batterie n’est “que” de 100 kWh . Mais bon, tout cela est-il bien utile quand on sait que la version Grande Autonomie existe, beaucoup plus raisonnable, alors qu’elle pousse déjà comme une Ferrari ? Je sais, une Ferrari c’est un peu lent.
Porsche Taycan Turbo GT
La bête vient à peine d’être dévoilée, et même si on est plutôt amateur de la marque et généralement raccord avec sa stratégie, notamment dans un virage électrique pris intelligemment, avec détermination et succès, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence ce cette nouvelle version Turbo GT du Taycan et de ses aberrants 1108 chevaux en crête. Bon, on sait que c’est un peu la course à celui qui a la plus grosse avec Tonton Musk, mais à un moment il vaudrait peut-être mieux arrêter les frais non ? Un bon petit Taycan 4S des familles fait déjà largement l’affaire, et à moins de 125 000 euros, il est quasiment donné.
Il existe certainement nombre d’autres modèles aussi dispendieux qu’inutilement puissants dans un secteur bouillonnant de l’électrique qui n’a certainement pas fini de nous surprendre. Tant mieux pour ceux qui pourront se les payer. Tant mieux pour ceux qui pourront les vendre et engranger de juteux bénéfices. Tant pis pour la planète et un certain bon sens.
Entre un vélo électrique de 25kg qui consomme 900Wh/100km à 30km/h et ce pick-up narcissique et démesuré de 3.5T qui doit bien consommer de l’ordre de 40kWh/100km à 105km/h, il serait raisonnable d’informer les consommateurs à l’idée que nos consommations actuelles de l’ordre de 14kWh/100km à 90km/h (je fais 13 avec ma ZOE1) sont loin d’être une asymptote insurpassable. L’Aptera électrique (issue du très intéressant “Progressive Insurance Automotive X Prize”) pèse 900kg et consomme 6kWh/100km à 96km/h, hélas avec des choix ergonomiques discutables : 2 places dans 4.55m de long et 2.23m de large (cette dernière valeur si typiquement US lui interdit nos villes); il devrait être faisable de proposer une auto du segment C (moins que 4.60m de long, moins que 1.73m de large) 4-5 places, 1000kg et une consommation similaire à celle de l’Aptera (sans passer par les artifices architecture tricycle et profil de fuite en bec de canard). Pour cela, allez voir les archives de la Panhard PL17(5CV,+6places,+6l/100km), 805kg, qui tapait 130km/h avec 42CV (31kW) sans composite, sans boite séquentielle, sans volant inertiel double, sans multisoupape…ce qui suggère une consommation d’une version rétrofitée électrique à 90km/h similaire à celle de l’Aptera. Au lieu de cela on abrutit les consommateurs d’autos lourdes (donc très profitables et c’est la raison essentielle mais cachée de cette dérive) au profil “boxer” (traduire Cx=0.40+) et qui, forcement auront besoin de batteries toujours plus lourdes. C’est donc bien un problème de culture technique (non intégrable spontanément par le public) que devrait canaliser notre gouvernement en taxant la masse et les dimensions de l’Auto comme le fait le gouvernement japonais avec les Kei-cars (aussi pour résoudre dans leur archipel le problème de la largeur des routes de campagne et de l’espace limité des parkings). Il est aussi là l’enjeu de la sobriété des modes de transport automobiles à l’horizon 2035.
Le soucis c’est que l’electrique est pris entre 2 feux. D’un coté ne pas trop polluer avec des vehicules responsables ainsi que changer les habitudes et reduire la pollution, et de l’autre seduire la clientele pour qu’elle abandonne son vehicule thermique. Et la techno est vraiment tiraillée entre ces 2 objectifs à atteindre qui semblent pourtant opposés. De plus cette equation est pire dans certains pays comme aux Etats-Unis où le gigantisme est la norme. Et pourtant c’est typiquement le genre de pays qu’il faur changer vu qu’ils sont responsables de plus de 10% des emissions de co2 de la planete à eux seuls. Trouver l’equilibre entre propreté et seduction de la clientele est donc difficile.
Autre probleme qui joue en faveur des gros modeles : l’autonomie. Sur les gros modeles on peut mettre des batteries plus grosses et donc proposer une autonomie plus en phase avec les besoins des gens et l’utilité (voire la raison d’etre) d’une voiture, et moins souffrir de la comparaison avec le thermique. Ce soucis pourrait en revanche se resoudre si on progresse dans les technos de batterie notamment vis à vis de leur efficience. Comme ça on pourrait proposer des compactes voire des citadines avec de bien meilleures autonomies, n’obligeant pas les clients à devoir prendre la gamme au dessus ou le suv pour avoir l’autonomie qu’ils recherchent. Et bien sur reduire les prix aussi. Car dans le domaine des suv, la difference de prix entre une thermique et une electrique est moindre par rapport à la difference de prix entre ces 2 technos sur une citadine par exemple.
Dans tous les cas je pense pas que l’electrique sera de nature à changer les gens. La techno s’adapte toujours a l’humanité c’est rarement l’inverse, surtout dans des societes où les valeurs morales se sont effondrées. Le mieux qu’on puisse faire est donc de repondre aux besoins des gens tout en travaillant à rendre l’electrique le plus propre et efficace possible. Si on arrive a reduire drastiquement les emissions de CO2 de la planete grace a cette techno ce sera quand meme une victoire, meme si on change pas vraiment les habitudes des gens.
Et que penser vous du projet Aptera? Tout ne va pas dans le sens que vous indiquez y compris sur le continent Nord américain. Votre article prouve surtout que le transport lourd va aussi d’électrifier et mais aussi que les vente de Tesla Model S Plaide son ridicule au regard des ventes mondiales de la modelY et 3. Donc les modèles surdimensionnés ne représente qu’1% des véhicules. Une démonstration de 1% pour en faire une généralité c’est un peu gros. Allez faire un petit tours en Afrique pour voir ce qui se passe sur l’électrification pour équilibré la vision mondiale de cette révolution.
Un autre aspect à prendre en compte est qu’une personne qui achète un Hummer EV n’était pas entrain d’hésiter avec une Twingo thermique. Ces voitures avec une puissance et parfois un poids exubérants appartiennent à une catégorie de niche et je pense qu’elles restent largement plus écologiques que leur équivalent thermique (Hummer thermique, gros pick-up).
Ce sont des jouets pour ratés par rapport à une Rimac de 1900cv qui met tout le monde ko. Wiki:Le mercredi 17 mai 2023, la Rimac Nevera bat le record du 0-100 km/h en 1,82. Elle bat aussi le record du 0-200 km/h, du 0-300 km/h, du 0-400 km/h et du 400-0 km/h.
Je sauverais toutefois le Model S, d’abord parce que c’est une belle voiture, ensuite parce qu’on n’est pas obligé de s’en servir mal.
C’est sympa de croiser de belles voitures de temps en temps.
Eric, votre introduction est contestable.
Ce qui ne fait plus débat, c’est qu’elle participe moins aux émissions de GES. On ne peut pas pour autant écrire qu’elle est « plus écologique » et que ça ne fait plus débat.
C’est bien, qu’il y ait du débat, ça permet d’éclaircir tous les détails d’une problématique. Et nous savons bien qu’aucune automobile n’est écologique.
La voiture électrique émet moins de GES sur son cycle de vie et pollue moins les villes. C’est déjà pas si mal…
Titre raccoleur à souhait. Ce genre de véhicule devrait donner des sueurs froides à toute personne raisonnable.
Avec un brin de provoc, je dirais que le problème, ce n’est pas qu’il existe des “véhicules pour riches”. Le problème, c’est qu’il existe des “riches”.
Cependant, outre la question de la répartition des richesses entre les humains, qui peut faire couler beaucoup d’encre numérique, selon de quel côté de l’hémicycle on se place, il y a le problème tout court de la “création de richesse”, qui entraîne une “consommation de ces richesses”. Que le carburant soit grillé par une minorité risible de riches ou une majorité visible de classes moyennes, l’impact sur la planète sera le même. La nature ne fait pas dans le social.
Le mieux pour l’environnement serait que nous soyons tous habillées en veste stricte à col Mao, et que nous circulions exclusivement à bicyclette. Oui mais voilà, même en Chine ils ne sont plus comme çà!
“une voiture électrique émet entre 3 et 5 fois moins de CO2 qu’une thermique”… “La cause est entendue”…
Attention, l’exagération ne sert pas notre cause. L’étude de T&E est de 2020. En 2022 carbone4 donne un ratio de 3-4 en France, avec une électricité fortement décarbonée et sur un cycle de 200.000km. Donc cas le plus favorable. En Allemagne, Pologne, Inde, Chine, USA, on est loin du compte… soyons précis dans les chiffres, ça peut éviter de donner un bâton pour se faire battre…
ça ne devrait pas que donner des sueurs froides aux écolos mais à tous.
Il n’y a pas que les écolos qui peuvent se faire percuter par ces monstres d’acier…
Il n’y a pas que les écolos qui souffrent du dérèglement climatique…
Totalement d’accord!
Il ne faut pas que le grand public pas trop au fait de la chose automobile n’associe les VE qu’avec les grands engins type Model Y aussi efficients soient-ils!
Pour que ce soit encore mieux accepté, il nous faut impérativement des modèles compatibles avec les voitures et les usages communs.
Donc des citadines ou des compactes et à des prix accessibles.
Tout le monde ne peut pas payer 30.000-40.000€ pour une voiture.
Et si effectivement, l’industrie se borne à ne proposer que des grosses voitures, cela ne fera qu’accentuer le sentiment que l’électrique n’est pas faite pour le grand public mais constitue un jouet pour les gens qui peuvent se le permettre!