Audi e-tron

Après des premières éditions avec des modèles thermiques, Audi lance la première course d’endurance 100 % électrique dédiée à ses clients. Nous avons été conviés à cette course (pas) comme les autres.

Comment concilier sa passion pour les voyages lointains tout en considérant l’impact environnemental de ses déplacements ? Comment continuer à consommer tout en pensant à la pollution engendrée par des produits fabriqués à l’autre bout du monde ? Bref, comment vivre pleinement le temps présent tout en pensant au futur ? Voilà autant de dilemmes moraux auxquels doivent aujourd’hui faire face les personnes et entreprises qui se soucient de la durabilité. Sauf qu’à l’inverse des aimants, ces pôles opposés ne s’attirent pas aussi facilement. Et tenter de conjuguer ces aspects n’est pas si aisé.

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C’est notamment le cas dans le secteur automobile, où les constructeurs peuvent avoir toutes les peines du monde à les combiner : comment promouvoir la fée électrique en fabriquant des voitures à l’autre bout du monde ? Comment continuer à proposer des machines de niches sans être pointé du doigt ? Comment créer une symbiose parfaite entre sport mécanique et durabilité ? Comme bien d’autres fabricants, cette dernière question est au centre des attentions chez Audi. Et pour mieux affirmer ses considérations et l’eventuelle maîtrise de cette balance entre performance et respect de l’environnement, Audi a organisé sur le circuit du Castellet l’e-tron Endurance Expérience, la première course d’endurance 100 % électrique ! Un évènement au cours duquel se sont affrontés dix équipages clients au volant d’Audi e-Tron GT Quattro et onze team média avec des déclinaisons RS, avec donc deux classements différents, mais un but commun : « parcourir la plus grande distance possible sur une seule charge », plus loin, « en trois heures ».

Pulse and Glide

Le premier jour, sous une météo favorable à la propulsion électrique, l’ambiance était à la découverte. Celle des montures (le numéro 204 de notre voiture faisait référence à l’Audi RS Q e-tron vainqueur au Rallye Dakar 2024) et de la piste, bien sûr. Mais c’était aussi l’occasion de prendre toute la mesure de la stratégie millimétrée mise en place par la marque allemande et dispensée par Thomas Laurent, notre team manager multiple vainqueur en course d’endurance qui nous aura efficacement accompagné ces deux jours.

Si, habitués comme nous sommes à l’éco-conduite, nous savions à quoi nous attendre, il faut dire que les premiers tours de roue ont été surprenants. Car pour envisager de finir la course autrement que sur une dépanneuse, il a fallu se montrer très prudent et modéré avec l’accélérateur. C’est donc la pas si connue méthode du Pulse and Glide qu’il a fallu adopter, qui consiste à presser franchement l’accélérateur jusqu’à une vitesse cible, ici de 130 km/h dans la ligne droite du Mistral, la maintenir le plus finement possible, de relâcher en laissant la voiture filer sur son élan grâce à son mode quasi-roue libre, et, éventuellement, appliquer une légère force de frein régénératif pour récupérer d’infimes ampèreheures.

Sur un tour complet compris entre 2’15 et 2’20 en fonction des trajectoires, notre pied droit est resté au contact de l’accélérateur pendant 45 s selon notre chronomètre, et moins d’une vingtaine de secondes sur le frein. Le reste du temps, nous devions attendre, tout en restant concentré sur la trajectoire, ce qui n’a finalement rien de facile à ce rythme. Voilà donc un ballet bien surprenant sur circuit, qui plus est à bord d’une berline capable de délivrer jusqu’à 646 ch en pic. De quoi mettre à rude épreuve la patience des participants, mais sans doute pas pour « défier les limites de la performance » comme l’affirmaient les communiqués.

Hormis la capacité de la batterie restante sous la barre des 0 %, cette course est réglée sans aucune marge et ne semble donc laisser aucune latitude pour se démarquer des autres concurrents. Mais après discussion avec notre team manager, nous avons donc décidé de pousser un peu plus loin notre e-tron, en allant chercher une vitesse maximale de 150 km/h puis de soulager l’accélérateur juste avant la légère montée au bout de la ligne droite du Mistral. Résultat : les temps au tour y gagnent sans vraiment faire bouger la consommation. Il ne restait donc plus qu’à définir le bon point d’équilibre entre performance (temps au tour) et efficience (consommation au tour). Calculatrice dans une main, bloc-notes dans l’autre, et notre base de données Automobile Propre sous les yeux, nous avons rapidement trouvé le juste milieu nous permettant de tourner le plus rapidement possible sans dépasser la barre des 32 kWh/100 km.

Un circuit vert et une recharge rapide nomade

Audi a trouvé un partenaire de choix avec le circuit Paul Ricard. Engagé dans sa responsabilité sociétale de l’entreprise (démarche RSE), le célèbre circuit au cœur du parc régional de la Sainte-Beaume a mis en place de nombreux objectifs et actions pour réduire l’impact de ses activités. Une politique environnementale qui a permis au Paul Ricard d’être le premier circuit de France à recevoir le plus haut niveau de certification environnementale de la FIA.

Pour cet évènement, le circuit a mis à disposition plusieurs bornes de recharge d’une capacité de 50 kW en courant continu pour ravitailler les voitures. Toutefois, Audi a aussi apporté une station de recharge mobile. Ce conteneur alimenté par le réseau est équipé de plusieurs modules de batterie issus des voitures électriques de la marque, pour un total de 4 500 cellules. Celles-ci peuvent stocker jusqu’à 1 000 kWh, et fournir une puissance de recharge DC suffisante pour alimenter jusqu’à quatre Audi e-Tron GT simultanément. L’énergie est ici délivrée par les célèbres Hypercharger d’Alpitronic, des bornes de haute puissance qui poussent aux quatre coins de l’Europe en raison de leur flexibilité et de leur fiabilité.

Rain Sport

C’est à la nuit tombée, tous phares allumés, que la Superpôle s’est déroulée, au même moment où les stands résonnaient au son de débats animés sur la définition du mot course. Car pour l’Audi e-tron Endurance Experience, la grille de départ n’a finalement aucune importance, puisque les voitures se sont élancées avec 6 s d’écart, chaque équipage disposant de son propre temps imparti de 3 h 00. Le but de cette Superpôle pas comme les autres consistait donc à se rapprocher au maximum d’un temps de 2’10 avec la moyenne de deux tours chronométrés. Un choix vraiment étonnant.

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Si notre théorie était solide, la météo a décidé de tout chambouler dès le lendemain matin avec une pluie battante. Difficile dans ces conditions de déterminer à l’avance la surconsommation engendrée par ces conditions météorologiques (on a mené l’enquête depuis), qui plus est accompagnées d’un air plus froid que la veille avec moins de 10 °C. Mais dès les premiers tours de roue, nous avons dû revoir notre stratégie : car pour conserver le rythme de la veille, il faudra composer avec une consommation supérieure à 35 kWh/100 km. Seule solution : se fondre dans la masse, et donc dans le schéma prévu, et rester extrêmement concentré sur la trajectoire.

À la fin de cette course de patience, toutes les voitures ont tiré la langue avec une jauge dans le rouge. Même si elle permet de rouler encore deux tours sous les 0 % selon nous, ou trois tours selon l’organisation, la prudence est de mise puisque le retour au stand est obligatoire pour ne pas être disqualifié. Les temps au tour s’allongent, et les positions s’inversent dans la dernière partie de la course. En seconde position au dernier relevé intermédiaire, on passera finalement sous le drapeau à damier à la quatrième place, avec au final des écarts très réduits : les six premiers équipages ont effectué le même nombre de tours, les autres étant à seulement un tour derrière. Côté conso’, notre ordinateur de bord indiquait une moyenne de 31,8 kWh/100 km.

Un message discutable sur la voiture électrique

Cependant, la consommation finale est totalement passée à la trappe à l’arrivée. Ainsi, ni la moyenne générale, ni l’autonomie ou la véritable quantité d’énergie restante n’ont été prises en compte. En fait, au contraire des premières déclarations, celle-ci n’a jamais vraiment été au cœur des considérations. Car, comme le stipulait le règlement de cette course homologuée FFSA, le seul à faire foi, “les équipages vainqueurs sont ceux ayant effectué la plus grande distance à l’issue des trois heures de course”. Autrement dit, dans un langage moins muselé par la bienséance moderne : ceux qui auront été le plus vite. C’est donc la performance, un bien grand mot, qui l’a emporté sur l’efficience dans le dilemme moral.

De plus, le moindre ravitaillement était ici pénalisé d’une recharge de 20 minutes sur une borne de 50 kW. Dommage de ne pas l’avoir rendue nécessaire avec une course d’endurance un peu plus longue et en laissant alors chaque équipe réfléchir à la meilleure stratégie de ravitaillement pour aller le plus vite possible. Le même genre d’exercice que nous avons déjà expérimenté, dans le respect des limitations sur route ouverte, au volant d’une Audi e-Tron GT RS lors d’un Paris-Nice hommage à nos confrères de Sport Auto. L’ironie de l’histoire en cachant une autre : la vitesse moyenne de 103 km/h ravitaillement compris enregistrée lors de ce périple est parfaitement identique à celle réalisée lors de notre meilleur tour en course sur ce tracé !

On s’interroge donc sur le véritable message que souhaite transmettre cette course d’endurance, où la maîtrise de son e-Tron GT était tout de même indispensable. Mais si la pratique du Pulse and Glide s’avère toujours passionnante (preuve en est, tous les participants ont joué le jeu), la forme adoptée fait naître beaucoup de frustration, faisant alors passer la voiture électrique pour la voiture des compromis, voire des interdits : celle avec laquelle il est interdit d’aller trop vite sous peine de ne pas arriver à destination, et celle qu’il est nécessaire de canaliser pour ne pas se laisser emporter par sa puissance phénoménale.

Dommage, car l’Audi e-Tron GT RS est toujours à ce jour l’une des plus séduisantes voitures, et l’un des pinacles en matière de technologies électriques ! Avec du recul, quitte à faire fi de la consommation et de la grille de départ de cette course pas comme les autres, notre équipe aurait peut-être dû faire le choix de demander à Patrick Garcia, rédacteur en chef de EVO Magazine et le plus doué au volant de notre team, de claquer une Superpôle record pour rendre à la berline ses deux lettres de noblesse (RS pour RennSport) qu’elle mérite !