En s’élançant vers Saint-Pétersbourg (Russie) le 6 juin 2019, Alain fournier voulait démontrer qu’il est possible désormais de voyager loin avec une voiture électrique, y compris à l’étranger et en prenant l’autoroute. Il ne se doutait pas qu’il devrait décerner la palme de la plus mauvaise assistance en France.

Depuis plus de 3 ans

A 66 ans, Alain Fournier n’hésite pas à accumuler les kilomètres en voitures électriques. « J’ai commencé il y a un peu plus de 3 ans avec une Nissan Leaf 24 kW dont j’étais très satisfait. Avec elle, j’ai parcouru plus de 60.000 kilomètres », confirme notre interviewé qui a déjà participé à divers rallyes organisés par Tour véhicules électriques, dont 2 éditions du Vendée énergie Tour, et bientôt le Nouvelle-Aquitaine énergie Tour pour la seconde fois.

Depuis qu’il a commandé son Hyundai Kona 64 kW, au Mondial de l’Automobile, en octobre 2018, il sait qu’il peut aller encore plus loin, et ça le démangeait véritablement. « Je n’ai reçu ma nouvelle voiture électrique que fin avril ou début mai, mais j’avais déjà réalisé les démarches nécessaires à la traversée des pays de l’Est, notamment concernant les visas pour la Russie et la Biélorussie, mais aussi pour disposer des badges ou des applications permettant l’accès aux réseaux de recharge », commente-t-il.

Pourquoi ce tracé ?

Pourquoi avoir choisi de rejoindre Saint-Pétersbourg et Moscou ? « Autour des années 1990, j’ai travaillé dans l’export pendant 10 ans. J’allais régulièrement en Russie. Lors de mes déplacements à Moscou, j’ai rencontré l’ancien pilote René Metge, alors qu’il était organisateur du rallye raid Paris-Moscou-Pékin. Nous avions sympathisé, ce qui m’avait alors donné l’envie de réaliser un jour un tel périple en voiture. Avec l’autonomie du Kona, ça m’a semblé possible de le faire en voiture électrique », détaille Alain Fournier.

Son épouse et lui vont traverser 11 pays : France, Allemagne, Pologne, République tchèque, Lituanie, Lettonie, Estonie, Russie, Biélorussie, Slovaquie et Autriche. Le programme s’étale sur 15 jours, mais il ne compte réellement que 11 jours de route. S’y ajoutent 2 séjours touristiques de chacun 48 heures, à Saint-Pétersbourg et à Moscou.

Moyenne de 600 km par jour

En réalisant une moyenne de plus de 600 kilomètres par jour, pendant 11 jours, avec un record à 752 km, Alain Fournier a démontré que les longs voyages sont désormais accessibles aux voitures électriques de la présente génération. Et ce, sans fatigue particulière, surtout quand elles sont équipées de batterie d’une capacité énergétique avoisinant les 60 kWh. Pas besoin d’éviter les autoroutes, au contraire.

« Le Kona est vraiment très agréable à conduire. En particulier grâce au régulateur adaptatif. Ce dispositif est juste déroutant au début, mais devient vite très appréciable. Comme l’affichage tête haute ou le système de détection d’angles morts à droite et à gauche, à l’arrière. Ce dernier est quasiment indispensable dans la circulation des villes russes où les habitants roulent à 60-70 km/h », apprécie-t-il.

De nombreuses bornes gratuites en Europe de l’Est

A l’écoute d’Alain Fournier racontant son aventure, plusieurs points apparaissent étonnants, parfois anecdotiques. Tout d’abord la présence dans les pays de l’Est de nombreuses chaînes de distribution bien connues en France, où il trouvera des bornes rapides pour recharger les batteries de son véhicule. Ainsi, pour exemple, chez Auchan, Carrefour Market et Intermarché en Pologne, mais également chez Lidl en Lituanie.

Autre information intéressante : L’accès à de très nombreux chargeurs est gratuit. Y compris dans les stations-service délivrant classiquement du carburant. « Toutes celles du réseau d’Etat Belorusneft, en Biélorussie, sont équipées de bornes rapides tri-standard gratuites. Chez Shell, en Russie, nous n’avons eu qu’à demander un badge à rendre pour recharger gratuitement », confirme notre interlocuteur. « En Tchéquie, ça s’est très très bien passé. En Allemagne, il y a une foison de bornes rapides », poursuit-il.

Un réseau, mais pas beaucoup de VE

« Dans les pays d’Europe de l’Est et en Russie, on trouve pas mal de chargeurs rapides, et même des zones dans des parkings avec des bornes très différentes en enfilade. En revanche, on ne croise pas beaucoup de voitures électriques. Les infrastructures de recharge ont été développés avant leur arrivée, ce qui me paraît être une bonne chose », analyse Alain Fournier.

Pour exemple, en Biélorussie, à Minsk, ville de presque 2 millions d’habitants (2,2 millions à Paris, pour comparaison), se trouvent déjà 12 chargeurs rapides opérationnels et 5 en cours d’installation.

Pas de réels problèmes de recharge

Au cours de la préparation de son voyage, Alain Fournier a particulièrement exploité l’application plugshare.com pour localiser les bornes rapides utiles sur le parcours.

« Nous avons toutefois dû nous rabattre par 2 fois sur des bornes accélérées et attendre quelques heures pour retrouver, à la puissance du chargeur embarqué 7 kW, quelques dizaines de kilomètres nous permettant de parvenir au prochain chargeur rapide », commente-t-il. Les 2 fois en Russie : à Novgorod, et entre Moscou et Minsk. « Les 2 fois nous sommes tombés sur des Russes qui nous ont emmenés dans un restaurant où nous avons pu déjeuner pendant que les batteries étaient en recharge », a apprécié notre interlocuteur.

Au cours du périple, il a aussi eu l’occasion de se brancher sur les réseaux européens ultrarapides Ionity et Fastned. « Sur les chargeurs 350 kW, la puissance ne dépassait pas 77 kW pour le Kona », rappelle-t-il.

Petit Couac chez GreenWay…

« En Pologne, sur un parking Auchan, nous n’avons pas pu lancer la recharge à notre arrivée », avoue Alain Fournier. « La borne faisait partie du réseau GreenWay auquel j’avais pris soin d’adhérer avant de partir. L’assistance ne parvenait pas à comprendre pourquoi ça ne fonctionnait pas. Alors nous sommes repartis à la recherche d’une autre station : je conserve toujours, par précaution, suffisamment d’autonomie pour rejoindre un autre chargeur, au moins 80 kilomètres. Ca ne faisait qu’environ 5 minutes que nous roulions à nouveau quand l’assistance de GreenWay m’a rappelé pour m’assurer que le problème était résolu. Nous avons fait demi-tour, et c’était vrai », détaille-il.

La raison du problème ? « Des ponts coupés entre GreenWay Slovaquie et GreenWay Pologne. Les 2 sites Internet sont quasiment identiques mais n’ont pas de liens réels. Pourtant, normalement, le badge commandé avec l’un ou l’autre doit fonctionner dans les 2 pays, mais sans doute le cas n’avait-il pas encore été rencontré », rapporte-t-il. « En tout cas, je salue la serviabilité de l’assistance que nous avons contacté », tient-il à exprimer.

…et en France

Sa plus mauvaise expérience de recharge, c’est de retour en France qu’Alain Fournier l’a vécue. Dans la vidéo (à retrouver ci-dessous) qui retrace en moins de 20 minutes sa boucle de 15 jours, il se désole : « Nous nous arrêtons à Villeneuve-l’Archevêque sur l’autoroute. Malheureusement, l’assistance est incapable de démarrer la borne pour la charge de mon véhicule ». C’est surtout l’explication fournie par l’opérateur qui le fait bondir encore. Pour les lecteurs d’Automobile Propre, il précise : « Il m’a été dit que ça devait venir de mon véhicule ».

Cette petite phrase, elle ne passe pas ! Surtout après 8.000 kilomètres réalisés en peu de temps et en grande partie en Europe de l’Est. « A l’étranger, la seule fois où une assistance n’a rien pu faire pour nous dépanner, c’est parce que la foudre était tombée la veille sur la borne », met-il en perspective. Ce fâcheux épisode l’a rapidement ramené à la réalité du territoire dans lequel il évolue habituellement.

Que des bornes accélérées

Alain Fournier réside dans le Cher. « Il n’y a pas de borne rapide dans le Cher, juste des accélérées. Et c’est pareil avec le département voisin de l’Indre. Dans l’Allier, je suis régulièrement confronté à des chargeurs qui ne fonctionnent pas, parfois plusieurs de suite », révèle-t-il. « Nous pensons interpeler le Premier ministre sur la situation en France. Ce n’est pas la peine de vouloir précipiter les ventes de voitures électriques sans un réseau de bornes rapides efficaces, surtout avec les batteries de fortes capacités qui arrivent ! », juge-t-il.