Si les déplacements urbains et/ou quotidiens en voiture électrique ne questionnent plus, entreprendre un voyage ne rassure pas toujours les automobilistes. Car si les autonomies sont de plus en plus généreuses, les réseaux de recharge ne donnent guère confiance. Notamment en France où la situation s’est particulièrement dégradée en début d’année, avec la disparition d’une partie du maillage Izivia, l’augmentation de la grille tarifaire Ionity et, plus généralement, les pannes à répétition et les incivilités condamnant l’accès à une borne.

Bien entendu, certains sont sous les meilleures auspices, notamment les propriétaires de Tesla qui profitent d’un réseau de Supercharger dédié, dense, fiable et accessible. Toutefois, tout le monde n’a pas le loisir de rouler dans les automobiles de la marque californienne. Ou d’habiter chez nos voisins à l’est où, paraît-il, l’herbe y est plus verte. Pour s’en assurer, nous avons entrepris un trajet depuis Nosovice en Tchéquie jusqu’à Marseille via Saint-Etienne, fiefs respectifs de vos serviteurs.

Tous les compteurs à zéro

Le point de départ se situe devant les portes d’entrée de l’usine européenne de Hyundai, où le Hyundai Kona 64 kWh passe du stade embryonnaire (sous la forme d’une cellule de batterie plus petite qu’un clavier) à celui d’un crossover électrique que nous connaissons tous. C’est donc cette dernière version que nous mettrons à l’épreuve sur les routes et autoroutes européennes pour rejoindre notre point d’arrivée sur les rives de la Méditerranée. Un trajet qui, confions-le, se révèle plutôt rassurant. Car depuis son arrivée sur le site de production en Europe, qui permet de réduire considérablement les temps de livraison, le Kona Electric affiche une autonomie de 484 km sur un cycle WLTP, soit 35 km de plus qu’auparavant. Si l’utilisation de cellules fournies par SK Innovation ne semble pas y participer, le crossover gagne en endurance grâce à l’apparition de pneus Michelin Primacy 4. Désormais montés en série, ces derniers se révèlent bien plus convaincants que les Nexen N’Fera SU1 fabriqués en Corée du Sud ou à Zatec, dans l’ouest de la Tchéquie.

Notre périple débute en Tchéquie où Hyundai assemble désormais son Kona électrique

Equipage et machine rechargés à 100 %, il est temps de mettre en éveil la mécanique du Hyundai Kona Electric pour la première fois, exception faite de ses séances d’essais en sortie de chaîne dans l’enceinte de l’usine. Au premier tour de clé, le compteur d’autonomie affiche une portée généreuse de 474 km, ce qui renforce notre confiance au départ. Nous faisons le choix d’adopter toutefois une préparation prudente de notre itinéraire, en multipliant les étapes aux bornes de recharge rapide. Aussi, cette anticipation permet d’éviter les nombreuses zones blanches qui se trouvent en Tchéquie, qui pourraient engendrer une fâcheuse panne sèche, sinon l’angoisse de finir sur une dépanneuse. Nous décidons alors de dérouter la navigation afin de rejoindre rapidement l’Autriche via Salzbourg et de récupérer la route prédéfinie dans la région de Stuttgart, soit un léger détour de plus de 200 km par rapport à une planification traditionnelle.

L’avantage des charges à destination Tesla

Notre première étape se trouve à 269,9 km de notre point de départ, à la station de recharge Ionity d’Hochleithen, au nord de la capitale autrichienne. A notre arrivée sur le parking entièrement libre, le crossover nous indique une autonomie restante de 150 km (36 % de batterie) et une consommation moyenne de 15,4 kWh/100 km. L’avantage du réseau autoroutier en travaux et des petites routes nationales empruntées à la frontière, qui ont contribué à maintenir une vitesse moyenne de 89,67 km/h. La connexion à la borne est aussi simple qu’avec les bornes Ionity que nous connaissons et l’utilisation d’une carte Chargemap sera nécessaire pour activer la facturation au prix de 0,86 €/kWh. Très rapidement, le Hyundai Kona plafonne à la puissance de recharge maximale de 75 kW. En moins de cinq minutes, nous retrouvons l’autonomie nécessaire pour rejoindre notre hôtel où se situe à proximité une installation fournie par Lidl. Pour les besoins de l’exercice, nous poussons la recharge jusqu’à 83 % de batterie, après avoir récupéré 35 kWh en 40 minutes. Dans ce cas, la logique facturation à l’énergie consommée plutôt qu’au temps à patienter prend tout son sens.

Après un trajet de 196 km, nous arrivons devant l’hôtel située dans la ville de Sankt Valentin. A notre arrivée, la borne Lidl visée, qui propose une prise Combo CCS de 50 kW, est fermée et accessible uniquement durant les heures d’ouverture du magasin. Nous nous tournons donc vers l’installation de l’hôtel, qui compte deux points de recharges AC Tesla entièrement gratuits, l’un étant réservé aux voitures californiennes et l’autre ouvert à tous les véhicules électriques. Au terme de cette seconde étape, où nous avons enregistré une moyenne de 15,9 kWh (à 86,22 km/h de moyenne), nous laissons le Kona branché toute la nuit. En tirant le maximum des 11 kW de son chargeur embarqué, le crossover nous indique alors un temps de recharge de 4h50 pour passer de 36% à 100 % de batterie.

376 km de trajet sur une charge sans arrêt ? C’est possible

Au lendemain, le cap est mis sur l’Allemagne, que nous traverserons d’est en ouest pour rejoindre notre hôtel en périphérie de Besançon. Une copieuse étape de près de 880 km passée majoritairement sur les autoroutes. Dès les premiers kilomètres, la navigation nous fait suivre les bucoliques routes secondaires autrichiennes très fréquentées par les camions en itinérance. La vitesse moyenne bridant au plus bas la consommation nous autorise même de se passer d’un arrêt recharge prudemment prédéfini pour viser une borne EnBW à 376 km de distance. Une adaptation permise par la confiance que nous accordons à l’affichage d’autonomie du véhicule parfaitement calibré et par la disponibilité d’un réseau en cas de surprise. Conformément à nos prévisions, nous arrivons sans encombres mais rincés à la borne du réseau allemand avec 12 % de batterie et 49 km d’autonomie restantes.

Cet arrêt d’une durée d’un peu plus d’une heure à la borne a permis de retrouver 58 kWh. Précisons toutefois qu’à cette étape, ce n’est pas tant le véhicule qui a réclamé une pause si longue, mais bien nos différents besoins humains (le trajet précédant a duré près de 4h30), le tournage de nos images et notre volonté d’étudier la courbe de puissance au fil de la recharge. D’autant que les bornes de l’opérateur fournies par Alpitronic tiennent leurs promesses avec une généreuse puissance de 300 kW, alors que celle du Kona ne dégringole pas désespérément à l’approche et au delà des 80 %. Ainsi, le crossover coréen est passé de 12 % à 93 % à une puissance de recharge moyenne de 49 kW.

Seule ombre au tableau : le prix de la recharge. Car si la solution d’une double facturation au kWh et à la minute semble réunir le meilleur des deux mondes (une solution à envisager en France ?), cette recharge, qui a été bien au delà de nos besoins en autonomie il est vrai, a été facturée au prix total de 55,52 €.  Ajoutons également qu’un système de règlement par carte bancaire serait aussi une nécessité absolue. Notamment pour cet équipage d’Italiens venus recharger leur Smart EQ Fortwo, sans aucune carte d’abonnement dans les poches. Même après avoir scanné le flashcode et entré les coordonnées bancaires sur le site internet dédié, la recharge n’a jamais pu être activée.

Des pointes de vitesse qui n’ont pas raison des capacités de la batterie

De retour sur la route, la charge disponible nous pousse a explorer tout le potentiel mécanique du Hyundai Kona sans arrière pensées sur les très rares portions sans limitation de vitesse. Le Kona démontre alors une étonnante santé mécanique avec des performances satisfaisante. Dans ce cadre unique, le crossover touche très rapidement sa bride de 178 km/h, après un leger creux aux alentours de 150-160 km/h. A des allures légales en France, le crossover proposera bien plus souvent ses capacités de reprises, avec un 80-120 km/h chronomètre par nos soins en près de 6,0 secondes.

Ces joyeux exercices mettent aussi en lumière la gestion de la charge du Kona et les performances du refroidissement actif de la batterie. Au terme de ces 212 km, nous branchons le Kona à une autre borne rapide EnBW avec 194 km d’autonomie restante (une consommation moyenne de 15,4 kW). Malgré la forte sollicitation de la batterie, celle-ci a pu récupérer 33,9 kWh à une puissance toujours correcte de 39,9 kW en passant de 48 % à 94 %.

Retour en France

Le trafic se faisant moins dense et l’arrivée en France aidant, la vitesse moyenne moyenne augmente considérablement au cours des derniers 288,8 km de cette journée, dont près de 40 km dépensés dans le vide après avoir raté la sortie d’autoroute menant à notre hôtel. Se limitant à une consommation maîtrisée en raison des faibles vitesses enregistrées en Allemagne, le Kona est ici grimpé à 16,1 kWh, faisant dégringoler la charge de 94 % à 10 % (43 km d’autonomie restante).

La borne AC installé sur le parking de l’hôtel délivrant une puissance maximale de 11 kW a permis de faire le plein pendant la nuit pour reprendre sereinement la route de cette dernière journée du roadtrip. C’est sur ce parking aussi que nous rencontrons la première incivilité, avec un Audi SQ5 occupant inutilement une borne. Heureusement, la fréquentation à cette période de l’année laisse d’autres prises disponibles.

Le lendemain, l’autonomie et la gestion de la charge nous autorise quelques adaptations de notre programme original et de viser la station Ionity de l’aire de Mionnay, au nord de Lyon, située à 229 km de Besançon. Après 42 minutes de recharge au prix de 0,871 €/minute, nous débranchons le Kona qui affiche alors 86 % et 339 km d’autonomie. Soit une dizaine de kilomètres de moins pour atteindre la ligne d’arrivée finale à Marseille. Une cinquième et dernière recharge rapide sera donc nécessaire sur l’installation Ionity de Morières pour avaler 26,52 kWh et grimper à 61 % de charge.

Non, voyager en électrique n’est pas plus lent qu’en thermique

Au terme de deux jours et demi de trajet, l’heure du bilan a sonné. Comme de coutume, le Hyundai Kona Electric 64 kWh s’est montré parfaitement à l’aise pour l’exercice, en délivrant ses innombrables qualités électriques, mais aussi ses quelques lacunes à l’image de l’amortissement et des assises toujours fermes sur longs trajets. Mais ce n’est pas l’objet principal de notre périple d’une longueur de 1.915,3 km précisément. A l’arrivée, l’ordinateur de bord nous a indiqué une consommation moyenne de 16,4 kWh/100 km pour une vitesse moyenne de 88,9 km/h, passée sous une température douce excédant rarement les 25°, permettant de ne pas user considérablement de la climatisation.

Ce voyage à travers l’Europe nous a en revanche permis de constater le retard à l’allumage en matière de mobilité électrique de certains pays, comme la Pologne ou la Tchéquie. En revanche, et sans surprise, l’Autriche et l’Allemagne proposent différentes solutions qui permettent d’appréhender sereinement les voyages long courrier. A cela s’ajoute également des conditions routières très favorables pour les voitures électriques : entre les limitations peu généreuses, les portions sur routes secondaire, l’encombrement général et les zones de travaux, les vitesses moyennes enregistrées sont toujours favorables aux batteries. Preuve en est avec nos vitesses moyenne de 77,78 km/h en Autriche et de 86,15 km/h en Allemagne, pays de la vitesse s’il en est. C’est finalement en France où nous avons imprimé le plus rapide des rythmes avec 97,33 km/h de moyenne. C’est aussi là que la consommation a mécaniquement augmenté, en se stabilisant toutefois aux alentours des 18 kWh/100 km.

Par ailleurs, précisons que nous n’avons jamais vraiment usé de techniques d’éco-conduite et sommes restés, dans 95 % des cas, aux allures légales et du flot de la circulation. En d’autres termes, les temps de trajets et les vitesses indiquées ici seraient parfaitement similaires avec un véhicule thermique, hybride ou hybride rechargeable, quel que soit le niveau de puissance. Aussi, le temps de recharge total sur autoroute s’est élevé à 4h02, ce qui correspond à l’équivalent d’une pause de 30 minutes toutes les deux heures de route. De quoi balayer du revers de la main l’idée reçue qui indique que les voyages en voitures électriques sont généralement plus longs en raison de l’exercice du ravitaillement. Mais avouons que nous étions bien aidés par les performances en la matière du Kona.

Non, voyager en électrique n’est pas plus abordable

Au cours de ces près de 2.000 km de route, nous avons fait appel cinq fois aux bornes de recharge rapide des réseaux Ionity et EnBW. Nous avons aussi eu recours deux fois aux bornes AC des hôtels, dont l’une était totalement gratuite. Au final, l’addition s’est élevée à 205,30 €, soit 10,72 €/100 km.

Pour comparaison, un Hyundai Kona 1,0 litre T-GDi essence de 120 ch a déjà avoué entre mes mains un prix de 9,95 €/100 km à travers un roadtrip reliant Paris à Saint-Petersbourg. Ce n’est guère plus élevé, mais la faute revient ici à un réseau de recharge autoroutier aux grilles tarifaires salées. Notamment en France où l’application d’un tarif à la minute engendre une note systématiquement plus élevée que si nous étions facturés au kWh. La concrétisation des projets d’harmonisation à travers l’Europe soufflés par le ministre allemand des transports devrait donc se pencher sur ce volet, tout comme celui d’un paiement par carte bancaire afin d’éviter d’éventuelles complications. Voyager à travers l’Europe en électrique est tout aussi facile et rapide qu’avec n’importe quelle autre voiture, mais ne se montre pas plus accessible. Alors, imaginez avec l’un de ces SUV à plus de 90 kWh de batterie ou d’autres modèles moins rapides à la borne.

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