Hyundai Ioniq 6 Prophecy

Le secteur de la voiture électrique produira-t-il des modèles devenant mythiques avec le temps ? Avec l’évolution de notre rapport à l’automobile, rien n’est moins sûr.

Porsche 911, Jaguar Type E, Ford Mustang, AC Cobra, Coccinelle, Mini, Fiat 500, Citroën 2 chevaux et DS… Autant de noms qui sonnent probablement pour l’éternité aux oreilles des férus d’automobile comme autant d’œuvres mythiques et intemporelles. Je vous parle d’une époque où la passion automobile avait encore une signification, faite d’art de vivre, de design et de mécanique pensés et conçus par des esthètes en la matière. Toutes ont d’ailleurs un point commun : elles ont un jour ou l’autre tenu un rôle phare au cinéma ou dans une série.

Les grands couturiers du secteur s’appelaient alors Giugiaro, Pininfarina, et Bertone pour la partie la plus visible, mais d’autres orfèvres, plus discrets, œuvraient dans l’ombre des bureaux d’études et des ateliers à Stuttgart, Munich, Detroit ou Turin pour mettre au point des mécaniques qui faisaient pleurer de bonheur les amateurs et connaisseurs de ces époques finalement pas si lointaines.

À l’ère de l’électrique, ce n’est rien de dire que les cartes sont légèrement rebattues, et que les repères ne sont plus tout à fait les mêmes. Tout d’abord parce que l’objet automobile a lui-même considérablement évolué, faisant la part belle à la technologie et – si possible – à l’efficience. Ensuite, parce que le consommateur a changé, et que l’usage qui est fait de la voiture n’est plus le même.

La voiture électrique fait-elle encore rêver ?

Du coup, ces deux critères pris en compte, le rapport à l’automobile est très différent de celui d’il y a une ou plusieurs décennies. Clairement, pour un millennial, posséder sa bagnole – voire son permis – est souvent le cadet de ses soucis, et peut être même perçu comme un signe d’individualisme et d’empreinte carbone malvenus en ces temps d’aspiration à la décroissance et à la préservation de l’environnement.

Une tendance que le passage au tout électrique semble accélérer et renforcer. On cherche d’abord une voiture qui pollue le moins possible, et qui nous transportera d’un point A à un point B dans un minimum de confort et de sécurité. La ligne ? Peu importe. La puissance ? On s’en fout de savoir qui a la plus grosse mon gars. Le plaisir de conduire ? Pardon, de quoi parlez-vous ? Conduire est une contrainte, pas un plaisir, vivement la voiture autonome ! Bref, dans l’idéal, la voiture doit être un truc qu’on ne possède pas, qu’on emprunte juste quand on en a besoin, et qui aurait davantage les caractéristiques d’un vélo avec un toit (avec assistance électrique quand même, faut pas déconner) que celles d’une œuvre d’art.

Dans ce contexte, reste-t-il de la place pour un soupçon de passion ? Une voiture électrique est-elle à même de fournir ce petit frisson, ou est-ce que sa conception même d’ordinateur sur roues fait définitivement de ce frisson un truc du passé ?

Si vous faites partie de ceux qui vibrent encore devant une belle auto, quels que soient votre âge et le sien, rassurez-vous, l’affaire n’est peut-être pas complètement pliée. Nombre de constructeurs s’activent pour injecter dans leurs modèles électriques certains de ces ingrédients qui visent à ne pas abandonner les passionnés au bord de la route.

Qu’il s’agisse de puissance, de sonorité, de ligne ou d’agilité (hum, pas gagné avec des pachydermes de plus de 2 tonnes), les marques travaillent pour que l’automobile ne perde pas son rang dans l’inventaire de ce qui motivera toujours l’humain à se surpasser pour accéder au « rêve ».

Mais alors, où sont (ou quelles sont) les icônes électriques de demain ? Qui inventera et produira les 911, Mustang et autres Mini des années 2030 ? Ces modèles existent-ils déjà et sont-ils sous nos yeux sans que nous nous en soyons aperçus ? Les marques et constructeurs qui vont les produire existent-ils seulement ?

Regardons la production actuelle et essayons de piocher parmi les modèles qui pourraient sans honte tenir ce rang. L’exercice n’est pas évident, car les troupes sont encore clairsemées, et l’effet Wow se fait attendre, où alors il se déclenche à partir de 100 000 euros et plus. Ce qui n’est pas très fair-play. Notons que pour cet exercice très subjectif, sont exclues les autos qui sont déjà des remakes électriques de thermiques déjà célèbres. Les modèles présentés sont donc des originaux qui n’existent qu’en électrique. Exit donc les Mini SE, Smart EQ et autres Fiat 500e, désolé pour elles.

Tesla Model 3 Performance

(« Pffft encore un article pro-Tesla »…)

Concernant Tesla, on aurait pu mettre le Roadster 1 ou la Model S. Ou une Model 3 LR ou Standard. Mais il me semble qu’en matière d’icône, la 3 Perf coche davantage de cases. Un peu plus « jolie » et « racée » que les autres versions grâce à de très rares et discrets signes extérieurs de richesse et de vitesse, c’est aussi celle qui réunit tout ce qu’on aime chez la marque californienne, la performance démoniaque et la technologie, sans compter bien évidemment l’infernal duo efficience/autonomie. Il n’est pas besoin d’être grand visionnaire pour imaginer qu’elle occupera pour longtemps la place d’icône pionnière de l’électrique moderne dans l’inconscient collectif. Et qu’on en trouvera peut-être encore dans 30 ou 40 ans, d’origine, en état de marche, comme une 911 Carrera 3,2 de 1977 aujourd’hui. À 150 000 euros. La restauration consistant essentiellement alors à avoir remplacé les batteries.

Hyundai Ioniq 5

Le cross-over coréen a marqué les esprits lors de sa présentation, et les exemplaires en circulation font facilement tourner les têtes. Un succès d’estime principalement dû à sa ligne… inclassable. L’engin ressemble un peu à une Golf 1 version XXL, ce qui est assez étrange comme référence. Mais ça marche, et la ligne générale très réussie et solidement campée sur de larges appuis impressionne le quidam. Peut-être qu’on la regardera avec un œil attendri quand sa retraite aura sonné. Et qu’elle fera le bonheur des collectionneurs en âge de jouer aux Pokémon aujourd’hui.

BMW i3

Avec la Renault Zoé et la Nissan Leaf, c’est un peu celle par qui tout a réellement commencé. Si sa production est désormais terminée, sa ligne intemporelle ne semble pas avoir pris une ride, et elle présentait déjà une bonne partie des ingrédients qui incarnent l’efficience électrique aujourd’hui, à savoir des équipements à base de matériaux recyclés, des roues de vélo et un poids contenu. Pourquoi elle plutôt que la Zoé ou la Leaf ? Peut-être parce que son ADN BMW et une certaine rareté lui confèrent un petit avantage en termes de capacité à s’icôniser avec les années ?

Honda e

Concentré de technologie et de tout-à-l’écran, la Honda e évoque les heures heureuses de l’ingénierie et du design automobile japonais, alliant avec une certaine maestria le côte pratique et la mignonitude. Cette sorte de pot de yaourt un peu plus volumineux en vrai que sur les photos vous fait vite de l’œil, et son intérieur restera comme une première du fait de son tableau de bord intégralement tapissé d’écrans. Si après ce type d’excès la voiture électrique revient un jour à des planches de bord plus conventionnelles avec une meilleure balance entre tout écran et commandes classiques (ce que je crois), la Honda e gagnera peut-être sa place au paradis des collectionneurs.

Smart #1

Voici le seul modèle de cette liste non encore commercialisé, mais qui réunit pas mal d’ingrédients pour vite devenir un must. La ligne de petit SUV malin et tout en rondeurs est assez irrésistible, et l’intérieur donne envie de se caler pour voyager tranquille sur les petites routes, le coude à la fenêtre. Bon d’accord elle ressemble pas mal à une Mini Countryman de profil, ce qui est un comble pour une Mercedes, mais cela ne l’empêchera probablement pas de se faufiler dans les cœurs des gourmets de l’automobile.

Porsche Taycan

Là c’est du lourd et du très onéreux, mais difficile de conclure ce type de chapitre sans y faire figurer une marque qui est présente dans à peu près tous les bouquins sur la passion automobile. Pas la peine de revenir sur la réussite que représente ce Taycan, matérialisée assez rapidement par le fait qu’il a devancé sans ménagement la 911 en termes de ventes, et que son succès commercial ne se dément pas. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, le Taycan est peut-être LA 911 électrique, que ce soit en termes de ligne, de qualités routières ou de sensations de conduite. Il figurera certainement encore en bonne place dans toutes les anthologies de la voiture électrique qui sortiront alors que nous ne serons même plus de ce monde.

Cet inventaire forcément arbitraire aurait pu inviter en ses rangs d’autres modèles, comme la Renault Twizy, La Dacia Spring, la Lucid Air, le Tesla Cybertruck (et le futur Roadster 2), ou encore la berline sportive Hyundai Ioniq 6 Prophecy dont l’annonce est imminente et qui risque aussi de faire tourner les têtes. N’oublions pas également que le secteur n’a pas encore produit de coupé sportif racé ou de petit cabriolet sympathique, mais que cela ne saurait tarder.

Nous en oublions certainement. À vous de nous dire quels modèles vous voyez entrer dans la légende de la voiture électrique.