Le PDG de Shell déplore les appels à réduire la production de pétrole de la part des scientifiques. Le responsable climat de l’ONU s’agace de voir le pétrolier garder la même philosophie jusqu’en 2030.

Shell, qui a réduit cette année sa part d’énergies vertes dans sa production, compte garder la même trajectoire jusqu’en 2030. Le pétrolier avait ouvertement expliqué que cette décision avait avant tout pour but d’augmenter les profits. Cela a créé beaucoup de remous en interne, avec notamment le départ du responsable des énergies renouvelables.

Le PDG de Shell, Wael Sawan, en a donc profité pour réitérer la stratégie de son entreprise le mois dernier. Selon lui, Shell ne doit pas réduire sa production de pétrole avant 2030, car le monde en a besoin.

Cela a évidemment déclenché la colère de plusieurs scientifiques, qui rappellent désespérément le consensus selon lequel la production et la consommation de pétrole doivent radicalement diminuer pour préserver l’environnement dans les prochaines décennies.

Emily Shuckburgh, climatologue et professeure à l’Université de Cambridge, a rappelé les responsabilités de Shell. Selon elle, les entreprises pétrolières doivent participer à la transition, “plutôt que suggérer que les plus vulnérables de notre société sont mieux servis de quelques manières que ce soit par la prolongation de notre utilisation du pétrole et du gaz”.

D’autres scientifiques se sont joints à elle pour exprimer leur inquiétude. C’est aussi le cas d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nation Unies. Il avait déclaré récemment que les énergies fossiles étaient “incompatibles avec la survie humaine”.

Deux camps qui s’accusent d’être “irresponsables”

Guterres a réitéré ses inquiétudes face à cette politique, la qualifiant de “folie économique et morale”. Mais ces craintes n’ont aucunement ému Wael Sawan, qui a réitéré sa volonté.

“J’exprime mon désaccord respectueux”, a déclaré le patron de Shell à la BBC. “Ce qui serait dangereux et irresponsable, ce serait de réduire la production de pétrole et de gaz. Le coût de la vie, comme on l’a vu l’an dernier, repartirait dangereusement à la hausse.”

Après Guterres, un deuxième cadre de l’ONU est intervenu pour s’émouvoir de cette pensée dangereuse. Simon Stiell, le secrétaire général de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, s’en est de nouveau pris à Sawan jeudi dernier.

“Nous venons d’entendre un dirigeant d’entreprise pétrolière dire que réduire la production serait dangereuse”, a-t-il déclaré. “Ce n’est pas vrai, mais c’est aussi une déclaration irresponsable à notre époque, et dans le contexte de ce que nous essayons d’accomplir.”

Avis de l'auteur

Il est bon de noter que l’intervention de Stiell a eu lieu à une conférence de l’OPEC. Il s’agit d’un sommet entre pays exportateurs de pétroles, où les considérations financières prennent évidemment le pas sur les inquiétudes climatiques.

Pour éviter toute fuite, ce qui a finalement échoué, l’OPEC avait interdit à Reuters, Bloomberg et au Wall Street Journal d’envoyer des journalistes. Une omerta qui confirme, s’il y en avait besoin, la volonté de cette industrie de ne pas prendre en compte les menaces auxquelles elle contribue.