Source : https://www.primealaconversion.gouv.fr

Alors que l’agitation médiatique autour des gilets jaunes ne faiblit pas, l’Etat s’est montré jusqu’ici plutôt discret pour expliquer aux français les mesures existantes pour aider les automobilistes à faire face au prix élevé des carburants. Victime de son succès, le gouvernement annonce ce jour un renforcement du dispositif de prime à la conversion avec l’idée d’accompagner plus fortement encore les ménages qui en ont le plus besoin.

Que ce soit à destination des ménages imposables ou non, la prime à la conversion voulue par l’ex-ministre Nicolas Hulot est un bel exemple de politique écologique et solidaire.

Valable pour l’achat d’un véhicules d’occasion, le dispositif est potentiellement applicable à un large choix de véhicules, pourvu qu’ils soient plus économes et moins polluants que les vieilles voitures qui sont alors retirées de la circulation. Dans les faits, s’agissant des véhicules thermiques, seuls les véhicules affichant une consommation réelle en carburant inférieure à 5,5L/100km (émissions < 130 g. CO2/km) et disposant d’une vignette Crit’air 1 ou 2 (immatriculés après le 1er janvier 2006 pour les véhicules à essence, après le 1er janvier 2011 pour les véhicules Diesel) peuvent bénéficier de cette prime sous réserve de mettre à la casse un véhicule classé Crit’air 4, 5 ou non classé, i.e. Immatriculé avant le 1er janvier 1997.

Réparer les erreurs du passé

Que ce soit pour les ménages imposables ou non, et sous réserve d’être propriétaire d’un vieux diesel ou d’une voiture à essence plus ancienne encore, la prime à la conversion permet en théorie aux ménages qui en ont le plus besoin de pouvoir renouveler une vieille voiture par une plus récente, (un peu) plus économe. Souvent pointée du doigt comme une subvention déguisée en faveur des constructeurs automobiles, la mesure a l’avantage de s’adresser à un nombre potentiellement très important de ménages puisque applicable à l’achat d’un véhicule d’occasion respectant les critères rappelés précédemment.

Les plus observateurs feront aussi remarquer que derrière cet intitulé politiquement correct se cache en réalité un moyen de réparer les erreurs du passé en envoyant prématurément à la casse les millions de véhicules diesel mis en circulation entre 1998 et 2006 et qui encore aujourd’hui continuent de polluer l’air des villes dans des proportions complètement délirantes.

Prime à la conversion recherche campagne de com’ désespérément…

En vigueur depuis le début de l’année 2018 dans sa définition actuelle, le dispositif a très vite été victime de son succès. Si bien que la communication est restée très discrète, notamment lorsqu’il s’agit d’encourager l’achat d’un véhicule d’occasion à petit prix sur lequel le montant de la prime dépasse allégrement le montant des taxes récupérées par l’Etat (carte grise, TVA, etc…).

C’est d’autant plus regrettable que bien souvent, ce sont les ménages qui en auraient le plus besoin qui passent à coté de l’occasion de remplacer leur vieille voiture par une plus récente d’occasion à petit prix. Car c’est bien là la principale vertus du dispositif : valable y compris pour l’acquisition d’une petite citadine à essence économique en carburant (émissions CO2 < 130 g./km) vendue moins de 5 k€ sur le marché de l’occasion, la prime à la conversion permet par exemple aux ménages non imposables de troquer un vieux diesel qui asphyxie l’air ambiant contre une triplette (Citroën C1/Peugeot 107/Toyota Aygo) à essence pour moins de 1500 € prime déduite ! Pour les ménages les plus démunis, même avec un crédit à la consommation, l’opération peut très vite être synonyme d’économie à l’usage dès lors qu’elle permet d’éviter des dépenses d’entretien importantes sur un véhicule diesel vieillissant, surtout lorsqu’il est mal utilisé (petits parcours, usage principalement urbain, etc…).

Sur le site du bon coin, de nombreuses petites citadines sont éligibles à la prime à la conversion

Le gouvernement pris à son propre piège

En réalité, cette absence de communication en faveur de ce dispositif est tout sauf une surprise pour les bons économistes. Car si le dispositif était appliqué à son plein potentiel, en ciblant très prioritairement les ménages qui en ont le plus besoin, il se révélerait vite comme extraordinairement coûteux pour l’Etat ! Accusé de ne pas suffisamment réinjecter les recettes fiscales supplémentaires prélevés grâce à l’augmentation des taxes sur les carburants, le premier ministre annonce ce matin un doublement de la prime à la conversion dès l’an prochain pour les ménages les plus modestes ! Si les conditions précises de ce doublement restent à préciser, on peut néanmoins imaginer que les ménages visés pourraient alors troquer leur vieille voiture contre une plus récente… pour le prix d’une nouvelle carte grise !

Dans les faits, la réalité est loin d’être aussi rose. Car tant que la part que représente la TVA dans le budget de l’Etat continue d’être aussi importante, le gouvernement n’a aucune raison de soutenir activement un dispositif qui coûte plus qu’il ne rapporte.

Car c’est bien là que le bas blesse : contrairement au cas classique des subventions et autres aides à l’achat versées par l’Etat ou les collectivités territoriales pour l’acquisition de véhicules neufs synonymes de « consommation et de TVA », encourager l’achat de véhicules d’occasions fiables et économes se traduit généralement pour l’Etat par moins de rentrées fiscales.

Quand certains feront remarquer que ce genre de dispositif est potentiellement synonyme d’économie à moyen et long terme en matière de santé public (coût du traitement des maladies respiratoires dues aux véhicules les plus polluants), la réalité du court terme est invariablement la même : le budget de l’Etat reste prisonnier d’un modèle économique dépassé, celui du toujours plus de consommation. Seul moyen de parvenir à augmenter les recettes engrangées par la TVA en attendant une grande réforme fiscale à la hauteur des enjeux de ce siècle…

Du coté des concessionnaires, préférence pour la LLD

Même constat ou presque vu depuis les concessionnaires automobiles : sans surprise, à une écrasante majorité, les concessionnaires automobiles préfèrent vendre à leurs clients même modestes des voitures neuves en LLD à prix discount plutôt que des véhicules d’occasion à bas prix.

A la clé : l’assurance d’avoir un nouveau client qui en fin de LLD sera très probablement tenté de repartir sur une offre similaire pour pouvoir continuer à rouler dans un véhicule récent et fiable sans avoir à débourser plusieurs milliers d’euros au moment de l’achat. Pour le client en revanche, la démonstration n’est plus à faire que le coût global à l’usage (PRK) de ces offres en LLD ressort au final comme très supérieur à celui d’une petite voiture d’occasion fiable et économe, fût-elle acquise à crédit.

D’où cette interrogation en guise de conclusion : qu’est ce qu’on attend collectivement pour enfin apporter des réponses à la hauteur des enjeux et faire en sorte que les ménages qui en ont le plus besoin puissent à leur tour bénéficier des bons plans dont certains sur ce blog sont des ambassadeurs de longue date?