Opel Mokka-e et Corsa-e

Avec la pandémie de Covid-19, la hausse mondiale de la demande en énergie et en matériaux divers, et maintenant la crise en Ukraine, les constructeurs en véhicules électriques doivent faire face à des pénuries à répétition et à des tarifs plus élevés pour s’approvisionner. Comment peuvent-ils répercuter ces tensions ? Vont-ils forcément devoir augmenter le prix des véhicules électriques ?

La crise sanitaire internationale est à l’origine de la pénurie de semi-conducteurs dont on peine à voir le bout aujourd’hui encore. Si le pic semble derrière nous, les avis divergent sur l’échéance d’un retour à la normale. L’approvisionnement sera encore fortement perturbé en 2022, avec des hausses de tarifs à 2 chiffres auprès des fournisseurs habituels, et à 3 chiffres sur les marchés parallèles.

Or, une voiture électrique embarque davantage de semi-conducteurs qu’un modèle thermique équivalent. Jusqu’à 3 fois plus, en particulier pour les besoins liés à l’électronique de puissance, mais aussi du fait d’un niveau souvent plus élevé d’appareils installés. Par exemple les différents écrans qui se sont imposés sur les tableaux de bord, ou encore les systèmes pilotés par des logiciels. Nombre de constructeurs abordent l’électrique par le haut de gamme. Et quand ils l’adoptent pour des citadines et compactes, c’est avec un suréquipement qui n’est pas toujours nécessaire.

Les matières premières spécifiques aux batteries

Le cabinet Adamas a récemment communiqué une progression des volumes des matériaux spécifiques à la fabrication des batteries des véhicules électriques. Pour le 2e semestre 2021 par rapport à la même période de 2020, il note une hausse de 92 % de la capacité énergétique (177,2 GWh) déployée au niveau mondial pour ce seul marché.

Ce qui se traduit par un accroissement de la demande en matériaux spécifiques : +101 % de graphite, +88 % de carbonate de lithium, +62 % de manganèse, + 59 % de nickel, +48 % de cobalt. Accentués par la hausse des prix de l’énergie, de la fabrication et de l’expédition, les coûts augmentent, depuis l’extraction des matériaux jusqu’à la livraison des batteries.

Une situation qui se complique avec la crise en Ukraine. La Russie étant le 3e producteur mondial, le prix du nickel a été multiplié par 4 en quelques jours du fait des restrictions d’échanges qui se multiplient à l’encontre du pays envahisseur.

Une filière industrielle perturbée

Au-delà du désastre humain que le conflit représente, frapper l’Ukraine, c’est aussi toucher l’industrie mondiale, et en particulier la filière de la mobilité électrique.

Volkswagen a été le premier à réagir en arrêtant temporairement la production en Allemagne de ses voitures branchées. En cause, les faisceaux de câblage embarqués dans les modèles s’appuyant sur la plateforme MEB proviennent d’un équipementier ukrainien. Trouver dans l’urgence un autre fournisseur risquerait de coûter cher au constructeur de Wolfsbourg.

Il n’est pas le seul à être touché de cette manière. Les marques BMW, Mercedes, Mini, Opel, Porsche, pour ne citer qu’elles, le sont aussi.

Flambée sur le prix des énergies

Pétrole, charbon, gaz naturel : le prix des énergies fossiles ne cesse de grimper en établissant des records successifs. Ce qui explique les hausses constatées à la pompe d’essence ou de gazole, et pour se chauffer. Les causes sont diverses et variables selon les sources de ces produits.

L’une les concerne toutes : le développement de l’activité au niveau mondial, et notamment en Chine. En raison des goulets d’étranglement ainsi créés, des pays producteurs préfèrent servir prioritairement aux plus offrants.

S’y ajoutent des questions géopolitiques, notamment au niveau de l’approvisionnement en gaz naturel. La situation était déjà très tendue. Avec la crise en Ukraine, le projet de gazoduc géant Nord Stream 2 a du plomb dans l’aile. Il devait faire passer chaque année plus de 110 milliards de m3 entre la Russie et l’Allemagne.

Produire de l’acier, du plastique, des batteries pour voitures électriques, ou faire importer des véhicules, des équipements et des matériaux va coûter de plus en plus cher. Un apaisement ne permettra vraisemblablement pas de revenir à la situation antérieure.

Quelles solutions pour les constructeurs ?

Lister les différentes sources d’augmentations, qui interfèrent en plus négativement entre elles, semble mener à l’unique conclusion que les constructeurs ne vont pas avoir d’autre choix que d’augmenter les tarifs de vente de leurs véhicules, les électriques risquant d’être plus sérieusement touchés que les autres.

Pour l’instant, certains d’entre eux préfèrent temporiser de différentes manières plus ou moins transparentes.

Ils ont pour cela plusieurs leviers qu’ils peuvent actionner spécifiquement pour les modèles branchés : suspension temporaire des commandes, allongement des délais de livraison, suppression des offres promotionnelles et remises, redirection des ventes vers des formules de location, report des hausses nécessaires de prix vers les thermiques davantage diffusés ou d’autres secteurs, etc.

Augmenter les prix de modèles qui sont déjà difficilement accessibles à tous les automobilistes risque de générer des effets pervers pour les constructeurs. Notamment un repli des ventes des électriques dans leurs gammes, pouvant nuire aux objectifs de réduction carbone qui leur sont imposés. Il est probable que ces derniers demandent une accentuation des aides gouvernementales. Soit au niveau des bonus et autres primes octroyées aux acheteurs de voitures électriques, dont la révision est prévue au 1er juillet 2022, soit via un mécanisme de subventions allouées en direct.

Le cas de Tesla ou de Smart est quelque peu différent, parce qu’ils ne produisent que des modèles électriques. Impossible d’effectuer un report d’une nécessaire hausse des prix sur des modèles thermiques vendus en plus grand nombre. En revanche, ils ne risquent pas de se retrouver en défaut dans les quotas CO2. Et même, pourront-ils monnayer encore plus cher leurs crédits carbone. Le constructeur américain a déjà augmenté le prix de ses voitures.

N’attendez pas pour acheter votre voiture électrique

En France, les tarifs de la Tesla Model 3 d’entrée de gamme ont augmenté de 2 000 euros. Ce qui ramène le bonus pour les particuliers de 6 000 à 2 000 euros. D’où une différence de 6 000 euros au total qui fait bondir le montant du chèque à établir de plus de 15 % sur ce modèle.

Les constructeurs généralistes ne vont pas avoir d’autre choix à un moment donné, sauf perfusion directe gouvernementale, que d’augmenter les prix des voitures électriques neuves.

Si vous pensiez en acheter une prochainement, ne tardez pas ! Autrement, il restera le marché de la voiture électrique d’occasion, qui pourrait aussi connaître une flambée des prix s’il se dynamisait trop rapidement.