Notre râleur professionnel s’est penché sur le grand bazar des start-ups qui pensent réinventer dans leur coin la voiture électrique.

Cette semaine, j’ai pu lire sur Automobile-Propre les dernières péripéties de Sono. La start-up allemande est en proie à de grosses difficultés financières. Elle a donc stoppé le développement de sa voiture solaire, la Sion.

Fin 2022, l’entreprise avait fait savoir qu’elle avait eu 21.000 pré-commandes. Dans une tentative désespérée de sauver le projet, elle avait lancé un appel au secours en invitant les clients à passer une commande ferme avec un acompte, une manière de récupérer du cash. Echec mission.

Bon, il suffisait de regarder la Sion pour savoir que ça ne marcherait pas. Déjà, qui a envie d’un petit monospace aux allures soviétiques ? Surtout, qui a envie d’un véhicule issu d’un label inconnu à la production incertaine ? Au prix incertain ? On était toujours sur une estimation à 25.000 €, mais j’imagine que le véhicule aurait fini par être vendu plus que cela pour justement limiter la casse financière.

Lightyear, Faraday Future, Rivian…

Sono avait pourtant mis en avant un projet aux finances réfléchies, avec un investissement de 500 millions d’euros, ce qui est selon lui deux fois moins que la somme moyenne dépensée pour lancer un nouveau modèle. Mais cela reste une somme colossale. Pour rien à la fin.

Les histoires semblables sont légions ces temps dans le milieu automobile. Après avoir fini par mettre au point sa berline solaire, Lightyear, start-up néerlandaise, a carrément décidé de se mettre en faillite alors que la production venait tout juste de commencer. Avec toutefois une idée : se concentrer sur la mise au point de son modèle plus abordable. Et donc demander de nouveau de l’argent ! Le pire, c’est que certains refont des chèques.

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Est-ce uniquement le solaire qui est maudit ? Non, autre exemple avec Faraday Future, qui est également dans une position délicate… et cela fait des années que cela dure. Son modèle FF91 a été présenté en 2017 et va tout juste entrer en production. Sauf qu’en plus de cinq ans, le carnet de commandes est maigrement rempli. La France a aussi son exemple avec Hopium, qui se rêve en nouvelle marque haut de gamme spécialisée dans l’hydrogène, mais est entré dans le dur financier début 2023.

Face à ces crash et ceux à venir, je me demande s’il ne faut pas siffler la fin de la récré pour ces petits qui engloutissent des volumes astronomiques de cash et leur dire de laisser aux grands de jouer à faire des voitures. L’argent vient bien sûr d’investisseurs qui prennent un risque, mais derrière il y a des salariés parfois vite sur le carreau. Par exemple Rivian a annoncé il y a quelques jours la suppression de 6 % de ses effectifs afin de dégager des liquidités. Et puis il y a parfois des clients floués.

Certes, c’est le monde des start-up, où le taux d’échec est très élevé. Une start-up, c’est une société créée sur un projet, un projet généralement novateur. Mais il y a quand même une différence entre créer un aspirateur révolutionnaire et une voiture électrique. D’ailleurs même le roi de l’aspirateur, Dyson, a tenté l’aventure de la voiture électrique, mais a coupé les frais avant d’aller trop loin !

Difficile d’être le nouveau Tesla

Ces entreprises sont évidemment influencées par Tesla, l’exemple parfait pour montrer que cela peut marcher. Mine de rien, le label américain a plus vendu en 2022 que Citroën ou Volvo, des marques centenaires ou sur le point de l’être. Alors que Tesla a lancé son premier modèle il y a 15 ans, le confidentiel roadster. Et cette année, Tesla pourrait vendre autant qu’Audi…

Tesla a surtout perturbé la notion de valeur de l’industrie automobile avec une valorisation boursière délirante, qui a vite écrasé celle de marques historiques. De quoi favoriser donc la création de ces start-up, qui ont attiré facilement les investisseurs, éblouis par le succès Tesla, et aidés par des taux d’intérêt faibles.

Il y a aussi eu un effet d’opportunité avec le fait que le marché de la voiture électrique était sur le point de décoller, notamment aux Etats-Unis grâce aux promesses d’aides formulées par Joe Biden. Tout ce petite monde espérait ainsi doubler des marques historiques pas en avance sur l’électrification. Mais si celles-ci pouvaient même sembler en retard, au-delà de la simple idée de faire une voiture électrique, elles avaient le reste en place : les usines, les employés, les concessions, la crédibilité face aux banques…

Dans la recette du succès d’une start-up, un ingrédient important est le timing. Tesla s’est positionné avant tout le monde sur le marché de la voiture électrique, son avance est aujourd’hui un énorme avantage, même face à des dinosaures de l’automobile comme Toyota.

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Tesla a donc pris le créneau, celui que l’on a souvent surnommé l’Apple de l’automobile. D’ailleurs, même chez Apple, on a des moyens colossaux, mais le projet de “iCar” est une sorte de mirage depuis plus de dix ans. Preuve que créer une nouvelle voiture est complexe ! Le projet fait encore parler de lui, mais Apple serait cette fois associé à une marque automobile. Tiens donc, finalement les dinosaures de l’industrie automobile ont un intérêt.

Je pense que ces start-ups auraient dû commencer par là. S’associer à un groupe aux reins solides. Déjà que les grands groupes automobiles fusionnent ou mettent en commun les projets pour survivre, je me demande comment on peut imaginer devenir le nouveau roi de la voiture électrique en étant un petit cavalier seul. Hopium aurait par exemple pu s’adosser à Renault ou Stellantis.

Pour sauver la planète, certains tiennent visiblement à brûler beaucoup de billets. Ca ne doit pas dégager beaucoup de CO2 apparemment. Même si chez les vieux de la vieille aussi, la voiture électrique plombe les finances. Au point qu’ils se sont mis à les séparer du reste pour éclaircir les bilans comptables. Model e, la division électrique de Ford, va de son côté perdre 3 milliards de dollars en 2023. Le boss souligne qu’il faut bien perdre de l’argent avant d’en gagner, Tesla, encore lui, l’a longtemps prouvé. Et pour le patron de l’ovale bleu, la nouvelle branche Model e doit être vue… comme une start-up.