Nombre de projets de voitures électriques n’ont jamais vu le jour. Même parmi de grandes marques. Visitons ensemble ce cimetière d’un genre un peu particulier.
On les appelle souvent des « Tesla killers », y compris sur ce site. Il faut dire que le marché naissant mais explosif de la voiture électrique ressemble à une sorte d’Eldorado qui attire toutes les convoitises. Alors que d’aucuns reprochent aux constructeurs historiques de freiner des quatre fers pour retarder leur entrée pourtant inévitable dans le marché de l’électrique, de nombreuses start-up et nouvelles entreprises déjà devenues géantes se jettent avec gourmandise dans le secteur, espérant probablement devenir le nouveau Google ou Facebook de l’électromobilité, puisqu’il paraît acquis qu’elles ne deviendront jamais le nouveau Tesla.
Problème, comme dans toutes les révolutions industrielles, il y a quelques (gros) gagnants et de nombreux perdants. Parmi ces derniers, certains n’ont même pas franchi la ligne de départ, malgré des promesses qui faisaient rêver même les plus rétifs à l’innovation automobile. En fait, chacun prend sa part dans ce florilège d’échecs ou de projets n’ayant jamais abouti, qu’il s’agisse de jeunes pousses sans véritable culture automobile ni industrielle, ou de solides entreprises cherchant une nouvelle jeunesse dans la diversification électrique.
Comme quoi ce n’est pas juste une question de moyens. La prétendue simplicité de conception de la voiture électrique a attiré de nombreux curieux, qui semblent s’être heurtés à la réalité. La faute à une concurrence trop nombreuse, ou à une simplicité en trompe-l’œil ? Et si être un génie de la ligne de code et de l’IA dans la Silicon Valley ou savoir fabriquer des aspirateurs hors de prix ne suffisait pas pour lancer une marque de voiture électrique ?
Petit inventaire des projets restés dans les cartons, ou presque. Et des Tesla-killers qui n’ont pas tué grand-chose, si ce n’est le portefeuille de leurs actionnaires.
Fisker EMotion, l’Aston Martin électrique
Bon d’accord, le parallèle avec Aston Martin est totalement subjectif, mais c’est la première vision qui m’est venue quand j’ai découvert cette superbe berline sportive à la ligne à couper le souffle… dans une série sur Netflix. Cela étant, ce n’est pas aussi saugrenu quand on sait qu’Henrik Fisker est également le designer des Aston Martin DB9 et Vantage. La Fisker EMotion, dévoilée lors de l’édition 2018 du CES de Las Vegas (le seul où je n’étais pas présent en 10 ans, d’où ma méconnaissance de cette bombe), fut tout de suite désignée comme une concurrente directe de la Tesla Model S, ce qui avec un peu de recul ne pouvait pas s’avérer plus inexact, leur seul point commun étant la propulsion électrique et la présence de quatre portes. Pour le reste, tout les opposait, de la ligne à la philosophie générale. On ne sait pas vraiment ce qu’il est advenu de cette superbe auto, car rien n’a jamais été dit officiellement, mais il semblerait qu’elle soit restée à l’état de prototype (roulant) et qu’elle ne sortira pas des cartons. D’ailleurs vous ne trouverez absolument aucune trace d’elle sur le site Fisker, qui focalise sa communication exclusivement sur le Fisker Ocean. Mais elle n’aura pas fait le voyage pour rien puisqu’il semblerait qu’elle préfigurerait la future Fisker Ronin. Chez le même constructeur on aura aussi une petite pensée émue pour la pionnière, la Fisker Karma, autre petit ange parti trop vite.
Dyson EV, en deçà de nos aspirations
Drôle de retour du destin, l’un des arguments les plus prisés – et les plus moisis – des anti-VE consiste à dire que jamais on ne les verra au volant d’un aspirateur sur roues (décryptage : d’une voiture électrique). On ne sait pas si cette posture a inspiré le fondateur de Dyson, surtout connu pour son électroménager haut de gamme – et souvent copié. Toujours est-il que la multinationale britannique préparait depuis 2014 le lancement de trois voitures électriques. Selon son fondateur, l’équipe automobile de Dyson avait développé « une voiture fantastique en faisant preuve d’une ingéniosité tout en restant fidèle à sa philosophie ». La voiture était tellement fantastique que le projet a été abandonné en rase campagne un triste matin d’automne 2019, après 2,25 milliards d’euros investis, en pure perte donc. La raison invoquée étant le manque de moyens. Comme quoi, avec 2,25 milliards, tu n’as plus rien.
Tesla Roadster 2, la bonne blague de tonton Elon
Ne m’insultez pas tout de suite les fanboys, JE SAIS, le Roadster 2 n’a probablement pas entièrement sa place au cimetière. En tout cas pas encore. Mais reconnaissez que pour une auto annoncée en 2017 avec une commercialisation prévue en 2020, dont on n’a plus aucune nouvelle en 2022 et qui figure seulement en précommande sur une page bien cachée sans aucune indication de date de disponibilité, ça sent quand même un peu le roussi. Mais quand on connaît le proverbial Elon time, on ne peut que pondérer. Et espérer. Espérer par exemple que le fabuleux Roadster 2 refasse inopinément et officiellement son retour au catalogue du constructeur californien, avec des caractéristiques détaillées et une vraie date de sortie. Si possible avant 2030. Histoire de savoir pourquoi on verse ce petit acompte de 43 000 euros.
Faraday Future, l’avenir à pas comptés
C’est l’un des plus gros serpents de mer du monde électromobile de la Silicon Valley. En mode tu me vois tu me vois plus depuis des années, l’improbable Faraday Future dégage ce petit fumet d’échec abyssal qui titille les narines de la plupart des observateurs. Alors, comme pour le Tesla Roadster 2, d’aucuns diront que je vais un peu vite en besogne, et que si la tant attendue FF91 a déjà un pied dans la tombe, son destin n’est pas encore complètement scellé. Mais avec seulement 401 précommandes en 5 ans, après une longue série de péripéties, il se pourrait bien que son avenir n’appartienne plus vraiment au futur(e).
Jaguar E-Type Zero, la Type E électrique débranchée trop vite
Sa présentation en 2017 avait ému les puristes, mais fait tourner les têtes des nostalgiques convertis à l’électrique. Pour les collectionneurs, Jaguar avait de grands projets pour convertir les modèles originaux en machines électriques. Au lieu de cela, la refonte de la Type E, renommée pour l’occasion E-Type Zéro, a été abandonnée un peu plus d’un an après avoir été annoncée. Avec le I-Pace électrique de Jaguar déjà livré aux clients, la Type E semblait être un projet secondaire excitant qui pouvait s’appuyer sur la production de batteries établie derrière le premier SUV entièrement électrique de la marque. Mais le principe de réalité et de rentabilité a certainement prévalu. RIP la Type E électrique. Pour rouler dans une légende convertie à la propulsion électrique, il se confirme qu’il faudra donc attendre l’arrivée de la Porsche 911 EV, probablement pas avant 2027, voire plus si affinités.
Si on était un peu taquin et légèrement de mauvaise foi (Nous ? Jamais !), on pourrait ajouter à cette visite du cimetière des illusions électriques perdues la Peugeot e-Legend (mais celle-ci on n’y a jamais cru bien sûr) ou encore mieux, l’arlésienne Apple Car, qui semble surtout tourner en boucle dans le cerveau des designers de sites automobiles et des geeks qui commencent à s’ennuyer avec leur iPhone (et avec leur Tesla). Même si certains indices laissent penser que la firme à la pomme sortira bien un jour sa voiture, électrique, évidemment.
Bien sûr, l’industrie de l’automobile traditionnelle et thermique a aussi connu ses coups de bluff et ses projets mort-nés, mais la barrière à l’entrée de l’électrique parait moins élevée, ce qui attire quelques aventuriers qui n’auraient jamais eu l’idée de se lancer dans la création d’une marque de voitures à carburant fossile. C’est aussi ce qui rend ce marché aussi intéressant et excitant à observer.
… article, encore une fois pro Tesla.
Comment oser dire qu’il ne faut pas de moyens pour créer une nouvelle entreprise et construire des nouvelles automobiles?
Je ne vais pas parler des sommes folles consenties par les investisseurs pour Tesla, ni des pertes cumulées jusqu’en 2020 supérieures à 5 milliards.
Qui peut se permettre de telles pertes sur une si longue période (pour rappel Tesla a été créé en 2003 et n’a réellement gagner de l’argent qu’à partir du dernier trimestre 2020)?
Du recul, un peu de décalage humoristique, j’adore :)
Pour la Sion de Sono abordée dans les commentaires, leur méthodologie est à l’opposé du vaporware habituel, mais ça ne veut pas dire qu’ils vont passer avec succès toutes les étapes. Rien que pour leur philosophie « couteau suisse » pas à la pointe technologiquement mais pratique et durable, je leur souhaite de réussir !
Très bon article….. Qui met bien avant que n’est pas constructeur automobile qui veut !!!!
N’importe qui peut monter un Lego….. Une vraie voiture avec toutes ses infrastructures, c’est une autre paire de manche..
Ça fait plaisir de lire que ce n’est pas qu’une question de millions ou de milliard !!!
Ce qui démontre aussi à quel point notre société est malade de toutes ces start-up qui ne pensent pas voiture mais pognon avant tout !!!! Gangrenée par tout un écosystème dont l’unique but est de vendre du rêve à coup de tour de magie marketing pour engranger le plus de pognon possible le plus rapidement possible…..
Et qu’advient il in fine : ben, rien justement….
Nous avons perdu la notion de l’humilité, du respect, du labeur et du temps….. pour bien faire les choses.
Vous pouvez déjà préparer votre stylo pour ajouter à cette déjà longue liste, des pourvoyeurs de déception tels que : Rivian, lucid Air…..
Les plus drôle, c’est que des gens blindés de tunes qui se pensent intelligents, ont investi des millions… pour rien. Tout un symbole…. Mais c’est une autre histoire…
En résumé, n’est pas Tesla qui veut…..
Si l’on pouvait mettre dans ce cimetierre aussi les projets qui ont abouti, mais se sont arrêtés prématurément, il y aurait assurément une belle place pour la famille Mia. On peut d’ailleurs déjà y préparer une concession pour la « future » Mia 2 germano-suisse, voire juste vaporeuse.
Manque la Sono Sion qui va bientôt rejoindre ce lot d’échecs…
Article sympa en effet, en espérant ne pas devoir rallonger la liste trop vite. Cela ne sent cependant pas très bon pour Rivian, Canoo, voire même Lightyear…
Article sympa et très plaisant à lire. Manque peut-être un volet sur les petites voitures, citadines et micro-citadines, qui ont aussi un pied ou les deux dans la tombe.
Sur la forme, rien à dire à part un petit « qu’i » qui a échappé à la vigilance de relecture, et au début un « revêche « incongru pour lequel un remplaçant comme « rétif » serait plus à propos. 😉
Intéressant !!!
Ce serait pas mal également de parler de toutes ces marques qui nous promettaient des voitures,( ou des camions) à hydrogène, que ce soit avec pile à combustible ou à explosion, qui devaient tous envahir le marché …
On pourrait aussi parler des multiples promesses de VE avec REX, qu’on attend encore ( le dernier promis en date étant la Mazda…) !
Pour ma part, le pragmatisme fait que je regarde le marché le + en avance, à savoir la Chine, et on a une idée de la » vraie » évolution !
En clair, les VE qui sortent vraiment appartiennent aux groupes les plus gros, et en particulier ceux qui maîtrisent la fabrication des batteries comme BYD…
La recomposition a commencé, avec l’extinction programmée de l’écrasante majorité des » petits » constructeurs, ( l’histoire se répète), ainsi que celle des anciens constructeurs, qui n’auront pas voulu investir suffisamment pour prendre le virage des VE, des batteries ( proportion énorme dans le coût d’une voiture).