Pour la première fois depuis l’épisode épidémique, le salon de Genève ouvre ses portes. Hélas, les réalités ont rattrapé l’un des plus beaux rendez-vous automobiles au monde.

“Exceptionnel et magique”. Voilà comment titrai-je celui qui allait être l’un de mes derniers comptes-rendus du salon de Genève, un rendez-vous sans équivalent dans le monde. De par sa situation géographique, d’une part, mais aussi avec son calendrier, à quelques jours du printemps, d’autre part, le GIMS régnait en maître dans le monde des événements automobiles. Si bien qu’il était la coqueluche de tous les constructeurs, préparateurs et artisans, prêts à donner un coup de canif dans leur budget pour s’offrir une place dans le Palexpo. Même Tesla, qui s’obstine toujours à rejeter les méthodes traditionnelles de communication, a eu à se laisser tenter.

Doha à l’honneur

Mais voilà, malgré tous ses atouts, la manifestation suisse commençait, comme Francfort ou Paris, à subir une hémorragie. Mais c’est bien l’épidémie de 2020 qui a sonné le glas de ce rendez-vous. Annulé à seulement quelques jours de son ouverture, alors que le montage des stands avait bien avancé, le salon de Genève venait, sans le savoir, de tourner une page dans sa fabuleuse histoire.

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Surtout, le Geneva International Motor Show (ou GIMS pour les intimes) n’a jamais pu se relancer, enchaînant les annulations les années suivantes, entre réticences financières et incertitudes géopolitiques et financières. Toutefois, pour mieux se réinventer, quitte à imaginer au demeurant n’importe quoi, l’organisation a eu en effet l’idée pour 2023 de scinder le rendez-vous en deux éditions : l’une à Genève, et l’autre… au Qatar, donnant ainsi naissance au Geneva International Motor Show Qatar. Si la première a été annulée en 2023, la seconde a bien eu lieu, en réunissant tout de même une trentaine de marques et attirant près de 180 000 visiteurs. Un bilan très mitigé face aux 602 000 visiteurs de 2019, mais un résultat satisfaisant pour l’organisation au bord du précipice. Cela aurait-il permis de sauver le GIMS ?

Chérie, j’ai rétréci le salon

Il n’en demeure pas moins que le salon de Genève 2024 vient de réussir à ouvrir ses portes dans l’enceinte historique du Palexpo. Une bonne nouvelle, à tout le moins ce qui semblait l’être, pour les acteurs du milieu, mais surtout pour les visiteurs habitués à ressortir des halls avec des yeux pétillants. Mais finalement, il n’en sera rien, tant le redémarrage s’est révélé timide. Car cette année, la liste des exposants a de quoi arracher des larmes : moins d’une dizaine de marques automobiles (un total de 20 exposants) se sont manifestées pour y participer avec, parmi les plus importantes, BYD, Dacia, MG et Renault.

Dès lors, la taille du salon a de quoi sérieusement inquiéter. S’étalant habituellement sur sept halls gigantesques (que l’on considérait comme un salon à taille humaine dans la profession), le GIMS 2024 n’en occupe désormais que… deux, barricadés par des voiles noirs d’une tristesse absolue pour cacher le vide environnant. Mais, ce n’est sans doute pas un hasard, le plan à deux étages, caractéristique du salon de Genève, a été conservé. Reste que la réalité est tout autre : tout le monde a été logé au rez-de-chaussée, l’autre moitié de salon en haut étant réservée à une –superbe– exposition de voitures anciennes, aussi nombreuses que les anciennes. Un comble, pour un rendez-vous qui porte Auto.Future.Now comme slogan !

Le Renault Motor Show

Comme à Paris, le groupe Renault a décidé de jouer le jeu, avec la marque au Losange sur sa parcelle historique enveloppée par les deux grands escaliers, et Dacia à sa droite, en lieu et place de Nissan. Un beau coup pour la firme française, qui s’est surtout offerte une place dans les médias sans commune mesure : aucune autre marque concurrente n’est venue lui faire de l’ombre, elle a présenté la R5 de loin la nouveauté la plus attendue cette année, et elle s’est vue décerner le titre convoité de la Voiture de l’Année avec le Renault Scénic e-Tech ! Un tiercé gagant.

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Installés frontalement, BYD et MG, qui disposent des deux plus autres gros stands, n’ont eu aucune chance. Pourtant, ces deux marques chinoises, qui profitent allègrement de la situation actuelle et de l’absence des constructeurs historiques, ont un programme plutôt bien garni. BYD, qui a fait des apparitions à Paris ou même à Tokyo, a présenté le Tang restylé, mais aussi lancé ses nouvelles marques Yangwang et Denza. Même stratégie chez MG avec la première apparition de MG 3 hybride, mais aussi de la nouvelle marque haut de gamme IM. L’exotisme de ces modèles a certes aimanté les caméras et appareils photos des journalistes présents, mais ils n’ont rien pu faire face à Renault, qui rappelait sur son stand que, finalement, la “R5volution is a french thing” (la révolution est une spécialité française).

Une visite très chère payée

Malgré tous ses efforts pour revenir sur les rives Léman, le GIMS ne règne plus en maître dans le monde des salons. D’une superbe manifestation attirant des visiteurs du quatre coins du globe, le salon de Genève apparaît cette année comme une petite foire locale, n’arrivant pas même à la cheville du salon de Lyon. Certes, les visiteurs pourraient se délecter de quelques nouveautés électriques ou autres voitures de prestige (Lucid sait faire les deux), mais ils auront vite fait le tour : en moins de deux heures, on prend large, l’affaire est pliée ! Et pour cause : on ne compte finalement que huit premières (mondiales ou européennes), quand chaque édition de l’ancien monde en voyait apparaître dix fois plus !

Voilà qui apparaît bien dommage pour ce salon qui, toutefois, envisage bien de faire les poches des visiteurs. Car si le prix a été fortement réduit à 110 CHF/m2 pour les exposants, ceux des billets ont explosé : il faut maintenant compter 25 CHF (26 €) pour les adultes et 18 CHF (19 €) pour les moins de 15 ans, contre 16 CHF (14 €) et 9 CHF (8 €) respectivement en 2019 ! De plus, il n’existe plus de ristourne pour les entrées après 16 h 00 (- 50 % auparavant), et il faut de surcroit sélectionner un créneau horaire d’entrée avec 2 h 30 de marge (de 9 h 00 à 11 h 30 par exemple) qu’il est impératif de respecter sous peine de se voir refuser l’entrée sans remboursement possible. Avec des billets presque deux fois plus chers et une surface d’exposition réduite de presque moitié, il sera sans nul doute bien difficile pour l’organisation d’atteindre un objectif de 200 000 visiteurs pour cette édition… qui fête les cent ans du salon international de l’automobile de Genève !